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Un nouveau Premier ministre pour Israël : quels changements ?

Christophe Lafontaine
14 juin 2021
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Le nouveau gouvernement israélien à la résidence du Président à Jérusalem, le 14 juin 2021. ©Yonatan Sindel/Flash90

Naftali Bennett est devenu le 13e Premier ministre d'Israël. Mettant fin à l’ère Netanyahu. Reste à savoir le temps que durera son gouvernement et si sa politique sera vraiment différente sur la question palestinienne.


Hier, 60 députés sur les 119 présents (sur 120) à la Knesset, le parlement israélien, ont voté en faveur d’une nouvelle coalition gouvernementale. Au final et comme prévu, c’est une alliance totalement hétéroclite qui embrasse deux partis de gauche, deux partis du centre, trois partis de droite nationaliste et un parti arabe, la formation arabe Ra’am de Mansour Abbas. Tous se rejoignent sur un même dénominateur commun : renverser Benjamin Netanyahu (71 ans), confronté à un procès pour corruption, malversation et abus de pouvoir dans une série d’affaires et ayant dirigé le pays de 1996 à 1999 puis de 2009 à juin 2021.

C’est Naftali Bennett, 49 ans, ex-allié de Netanyahu et chef du parti Yamina, une formation de droite radicale, qui prend sa suite comme 13e Premier ministre de l’Etat d’Israël. Il est le premier chef de gouvernement de l’histoire du pays à porter une kippa. A noter que dans le cadre d’un accord de rotation, il passera le flambeau dans deux ans au chef de Yesh Atid « Il y a un futur », le centriste Yair Lapid, qui deviendra donc à son tour Premier ministre, après avoir été chef de la diplomatie jusqu’en 2023.

Une coalition disparate face à une forte opposition

Benjamin Netanyahu a assuré devant le Parlement qu’il resterait en politique, à la tête de l’opposition, afin de « faire tomber » le nouveau gouvernement. Il a ajouté qu’il serait « bientôt de retour » au pouvoir. Une hypothèse à ne pas à prendre à la légère tant les chances de survie de la coalition Lapid-Bennett sont minces. Non seulement la coalition ne dispose que d’une majorité très mince, mais encore elle est composée d’un tel éventail de partis, qu’il va être très difficile pour elle d’aller dans la même direction sur le plan décisionnel. Même si Naftali Bennett a déclaré que son gouvernement travaillerait pour toute la population israélienne y compris la minorité arabe, mais aussi les juifs ultra-orthodoxes qui n’ont aucun élu dans cette coalition.

Les premiers défis auxquels sera confronté le gouvernement tournent autour des questions sociales (un peu plus d’un tiers de la population israélienne vit sous le seuil de pauvreté), des relations Etat et religion, du cessez-le-feu fragile entre le Hamas et Israël signé il y a 15 jours, de l’apaisement dans les villes mixtes d’Israël, de la question des expulsions de familles palestiniennes à Jérusalem-Est, mais aussi de la marche des drapeaux, d’extrême droite, qui aura lieu demain à Jérusalem et qui avait été reportée en raison des tirs de roquettes depuis Gaza sur Jérusalem.  Le mouvement palestinien Hamas a menacé de représailles si cette marche se tenait près de l’esplanade des Mosquées.

Sur France Info, le politologue Ofer Bronchtein, président du Forum mondial pour la paix a prévenu : « Il est évident que par la disparité idéologique de ces composants, il y a des choses que ce gouvernement ne pourra pas faire ». Et d’ajouter que « la nouvelle opposition à ce gouvernement va être d’une très grande violence, d’une très grande virulence, et va trouver tous les moyens démocratiques et non démocratiques pour perturber ce gouvernement ».

Pour les Palestiniens, c’est « bonnet blanc, blanc bonnet »

Ancien commandant d’une unité d’élite de Tsahal, Bennett a fait fortune dans les nouvelles technologies avant de se lancer en 2006 en politique aux côtés de Benjamin Netanyahu. En 2008, il part diriger le Conseil de Yesha, principale organisation représentant les colons israéliens en Cisjordanie. En 2012, ce père de quatre enfants arrive à la tête du parti « Foyer Juif », le parti historique des colons qui avec d’autres partis ont formé « Yamina » (qui signifie « à droite » en hébreu) et qui prône l’annexion de près des deux tiers de la Cisjordanie, territoire palestinien occupé par Israël.

Si les Palestiniens se réjouissent de voir partir Benjamin Netanyahu, le nouveau Premier ministre ne les rassure pas vraiment d’autant que les partis qui restent forts à la Knesset et d’ailleurs dans la coalition sont des partis de droite. Au sein du gouvernement de nombreux postes stratégiques sont de fait entre les mains d’Avigdor Liberman (Yisrael Beyteinu, Israël notre maison, parti de droite nationaliste laïque) nommé ministre des Finances, Gideon Saar (Tikva Hadasha, Nouvel Espoir, parti de droite conservatrice) nommé ministre de la Justice. Ze’ev Elkin, de Tikva Hadasha, est nommé ministre de la Construction et du Logement et ministre des Affaires de Jérusalem et du Patrimoine. Ayelet Shaked (Yamina), quant à elle, devient ministre de l’Intérieur, et Matan Kahana (Yamina), ministre des Affaires religieuses. Les deux derniers venant de la formation de Bennett.

Pour les Palestiniens, Bennett qui a bâti sa carrière politique à l’ombre et à la droite de Benjamin Netanyahu, ne devrait pas changer la donne. Plus qu’un changement de personnes, ils attendent des changements structurels politiques. Le ministère des Affaires étrangères de l’Autorité palestinienne a déclaré en ce sens qu’: « en ce qui concerne les politiques [du nouveau gouvernement], nous estimons que nous ne verrons aucune différence, ou peut-être même pire ». Le Hamas, au pouvoir dans la bande de Gaza a déclaré qu’il continuerait à se battre contre le gouvernement israélien quel qu’il soit.

Le père Ibrahim Shomali, chancelier du Patriarcat latin de Jérusalem a expliqué pour AsiaNews que « l’Eglise ne veut pas exprimer un jugement moral sur les gouvernements, mais espère et œuvre pour la rencontre et le dialogue, pour la vie en commun. Bien qu’il n’y ait pas de grand espoir, nous voulons travailler et contribuer à restaurer un climat de confiance ». Pour lui, « la gauche et la droite [israéliennes] n’ont jamais été d’accord ; aujourd’hui ils le font pour atteindre un objectif commun, mais je ne sais pas jusqu’où ils pourront progresser dans une perspective de paix ».

S’il dit espérer quand même que « ce changement soit favorable aux Palestiniens », il reconnaît que « les opportunités sont peu nombreuses », et souligne qu’« il n’y a pas un grand climat de confiance autour de cet exécutif, de même qu’il semble y avoir un manque de vision politique claire et d’orientation vers le futur ».

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