Le Jésus de l’Histoire au regard de l’archéologie
À l’occasion de son centenaire, Terre Sainte Magazine a demandé au frère Frédéric Manns un article retraçant la figure de Jésus telle que l’archéologie nous la fait découvrir tout au long du siècle écoulé. Il en résulte un long article que nous publierons en épisodes suivant une ancienne tradition de la revue La Terre Sainte.
Épisode 3/5 : Jésus le Galiléen
La ville de Nazareth est de loin la plus visitée par les pèlerins. Les fouilles des Pères P. Viaud et B. Bagatti ont permis d’identifier des restes des habitations en grande partie détruites.
En 2009, l’annonce, par les archéologues israéliens de l’Israël Antiquities Authority, de la découverte d’une maison du temps de Jésus à Nazareth s’est répandue rapidement. La responsable des fouilles, Yardenna Alexandre, et son équipe, ont commencé par fouiller un premier carré de 10 m de côté environ dans la propriété connue comme “Centre international Marie de Nazareth”. Puisque les résultats se sont révélés intéressants, un deuxième carré a été dégagé, entre novembre et décembre 2009. Yardenna a participé à de nombreux chantiers de Galilée. Ses conclusions ont été confirmées par ses confrères. La découverte la plus intéressante est celle d’un grand nombre de poteries et de céramiques qui datent des périodes hellénistique et romaine tardive, ainsi que les restes des murs d’une maison composée de plusieurs petites pièces et d’une cour, qui date de la même période. Très intéressants aussi les ustensiles de cuisine en pierre exigés par les règles de pureté rituelles et bien connus par d’autres fouilles. Le traité Kelim de la Mishna fournit toute la documentation littéraire.
Lorsque les Sœurs de Nazareth sont arrivées au XIXe siècle à Nazareth, elles ont acheté un terrain qui était connu comme celui du “Tombeau du Juste”, mais aucun élément ne pouvait laisser penser à l’authenticité de cette croyance. Les sœurs croyaient qu’on avait inventé cette tradition pour leur faire payer le terrain plus cher.
Le lieu le plus important de Nazareth est sans aucun doute la grotte de l’Annonciation, creusée dans la roche, qui est, selon la tradition le lieu de l’apparition de l’ange Gabriel à Marie. C’est au-dessus de cet endroit qu’est construite la basilique de l’Annonciation. La maison de Marie s’appuyait avec trois murs sur la roche, comme beaucoup d’habitations galiléennes : les parties creusées dans la roche sont solides, fraîches l’été et tempérées l’hiver. Mais les départs de murs qu’on voit creusés dans le rocher ont été détruits. Tout près de la maison vénérée le Père B. Bagatti, qui a conduit les fouilles dans les années 1960, a retrouvé des citernes et des silos creusés dans la roche. Il a publié les résultats de ses découvertes en deux volumes.
Lorsque les Sœurs de Nazareth sont arrivées au XIXe siècle à Nazareth, elles ont acheté un terrain qui était connu comme celui du “Tombeau du Juste”, mais aucun élément ne pouvait laisser penser à l’authenticité de cette croyance. Les sœurs croyaient qu’on avait inventé cette tradition pour leur faire payer le terrain plus cher. Mais quelques dizaines d’années plus tard, une sœur qui travaillait le sol a vu celui-ci se dérober sous elle et elle est tombée d’un étage, découvrant une cavité, qui s’est révélée de la période croisée.
Les chercheurs alertés se sont mis à creuser et à fouiller parce que les éléments croisés sont souvent construits sur des ruines byzantines, qui elles-mêmes sont parfois bâties sur des éléments encore plus anciens. Les découvertes ont été impressionnantes et plusieurs niveaux ont été dégagés, avec des constructions, des citernes et un tombeau du Ier siècle, creusé dans la roche et fermé avec une meule coulissant dans une rainure. D’autres tombeaux de ce genre sont connus à Jérusalem. Les fouilles récentes de D. Klark ont permis d’attester que la période romaine est présente dans les fouilles. Affaire à suivre.
Entre Nazareth et Cana on connaissait déjà depuis 2001 la grotte calcaire d’Einot Amitai. Quinze ans plus tard une équipe de chercheurs des universités d’Ariel et de Malte a voulu étudier ce site. Les archéologues ont exhumé des vases en pierre, prouvant que la grotte abritait un atelier de production de vases. À la différence des autres sites de fabrication en Galilée, Einot Amitai abritait à la fois la carrière et la manufacture où les objets étaient fabriqués. La production date du Ier siècle, période durant laquelle les vases de calcaire étaient utilisés partout. Pour Y. Adler, de l’université d’Ariel, le choix du calcaire s’explique par des motifs religieux. “Plusieurs mouvements du judaïsme étaient alors obsédées par les codes de pureté du Lévitique. La pierre qui, contrairement à la céramique, ne retenait pas les impuretés rituelles, était donc un matériau idéal pour les ustensiles de cuisine”, souligne-t-il. Ce contexte explique le récit des noces de Cana qui mentionne des jarres de pierre servant à la purification des juifs -Jn 2, 6.
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Plus au nord de la Galilée les fouilles de Césarée de Philippe attirent des foules de pèlerins. C’est dans les environs de cette ville que les Évangiles localisent la confession de foi de Pierre -Mt 16, 13. Le tétrarque Philippe avait reçu la ville de son père Hérode le Grand qui avait fait construire un temple de marbre blanc en l’honneur d’Auguste. Mais le culte impérial ne put rivaliser avec celui antagoniste du dieu Pan, qui symbolisait les forces naturelles. En effet, un des trois affluents du Jourdain prend sa source sous la grotte de Pan. Un cimetière de chèvres, les animaux préférés de ce dieu bucolique, a été exhumé près des sanctuaires dans la zone sacrée. Les nombreuses monnaies provenant de la ville confirment la présence des monuments de la ville et le culte de Pan. Dans ce contexte Jésus posa la question à ses disciples : Pour vous qui suis-je ? -Mt 16, 15. Les fouilles de la ville basse se poursuivent et ont permis d’identifier le cardo de la cité et le palais d’Hérode Agrippa. Une église byzantine garde le souvenir de la guérison de l’hémorroïsse dans la ville.
Bethsaïda, dont le nom signifie la maison de la pêche, est depuis 1986 objet de fouilles dirigées par l’université de Nebraska (USA) et par R. Arav. Située à 2 km du lac de Génésareth, la ville était la patrie des apôtres Pierre, André et Philippe. Les fouilles ont permis de constater que le quartier résidentiel de la ville se différenciait du quartier des pêcheurs. Plusieurs amphores romaines proviennent de la maison du boutiquier. Le chantier qui n’est pas facile à cause de la présence passée de l’armée syrienne n’est pas terminé.
Les villes de la Décapole présentes en Israël, Sussita et Beth Shean, dont les fouilles sont en cours, rappellent que selon Mc 7, 31-8, 21 l’activité de Jésus se déroulait également dans cette région.
La Samarie qui sépare la Judée de la Galilée est célèbre pour le puits de Jacob dont personne ne conteste l’historicité. Jésus est passé en Samarie et y a donné son enseignement sur la prière en esprit et en vérité à une femme qui venait puiser de l’eau. Les restes du temple de Jean Hyrcan ont été retrouvés sur le mont Garizim et publiés par l’archéologue Y. Magen.
Dernière mise à jour: 08/04/2024 15:39