A chaque cycle de violences entre les Palestiniens et l’État d’Israël, le monde s’interroge : « Jusqu’à quand durera ce conflit ? ». Mais les tensions entre les Palestiniens eux-mêmes attirent rarement l’attention de l’opinion internationale, bien qu’elles soient souvent liées au conflit avec Israël. C’est le cas de la crise actuelle qui secoue la Cisjordanie. Des milliers de Palestiniens manifestent chaque semaine depuis fin juin contre l’autorité du président Mahmoud Abbas.
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Tout a commencé avec la mort de Nizar Banat. Un palestinien de 43 ans célèbre pour ses vidéos sur les réseaux sociaux, suivies par des dizaines de milliers de followers, dans lesquelles il critiquait sévèrement l’autorité palestinienne. L’activiste est mort lors de son arrestation, à Hébron, par la police palestinienne, le 24 juin dernier. Le fait qu’aucune personne impliquée dans la mort de Banat n’ait été encore arrêtée et jugée, ainsi que la violence employée par la sécurité palestinienne pour réprimer les manifestations, ont fait monter le ton des manifestants, qui demandent désormais la démission de Mahmoud Abbas.
Les protestations ont encouragé les critiques de l’Autorité palestinienne à tout sortir. Des activistes, des politiciens de tous les partis, des journalistes et des juristes ont remis en question, sur les réseaux sociaux et dans les médias, la gestion de la pandémie par le gouvernement palestinien, les accusations de corruption, et même la question des liens sécuritaires avec Israël. Des responsables de l’Autorité palestinienne ont répondu en disant qu’elle était le garant du “projet national palestinien”.
Construire l’Etat sous occupation
Ce “projet national” est celui de la création d’un Etat palestinien, dans les paramètres d’un projet de deux Etats. C’est le projet adopté par la communauté internationale comme solution au conflit israélo-palestinien, et c’est la communauté internationale qui finance l’Autorité palestinienne, et influence ses politiques. Dans ce projet, l’Autorité palestinienne a pour mission de construire un Etat de droit, garant des libertés, tout en maintenant la stabilité de la situation politique et sécuritaire. Cette logique repose sur l’idée que le conflit avec Israël est suspendu, pendant que se déroule un processus de négociations, ce qui fournit, en théorie, les conditions nécessaires pour la construction de l’Etat palestinien.
Or, les négociations se sont arrêtées depuis longtemps. L’occupation israélienne, elle, continue. Que ce soit à Gaza, à Jérusalem-Est ou en Cisjordanie, les Palestiniens vivent au quotidien sous blocus militaire, ils sont confrontés à des lois discriminatoires visant à les expulser de chez eux, et sont victimes de la violence des colons et d’arrestations arbitraires de l’armée israélienne. Dans de telles conditions, il est impossible de garantir la stabilité politique, surtout du côté d’une population qui ne jouit, elle, d’aucune stabilité. Sauf à supprimer les libertés individuelles de cette population, et à bâillonner sa liberté d’expression et d’opposition.
Perte de confiance
L’échec du processus de paix a poussé beaucoup de Palestiniens, surtout les jeunes, à perdre espoir dans le projet d’un Etat palestinien dans le cadre de deux Etats. La continuation de la division entre le Fatah et le Hamas a entamé la confiance dans les leaders palestiniens et les Palestiniens expriment leurs désillusions. Pourtant, l’Autorité palestinienne ne peut pas proposer des alternatives, car son existence même dépend du projet des deux Etats. La communauté internationale, elle, ne semble pas vouloir proposer d’alternatives, car toute alternative doit assumer le fait qu’aucune construction d’Etat palestinien n’est possible, sans d’abord mettre fin à l’occupation israélienne. Cela signifie faire pression sur Israël, ce qu’aucun pays important de la communauté internationale n’est prêt à faire.
Alors que les possibilités d’une solution à deux États deviennent de moins en moins réalistes, l’Autorité palestinienne continuera à s’éloigner de la réalité de sa population. Les tensions continueront à monter entre Palestiniens, mais elles ne tarderont pas à rejaillir sur l’obstacle principal qui empêche les Palestiniens de construire leur pays : l’occupation israélienne. Alors, ils reviendront sur le devant de la scène ceux qui s’interrogent : “Jusqu’à quand durera ce conflit?”