L'un des bâtiments publics les plus importants de la période du Second Temple jamais découverts à proximité du Mur Occidental à Jérusalem a été mis au jour. C’est là que le conseil municipal recevait ses hôtes de marque.
« Il s’agit sans aucun doute de l’un des plus magnifiques bâtiments publics de la période du Second Temple » découvert à côté du Mur Occidental à Jérusalem. La joie de Shlomit Weksler-Bdolach, directrice des fouilles sur les lieux, est palpable. L’Autorité des antiquités d’Israël (AAI) pour le compte de laquelle travaille l’archéologue, et la Fondation du patrimoine du Mur Occidental ont fait état de la nouvelle dans un communiqué conjoint publié ce jour.
La zone est connue pour être très sensible. Politiquement, elle se trouve à Jérusalem-Est, secteur palestinien de la ville occupé et annexé par Israël. Religieusement, le Mur Occidental est le seul vestige d’un mur de soutènement du Second Temple de Jérusalem, restauré et agrandi par Hérode Ier le Grand, considéré comme le lieu le plus sacré du judaïsme. Aujourd’hui, l’esplanade des Mosquées occupe la majeure partie du mont du Temple avec la mosquée al-Aqsa et le dôme du Rocher. Le « Noble sanctuaire » (Haram al-Sharif), est le troisième lieu saint le plus important pour les musulmans.
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La découverte récente du bâtiment d’il y a 2 000 ans est le fruit de fouilles archéologiques menées ces dernières années dans les tunnels souterrains adjacents au Mur Occidental. Pour mémoire, en 1996, l’ouverture au public de ces tunnels avait provoqué des heurts entre les forces de sécurité israéliennes et des Palestiniens, et 80 personnes avaient péri. Les Palestiniens soutenaient que ces tunnels menaçaient les fondations de la mosquée Al-Aqsa.
Un bâtiment pour l’élite municipale
L’imposante structure dévoilée ce jour a probablement été construite vers 20 ou 30 ap. J.-C. Soit quelques décennies seulement avant que le Temple ne soit détruit par les Romains, en 70. Située à l’ouest de l’Arche de Wilson et du Mont du Temple, zone adjacente à la section réservée à la prière des hommes devant le mur, une partie de l’édifice avait été découverte et documentée au XIXe siècle par l’archéologue britannique Charles Warren. D’autres chercheurs ont également étudié cette partie au siècle suivant.
Le communiqué des archéologues israéliens précise que « le bâtiment se trouvait apparemment le long d’une rue menant au Mont du Temple ». Ils estiment que l’édifice a été utilisé pour des fonctions publiques. Selon eux, « il se peut même qu’il ait été le bâtiment du conseil municipal », autrement dit l’hôtel de ville de la Jérusalem que Jésus a parcourue et « où les dignitaires importants étaient reçus avant de pénétrer dans l’enceinte du Temple et sur le Mont du Temple ». Shlomit Weksler-Bdolach explique dans une vidéo liée au communiqué de presse, qu’en fin de compte les lieux pouvaient faire office de grand « parloir ».
Le bâtiment rectangulaire, de 24,5 mètres de long sur 11 mètres comme le précise Haaretz, était divisé en deux salles voûtées, identiques, mesurant chacune 7 mètres de long sur 5,7 mètres de large.
Typique de l’architecture opulente de la période du Second Temple
Les archéologues ont repéré que les murs des salles étaient décorés d’une corniche inférieure supportant des pilastres, lesquels étaient surmontés de chapiteaux corinthiens. Haaretz a en outre fait savoir que les entrées trouvées jusqu’à présent par les archéologues étaient de grand style.
Les deux grandes pièces étaient reliées l’une à l’autre par un couloir doté également de pilastres coiffés de chapiteaux corinthiens. Dans cet espace entre les deux pièces, se trouvait une fontaine murale. L’eau jaillissait depuis des tuyaux en plomb au sommet des chapiteaux corinthiens. L’eau s’écoulait ensuite par un canal creusé dans les pavés. Une telle installation était sans doute prévue pour impressionner les visiteurs.
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« Le style décoratif de l’édifice est typique de l’architecture opulente de la période du Second Temple », souligne le communiqué des archéologues. Malgré la nette influence romaine dans l’architecture de cette structure, Shlomit Weksler-Bdolach au Times of Israel ne manque pas de souligner qu’à cette époque, Jérusalem était encore une ville culturellement juive. De fait, les décorations ne comprenaient pas d’images taillées, interdites par la Torah : « Tu ne te feras point d’image taillée, ni de représentation quelconque des choses qui sont en haut dans les cieux, qui sont en bas sur la terre, et qui sont dans les eaux plus bas que la terre ». (Exode, 20 -4).
Des salles-à-manger avec banquettes inclinables
Les experts suggèrent en outre que les deux pièces pouvaient servir de salle-à-manger dotées de banquettes inclinables en bois qui n’ont pas survécu au temps et aux guerres. « Des traces de canapés en bois ont été trouvées le long des murs des deux salles latérales », a de fait indiqué Haaretz.
Ce type de salle-à-manger avec banquettes inclinées étaient courant dans les mondes grec et romain du Ve siècle avant J.-C. au III-IVe siècles ap. J.-C. « On en trouve dans les archives archéologiques de maisons privées, de palais, de temples, de complexes synagogaux et de complexes civils », affirment-ils. Rappelant que le fait de manger ou de festoyer en étant allongé est mentionné dans le livre d’Amos (VIIIe siècle avant J.-C.), lorsque le prophète réprimande les peuples des royaumes de Juda et d’Israël : « Couchés sur des lits d’ivoire, vautrés sur leurs divans, ils mangent les agneaux du troupeau, les veaux les plus tendres de l’étable » (VI-4).
A la veille de la destruction du Temple, le bâtiment public avait subi d’importants changements. Il fut divisé en trois chambres distinctes et la fontaine mise hors d’usage. Dans l’une des salles, fut installé un bassin plâtré qui a servi de mikvé, bain rituel utilisé pour l’ablution nécessaire aux rites de pureté familiale dans le judaïsme. Les marches sont encore visibles aujourd’hui.