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Deux sublimes portes d’une église du XVIIIe remises à Chypre

Christophe Lafontaine
21 septembre 2021
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Vue générale des deux portes de l’église de Saint Anastase du village de Peristeronopigi (Chypre du Nord) ©Church of Cyprus

Après une longue bataille juridique, l'Eglise orthodoxe de Chypre a pu, le 16 septembre, récupérer du Japon deux portes du XVIIIe siècle finement décorées, volées dans une église du nord de l'île, occupée par les Turcs.


Comment une école d’art japonaise s’est retrouvée en possession de portes en bois, datant de 1778 et provenant de l’iconostase d’une église orthodoxe de Chypre ? Sachant que selon l’Eglise orthodoxe de l’île en question, la trace de ces deux portes a été retrouvée dans les années 90…

Si aucune information n’a été fournie sur la façon dont l’université des beaux-arts de Kanazawa les a acquises, fait savoir l’Associated Press, ce qui est sûr, c’est que les portes ont été volées suite à l’intervention militaire turque qui déboucha sur la division de l’île de Chypre, en deux parties : l’une, grecque (membre de l’Union européenne), et l’autre, turque (pour le tiers nord).

A cette époque, des centaines de fresques, de mosaïques et d’autres œuvres d’art religieuses ont été pillées dans les églises du nord, elles-mêmes profanées. Depuis, le gouvernement chypriote et les autorités ecclésiastiques de l’île mènent de longues batailles juridiques aux Etats-Unis, en Europe, et même en Asie pour les récupérer. En novembre 2018, Chypre a ainsi remis la main sur une mosaïque de saint Marc, volée il y a 40 ans. Six mois auparavant, c’était une autre mosaïque byzantine, représentant saint André qui faisait son grand retour sur l’île.

Chrysostome II, primat de l’Eglise orthodoxe chypriote, le 16 septembre lors de la restitution officielle des deux portes de l’église de Saint Anastase du village de Peristeronopigi (Chypre du Nord) ©Church of Cyprus

Un avertissement aux trafiquants

En ce qui concerne le dossier des deux portes à la décoration riche et ciselée, les deux dernières années ont été décisives pour faire avancer le dossier, a relayé la presse chypriote. La paire des pans de bois a été rapatriée sur l’île le mois dernier et officiellement restituée à l’archevêché grec-orthodoxe de Chypre, le 16 septembre dernier.

A cette occasion, le ministre chypriote des Communications et des Travaux publics, Yiannis Karousos, a déclaré que leur retour faisait suite à « des efforts longs et intenses » entre le Département chypriote des Antiquités, de l’ambassade de Chypre à Tokyo, de l’Eglise de Chypre, ainsi que des autorités de l’université des beaux-arts de Kanazawa.

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Le ministre a soutenu que la restitution des portes envoyait un message fort aux trafiquants d’antiquités et « au réseau international d’escrocs ». Pour lui, « peu importe le nombre d’années qui passent, [Chypre] les traquera, car le génocide culturel ne peut être toléré nulle part dans le monde ».

Les deux panneaux de bois fermaient à l’origine la porte centrale de l’iconostase, cloison richement décorée qui sépare le lieu où se tiennent les prêtres de l’espace où se tiennent les fidèles dans une église orthodoxe. En l’occurrence celle de Saint Anastase dans le village de Peristeronopigi, occupé par la Turquie, dans le district de Famagouste.

Dans la pure tradition iconographique chypriote du XVIIIe siècle

Les deux portes dorées, sculptées et peintes « s’inscrivent dans la tradition iconographique chypriote du XVIIIe siècle, qui diffère du reste du monde orthodoxe et dont elles sont un exemple important », a souligné la directrice du Département des antiquités de Chypre, Marina Ieronymidou. De fait, à cette époque, la partie supérieure des portes de l’iconostase était généralement décorée de représentations de l’Annonciation faite à Marie, tandis que les parties inférieures étaient souvent décorées de représentations des Trois Hiérarques – Basile le Grand, Grégoire le Théologien et Jean Chrysostome – et parfois, d’un saint chypriote. Dans ce cas précis, saint Spyridon du IVe siècle, qui fut évêque de Trimythonte, au nord de Larnaka, dans l’île de Chypre.

Vue générale des deux portes de l’église de Saint Anastase du village de Peristeronopigi (Chypre du Nord) ©Church of Cyprus

L’église d’où viennent les deux portes de l’iconostase, a été bâtie en 1755 et garde la mémoire de saint Anastase qui vécut dans cette région au XIIe siècle. Il fit partie des 300 saints Alamans (issu de tribus germaniques) qui participèrent à une croisade à l’époque de l’empereur Alexis Comnène (1081-1118) et de son fils, Jean Comnène (1118-1143).

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Expulsés par les Latins de Palestine, ils trouvèrent refuge à Chypre, où ils menèrent une vie monastique et ascétique. Anastase s’installa dans une grotte et à l’aide d’un métier à tisser fabriqua des sacs destinés à stocker ou transporter les céréales. Initialement, une petite église a été construite au-dessus de la grotte-atelier du saint. Sa tombe se trouvant du côté sud de la grotte.

Ce n’est pas un hasard si le 16 septembre a été choisi comme date pour la restitution officielle des deux portes puisque la cérémonie s’est tenue quelques heures avant les Vêpres festives de la fête de saint Anastase de Chypre. A ce moment-là, Chrysostome II n’a pas manqué d’exprimer sa gratitude à tous ceux qui ont participé au retour des portes, et a souhaité qu’elles soient bientôt placées dans l’église de Peristeronopigi une fois libérée de la Turquie.

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