Entre le Saint-Siège et Israël, « nous devons continuer sur la voie du dialogue et de l’écoute ». Une voie « désormais bien tracée et consolidée » a estimé Oren David, le sixième ambassadeur d’Israël auprès du Saint-Siège et qui est actuellement sur le départ, après avoir passé cinq ans à Rome avant de retourner en Israël, au Ministère des Affaires Etrangères. Il sera remplacé par le diplomate israélien Raphaël Schutz.
C’est dans le cadre d’un entretien publié le 27 septembre par Moked (« focus » en hébreu), le portail du judaïsme italien en partenariat avec Pagine Ebraiche, le magazine mensuel de l’Union des communautés juives italiennes, qu’OrenDavid s’est exprimé dans un contexte, a-t-il souligné, où « religion et politique sont intimement liées».
Réparer, avancer
En témoigne un incident récent. Les plus hautes autorités juives s’étaient émues des propos du Pape tenus lors de son audience générale du 11 août qui avait commenté un passage de la Lettre de saint Paul aux Galates. « Pourquoi donc la loi ? ». D’après une lettre consultée par l’agence Reuters, le rabbin RassonArousi, président de la Commission du Grand rabbinat d’Israël pour le dialogue avec le Saint-Siège, avait écrit que « le Pape présente la foi chrétienne non seulement comme remplaçant la Torah, mais affirme que cette dernière ne donne plus vie, ce qui implique que la pratique religieuse juive à l’époque actuelle est rendue obsolète ». Le cardinal Kurt Koch, président de la Commission vaticane pour les relations religieuses avec le judaïsme a répondu au rabbin, se disant « désolé », et précisant qu’il avait d’abord voulu consulter le Pape pour réagir.
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« Dans le discours du SaintPère, la Torah n’est pas dévaluée », a écrit le cardinal dès le début de sa lettre. « Le SaintPère ne fait aucune mention du judaïsme moderne ; son discours est une réflexion sur la théologie paulinienne dans le contexte historique d’une époque spécifique. Le fait que la Torah soit cruciale pour le judaïsme moderne n’est en aucun cas remis en question », a assuré le président du Conseil pontifical pour l’unité des chrétiens.
« Même dans cette circonstance, nous avons vu comment les juifs et les catholiques [parvenaient] à poursuivre sur la voie du dialogue », a noté Oren David qui a rappelé qu’il était avant tout diplomate et non pas théologien et qu’il ne pouvait « s’étendre sur le sujet ». Il a néanmoins noté que l’Eglise est « prête à écouter ce qui est exprimé par le monde juif ». Avant d’ajouter qu’«il n’y a pas de fermeture préliminaire ».
Un accord juridico-fiscal dont on n’entend plus parler ?
A la question de savoir quels étaient les défis qui restaient à relever dans les relations entre Israël et le Saint-Siège, Oren Davida rappelé que « tout prétexte doit être retiré à ceux qui refusent à Israël le droit d’exister. » Il a d’autre part jugé « important que l’Église continue à diffuser le message de la déclaration Nostra Aetate [ndlr : sur les relations de l’Eglise catholique avec les religions non chrétiennes et en particulier le judaïsme] dans tous les pays du monde et à tous les niveaux. » Il a par ailleurssalué « l’approfondissement du dialogue avec l’ensemble du monde catholique sur le thème de l’antisémitisme ».
Et si Oren David parle de dialogue et de lutte contre l’antisémitisme, la question des négociations sur le statut juridico-fiscal de l’Eglise catholique à Jérusalem et en Israël, n’est pour le coup absolument pas évoquée dans son interview. Il y a 27 ans qu’ont été établis les relations diplomatiques entre le Saint-Siège et Israël. Si c’est le 30 décembre 1993 qu’un « Accord fondamental » historique a été signé à Jérusalem, la convention diplomatique ne fut paraphée que le 15 juin 1994.
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L’Accord fondamental dans son article 10 §2 stipule que « le Saint-Siège et l’Etat d’Israël négocieront de bonne foi un accord global, apportant des solutions, acceptables pour les deux parties, aux problèmes en suspens, non résolus ou qui font l’objet d’un contentieux, et qui portent sur des problèmes de propriété et des questions économiques et fiscales concernant l’Eglise catholique en général, ou des institutions ou communautés catholiques particulières ».Les négociations concernent la reconnaissance des droits juridiques et patrimoniaux des congrégations catholiques et la question des exonérations fiscales dont bénéficiait l’Eglise au moment de la création de l’Etat d’Israël en 1948. L’Eglise souhaitant bénéficier d’une sécurité juridique, foncière et fiscale qui lui permette de mener à bien sa mission, sans menaces ni entraves.
Mais cela fait plus de 20 ans que les négociations durent. La dernière mention publique des accords, qui avancent peut-être, et dans ce cas, dans une extrême discrétion, remontent à mars 2018. A l’époque, les membres de la Conférence des évêques latins dans les régions arabes (Celra) avaient rencontré au Vatican le Pape et son « Premier ministre », le cardinal Parolin. Dans leur communiqué, ils avaient alors expliqué qu’aucun accord n’était encore signé. Un retard qui avait trouvé sa raison « en partie » à cause d’un sévère bras de fer fiscal entre la municipalité de Jérusalem et les Eglises chrétiennes.
Et pour les 25 ans de liens diplomatiques entre Israël et le Saint-Siège en 2019, le cardinal secrétaire d’Etat, P. Parolin, avait seulement pieusement déclaré espérer voir « bientôt » un accord signé.