La liberté de la presse derrière les barreaux
Nous vivons une période sombre pour la liberté d’information au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. La région examinée (MENA, pour Middle East and North Africa) comprend 17 États arabes, Israël, la Turquie et l’Iran. Cette région du monde reste l’une des plus dangereuses pour les journalistes. En l’absence de réelles garanties démocratiques, le désir de liberté qui a émergé il y a dix ans avec les Printemps arabes est étouffé dans presque tous les États, et les régimes répressifs – quelle que soit leur orientation politique, alliés ou adversaires de l’Occident – contrôlent les médias et les réseaux sociaux.
Dans le classement mondial de la liberté de la presse 2021 établi par Reporters sans frontières (RSF), qui examine 180 pays dans le monde, seuls la Tunisie et Israël, le Koweït et le Liban occupent une position intermédiaire, tous les autres étant mal classés, notamment la Syrie de Bachar el-Assad et l’Iran de l’ayatollah Ali Khamenei. Seule la triade des pays asiatiques dirigés par des partis dits communistes (Chine, Corée du Nord, Vietnam) et des États-prisons ou États-garnisons (Turkménistan, Djibouti et Érythrée) sont dans une position plus défavorable.
Au cours du premier semestre 2021, 12 journalistes ont été tués dans le monde à cause de leur travail. L’un d’eux se trouvait au Moyen-Orient : Lokman Slim, un intellectuel libanais connu pour ses critiques à l’égard du mouvement politique et militaire chiite Hezbollah et retrouvé mort le 4 février avec quatre balles dans la tête.
Un baromètre de la liberté de la presse fait état du nombre de journalistes derrière les barreaux : 137 des 324 journalistes officiellement reconnus dans les rapports de Reporters sans frontières se trouvent au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Cela représente plus de 40 % des journalistes emprisonnés dans le monde pour des raisons professionnelles. À ce chiffre s’ajoutent 28 “journalistes-citoyens” et 5 assistants médias.
137 des 324 journalistes officiellement reconnus dans les rapports de Reporters sans frontières se trouvent au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Cela représente plus de 40 % des journalistes emprisonnés dans le monde pour des raisons professionnelles.
Sur les 170 professionnels des médias emprisonnés dans la région, 32 le sont en Arabie saoudite et 31 en Égypte, pays qui, au nom de la lutte contre le terrorisme, est devenu l’une des plus grandes prisons pour les journalistes. 30 journalistes et autres collaborateurs sont détenus en Syrie et 21 en Iran. Ces 4 régimes se situent dans des camps opposés de l’échiquier politique, mais partagent un même mépris pour l’information libre.
Si depuis 40 ans, la République islamique d’Iran contrôle étroitement l’information, ses adversaires de la famille royale saoudienne ne le font pas moins (on se souvient du meurtre spectaculaire à Istanbul en octobre 2018 de Jamal Khashoggi commandité par le prince Mohammed bin Salman).
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En 10 ans de guerre en Syrie, au moins 300 journalistes ont perdu la vie, chiffre probablement sous-estimé. La liberté d’information est devenue la cible de toutes les forces en présence dans le conflit, du gouvernement central aux groupes djihadistes comme Daesh, le Front Al-Nusra, etc. Selon RSF les forces kurdes ne sont pas non plus irréprochables.
La situation en Turquie, pays de l’OTAN mais 153e au classement mondial, reste grave : selon RSF 11 journalistes sont en prison et beaucoup exercent leur métier sous contrôle judiciaire.
Le cas d’Israël est particulier : l’information y est certes libre, mais des campagnes politiques ont été menées par certaines forces contre les médias. Une douzaine de journalistes palestiniens sont également soumis à la détention administrative, souvent pour de longues périodes. Le dernier cas en date concerne un reporter et un caméraman de la chaîne Alkofiya TV, arrêtés par la police israélienne alors qu’ils documentaient les tensions qui ont éclaté en mai dans le quartier de Sheikh Jarrah, à Jérusalem-Est.
Les journalistes se battent également en première ligne pour la démocratisation de l’Algérie et du Maroc. Seule la Tunisie, qui n’est pas exempte de tensions politiques dangereuses, jouit d’une relative liberté de la presse. Au moins là, dans la décennie qui a suivi les Printemps arabes, certains progrès ont été constatés.
Dernière mise à jour: 22/04/2024 14:01