Le droit au divorce - guet - est un sujet hautement débattu dans la société israélienne. Si elle n’obtient pas le guet, l’acte religieux du divorce, une femme ne peut se remarier puisque le mariage civil n’existe pas en Israël. Gabriel Abensour est chercheur à l’université hébraïque de Jérusalem et spécialiste de la façon dont s’articulent loi juive et modernité.
Qu’est-ce que le guet ?
Dans le judaïsme, le guet est le nom du contrat de divorce qui est donné par l’homme à sa femme. C’est à sens unique, c’est-à-dire que le mariage se fait par consentement mutuel, mais seul le mari peut délivrer le guet… ce qui crée pas mal de problèmes. La cérémonie du guet se déroule généralement au tribunal rabbinique. Il est rédigé sur place et remis par l’époux à sa conjointe, dans la main.
Le guet est intrinsèquement lié au mariage et à l’exclusivité du rapport amoureux dans le judaïsme. Pouvez-vous nous en parler ?
Pour le comprendre, il faut revenir aux sources bibliques. Dans la Bible la polygamie est autorisée pour les hommes. Lors du mariage les engagements mutuels du mari vis-à-vis de son épouse ne sont ainsi pas parfaitement égalitaires : l’homme s’engage à nourrir sa femme, à la vêtir, à la loger, à l’aimer et à la satisfaire, mais, contrairement à la femme, ne s’engage pas à l’exclusivité des rapports amoureux.
Le guet vient effacer ces engagements mutuels. Il est remis par l’homme à la femme, précisément parce que dans la logique biblique, c’est elle qui doit retrouver la liberté de pouvoir épouser un autre homme. Le problème est que si l’homme refuse le guet à son épouse, cette dernière ne peut pas se remarier religieusement. Aujourd’hui, dans le monde juif, la polygamie n’est plus appliquée, mais la cérémonie du guet demeure la même qu’à l’époque biblique.
Que faire des époux qui refusent d’octroyer le guet à leur épouse ?
À l’époque prémoderne c’était paradoxalement plus simple qu’aujourd’hui. Lorsque les communautés juives étaient autonomes – avant le XVIIIe siècle en Europe et avant le XIXe dans le monde oriental et arabe, elles disposaient de moyens coercitifs plus autonomes pour obliger les maris récalcitrants à donner le guet. En l’emprisonnant par exemple, ou à travers des peines corporelles et financières. Avec l’apparition d’une citoyenneté universelle, les procédures de mariage et de divorce sont devenues civiles. Les communautés juives n’ont plus eu le droit d’utiliser ces punitions sur les membres de leur communauté, mais les cas de maris récalcitrants se sont peu à peu multipliés. Et aujourd’hui un des rares pouvoirs qui restent dans les mains des communautés juives est la pression sociale.
En Israël, où l’État est juif et le mariage religieux reconnu, refuser le guet relève d’une faute pénale. L’État a donc octroyé aux rabbins un pouvoir un peu plus large, comme celui d’incarcérer le mari récalcitrant et de lui imposer des peines financières.
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Le guet est-il misogyne ?
Je pense qu’il faut différencier le mot “misogyne” de “patriarcal”. Misogyne veut dire “qui a été créé contre les femmes à la base”. Une institution patriarcale est, elle, liée à d’autres schémas de société, qui ne sont plus les nôtres aujourd’hui. Le guet n’est pas misogyne dans le sens où il n’a pas été conçu contre les femmes, au contraire. Ce que je trouve misogyne n’est pas le guet lui-même, mais plutôt parfois les quelques réactions rabbiniques ultraconservatrices qui me paraissent sans bases légales, et qui invoquent des préjugés et craintes diverses et variées. Elles viennent d’une peur des femmes, ou d’une peur du changement.
Beaucoup aimerait une modification de la cérémonie du mariage en la rendant plus égalitaire, par exemple en ajoutant des engagements mutuels. Mais cela provoque des désaccords au sein de la communauté orthodoxe, les plus conservateurs ne voulant pas toucher à la cérémonie telle qu’elle a été conçue il y a des siècles.
En Israël, où l’État est juif et le mariage religieux reconnu, refuser le guet relève d’une faute pénale. L’État a donc octroyé aux rabbins un pouvoir un peu plus large, comme celui d’incarcérer le mari récalcitrant et de lui imposer des peines financières.
Et vous, qu’en pensez-vous ?
Je fais partie de ceux qui pensent que beaucoup de modifications peuvent être apportées au guet, et que c’est même une nécessité. Personnellement je pense que le plus urgent est d’ajouter à la cérémonie du mariage des engagements égalitaires qui évitent bien des problèmes lors du divorce. Car de fait, le guet tel qu’il est appliqué actuellement porte atteinte à la liberté des femmes.
JUDAÏSME ET DIVORCE
La réponse du consistoire de France
“Bien que le mariage soit proposé comme un idéal de vie dès les premiers chapitres de la Torah, celle-ci envisage le cas de la séparation si l’harmonie n’est plus au rendez-vous. Pour rompre un mariage religieux il faut impérativement procéder à une cérémonie religieuse au cours de laquelle le mari doit remettre à son épouse, en présence d’un Beth-Din (Tribunal rabbinique), un guet ou acte de divorce. Le divorce religieux suit une démarche spécifique sur le plan de la halakha.
Dernière mise à jour: 04/04/2024 16:57