Dans les coulisses du MOOC “Voyage biblique”
Après un an d’attente, l’équipe du Collège des Bernardins en charge de la réalisation du MOOC “Voyage biblique en Terre Sainte” s’est rendue dans le pays de Jésus du 27 juin au 7 juillet pour y filmer in situ les 52 vidéos du futur cours en ligne. Terre Sainte Magazine les a suivis en Galilée pour une journée au pas de course.
Il est à peine 9 h du matin, mais la chaleur est déjà étouffante sur les bords du lac de Tibériade. Les rayons brûlants du soleil de juin se mêlent à la forte humidité dans un cocktail pesant pour Florian et Raphaël, les deux cadreurs contraints à une immobilité inconfortable dans les ruines de la synagogue de Capharnaüm. Dans leur viseur, le père Jean-Philippe Fabre. À l’aise, le responsable du MOOC “Voyage biblique en Terre Sainte”, feuillette les pages de sa Bible et déroule son explication de texte : la vie ordinaire menée par Jésus à Capharnaüm, la ville où il s’est installé durant presque trois ans.
Le topo est bouclé en 8 minutes chrono. “Avec un groupe sur place j’explique, je passe une heure ici à commenter ces textes”, sourit le père Fabre en entraînant sans attendre ses trois coéquipiers vers le décor de la prochaine séquence. Le programme est chargé. Ils ont 10 jours pour filmer une cinquantaine de vidéos à travers le pays. Et pas moins de 10 doivent être tournées en ce jeudi 1er juillet, la seule journée que l’équipe du Collège des Bernardins passera en Galilée. La veille, ils étaient sur les hauteurs désertiques de Massada tandis que le lendemain est dédié à la ville de Nazareth.
L’énergie et les connaissances du père Fabre ne sont donc pas de trop pour respecter la cadence rythmée de la journée. Au menu : 3 séquences sur la vie de Jésus à Capharnaüm,
2 autres au sanctuaire des Béatitudes, et 4 à Tabgha où l’on situe la Primauté de Pierre et la Multiplication des pains. Des lieux incontournables lors d’un pèlerinage. “On doit aller à l’essentiel : le MOOC s’adresse à des gens qui n’auront pas forcément l’opportunité de réaliser le voyage”, explique le prêtre. L’équipe a dû faire une croix sur Kursi, la première étape de la journée, faute de temps.
Une “visite de la Bible”
Du temps, le père Fabre en prend tout de même pour célébrer la messe sur le petit autel de Capharnaüm, face au lac de Tibériade. La première depuis un an et demi de pandémie, là où l’on se souvient de la rencontre entre Jésus et ceux qui deviendront ses disciples. “C’est l’endroit que je préfère au monde”, savoure Jean-Philippe Fabre, habitué des lieux puisqu’il guide régulièrement des pèlerinages en Terre Sainte depuis plusieurs années.
Quand il s’agit d’enseigner à des groupes, sa méthode est directement inspirée de “la Bible sur le terrain”, apprise auprès de son concepteur, le père Jacques Fontaine. C’est cette même philosophie que Jean-Philippe Fabre cherche à insuffler dans son MOOC. “Il s’agira d’une visite de la Bible. Un voyage d’initiation qui permettra de comprendre la cohérence du texte biblique depuis le livre de la Genèse jusqu’à l’Apocalypse. Pour cela, rien de mieux que voir où il a été écrit et vécu”, s’enthousiasme le bibliste.
En matière d’images, les inscrits au MOOC seront gâtés. Israël n’ayant toujours pas rouvert ses frontières aux touristes individuels fin juin, il n’y a pas un chat sur les sites d’ordinaire bondés. Un privilège auquel on s’habituerait presque… et qui ravit les deux cameramen.
10 h 45. Par un savant jeu de réseautage, l’autorisation pour filmer au sanctuaire des Béatitudes, fermé au public depuis le début de la pandémie, vient d’arriver. Il était moins une. La voiture des Bernardins file en direction du nord. Déballage, installation, cadrage, mise au point… Les gestes se répètent et se ressemblent, mais le décor, lui, a changé. L’église octogonale (autant de côtés que de Béatitudes), surplombe un jardin aux buissons de bougainvilliers colorés, qui s’est laissé oublier.
Au clap de Jean-François Boisson, secrétaire général du Collège des Bernardins et quatrième compagnon de route, le père Fabre brode, sans note, autour du Sermon sur la montagne. “La structure du texte évangélique aide à garder le fil. Ce sont aussi des textes que j’ai commentés des dizaines de fois. Je sais sur quels points insister”, commente-t-il après coup.
Chaleur et déconvenue
Pour le cours, tout doit tenir en 6 ou 7 minutes. Jean-François affiche le décompte avec ses doigts. “En général, il ne dépasse pas les 8 minutes”, rit-il. Le petit groupe est efficace. La mécanique commence à être bien rodée : tout est bouclé en 30 minutes. La pause méridienne dans la fraîcheur d’un restaurant climatisé est accueillie avec soulagement.
Restaurée et désaltérée, la petite troupe se remet en route dans le souffle brûlant de l’après-midi. Le thermomètre de la voiture affiche un bon 35 degrés. Ressenti 40. Direction : Tabgha, où les attend la première déconvenue de la journée. L’église de la Multiplication est fermée. Deux vidéos tombent à l’eau. Qu’à cela ne tienne. Le père Fabre ne s’appesantit pas. Déjà, il annonce qu’il en tournera une de moins et qu’il reporte l’autre sur le deuxième site de Tabgha, propriété de la Custodie de Terre Sainte.
En attendant que le sanctuaire ouvre ses portes, le père Fabre entraîne son équipe sur les bords du Jourdain, où il s’adonne à une petite remise en contexte historique. La virée a des airs de pèlerinage. Le MOOC, lui, n’en sera pas un. “Il n’y aura ni prière, ni temps de dévotion, précise Jean-Philippe Fabre. Seulement la découverte du goût et des saveurs du texte biblique. C’est en cela que le cours s’adresse à tous, croyants ou pas.”
Les vidéos reprennent les pieds dans l’eau, aux abords de l’église de la Primauté de Pierre, puis les pieds dans l’herbe verte et grasse bien entretenue du jardin. Il y a beaucoup à dire sur ces lieux symboliques. Tant, que le minuteur explose : 9 minutes pour la multiplication des pains. “Ces textes sont si riches, il y aurait encore plein de choses à dire, rage doucement le bibliste. Je n’ai pas le temps d’expliquer, ni de rentrer dans les détails. Je sens déjà que les questions vont fuser sur le forum du MOOC”, anticipe-t-il dans un sourire.
Le son du clap de fin se perd dans les branches de l’arbre sous lequel le père Fabre s’est installé pour la dernière vidéo de la journée. Il range son chapeau de cow-boy au cuir patiné et sa Bible à portée de main. Il en aura besoin pour le reste du circuit qui les mènera, selon le trajet en forme de signe de croix emprunté par la Bible sur le terrain, jusqu’à Jérusalem : Au nom du Père au sud, du Fils au nord, et du Saint-Esprit dans la ville sainte. Tout un programme à découvrir à partir de janvier 2022.
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