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Quatre questions sur Enkutatash, le nouvel an éthiopien

Cécile Lemoine
10 septembre 2021
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Un moine éthiopien revêtu d'un châle jaune, couleur du nouvel an, lors d'une cérémonie au Saint-Sépulcre ©MAB/CTS

Les Ethiopiens célèbrent, en ce 11 septembre leur entrée dans l'année... 2014 ! Explications des rites et traditions de cette fête importante pour l'une des petites Eglises de Jérusalem.


Bonne année 2014 ! Il n’y a pas d’erreur. C’est bien 2014 que célèbrent les Ethiopiens en ce samedi 11 septembre. Dans leur calendrier, le nouvel an, ou Enkutatash, est fêté le 1er Maskaram. Cette date marque la fin de la saison des pluies, la commémoration de la Saint-Jean et l’arrivée de la reine de Saba à Jérusalem.

Que veut dire Enkutatash ?

En langue amharique, le nom du nouvel an éthiopien signifie « cadeau de bijoux » et renvoie à la plus célèbre légende de l’Eglise Ethiopienne : la visite de la reine de Saba au roi Salomon, à Jérusalem. Narré dans le livre des Rois, l’épisode n’identifie pas spécifiquement la reine de Saba à la souveraine éthiopienne. Mais aucun chrétien éthiopien ne doute qu’elles sont une seule et même personne. En guise de présent, la souveraine avait offert à Salomon 120 talents d’or (4,5 tonnes) ainsi que des épices et des bijoux précieux. Lorsque la reine est revenue en Éthiopie, ses chefs l’ont accueillie avec des enku ou des bijoux pour reconstituer son trésor.

Comment les Ethiopiens célèbrent-ils leur nouvel an ?

La célébration est à la fois religieuse et laïque. En Ethiopie, le mois de Maskaram marque la fin d’une longue saison des pluies et la campagne est recouverte de marguerites jaunes appelées Adey Abeba. Cette couleur illumine les vêtements et la journée, fériée pour tout le monde et durant laquelle les filles se rendent de maisons en maisons en chantant « Abebayehugn », qui signifie « J’ai vu des fleurs », tandis que les garçons présentent les icônes qu’ils ont gravées, dans l’attente de petits cadeaux. Les enfants reçoivent de nouveaux habits de la part de leurs parents.

La commuanuté éthiopienne se retrouve sur le toit du Saint-Sépulcre lors des cérémonies religieuses ©MAB/CTS

Ancrées dans les traditions de l’Église orthodoxe éthiopienne, les célébrations d’Enkutatash commencent généralement par des activités religieuses. Les cérémonies du Nouvel An commencent quelque temps après minuit et durent jusqu’au lendemain matin. Le soir du Nouvel An, les Éthiopiens allument des torches en bois, appelées « chibo » pour symboliser l’arrivée de la saison sèche.

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L’abattage de bétail, qu’il s’agisse d’un mouton, d’une chèvre ou d’une vache, selon la situation financière du ménage, fait aussi partie des rites traditionnels, tout comme l’incontournable cérémonie du café.

D’où viennent ces sept années de décalage ?

L’Éthiopie est un pays de culture chrétienne orthodoxe et a donc pour référence le calendrier Julien quand la majeure partie des pays occidentaux utilise le calendrier Grégorien. L’année s’y décompose en douze mois de 30 jours suivis d’un “petit treizième mois” constitué par 5 ou 6 jours épagomènes (5 jours pour les années normales et 6 jours pour les années bissextiles). Le décalage dans les années vient d’une différence de décompte de « l’année zéro ». Celui des Ethiopiens commence en l’an 8 de l’ère commune. Celle-ci suit les calculs de Dionysius Exiguus, un moine du VIe siècle, tandis que l’Ethiopie a continué à utiliser les calculs d’Annius, un moine du Ve siècle qui avait placé l’Annonciation du Christ exactement 8 ans plus tard.

Pourquoi y a-t-il des Ethiopiens à Jérusalem ?

Les liens de l’Ethiopie avec le judaïsme, la Terre Sainte et Jérusalem sont très anciens. Ils remontent à la suite des aventures de la reine de Saba. La tradition raconte que la souveraine est revenue enceinte du roi Salomon à Axoum en Ethiopie. Leur fils, Ménélik Ier, deviendra le premier empereur d’Axoum. « À l’âge adulte, il fut envoyé à son père, écrit Lucien Heitz, spiritain et rédacteurs de la revue Pentecôte sur le monde, dans un article dédié à l’Ethiopie chrétienne. Salomon l’oignit avec l’huile sainte de la royauté et lui promit un morceau du couvercle de l’Arche d’alliance. Il demanda à ses conseillers et à ses officiers d’envoyer leurs fils auprès de son propre fils pour qu’ils le soutiennent. Ainsi fut fait. Mais les jeunes gens, pris de nostalgie, volèrent l’Arche d’alliance et l’emportèrent avec eux en Éthiopie. »

Un moine Ethiopien dans le monastère Deir es-Sultan ©Miriam Alster/FLASH90

« La descendance de la tribu de Juda, de la lignée de David, roi de Sion, dépositaire des tables de la Loi (grâce à l’Arche d’alliance volée) permet aux Éthiopiens de s’approprier la préférence divine réservée au peuple élu », explique l’auteur. D’où une pratique ancestrale du judaïsme. On appelle les juifs éthiopiens les Beta Israel. Ces liens ont facilité l’évangélisation du pays, aux IVe et Ve siècles, par des moines venus d’Egypte et de Syrie. Le christianisme s’y est vite répandu et saint Jérôme témoigne que dès la fin du IVe siècle, des Ethiopiens se rendaient déjà en pèlerinage à Jérusalem. Ils s’y établissent au XIIIe siècle.

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De manière générale, le rite éthiopien chrétien est très inspiré des traditions juives. On retrouve par exemple des pratiques comme la circoncision des enfants mâles le huitième jour suivant la naissance. La place accordée au samedi, qui vient immédiatement après le dimanche dans la foi éthiopienne, est très importante, tout comme l’Arche d’Alliance qui occupe une place privilégiée dans les églises.

Aujourd’hui, la communauté chrétienne éthiopienne représente entre 500 et 2 000 personnes à Jérusalem, dont une cinquantaine de moines et de moniales. Leur monastère, Deir es-Sultan, est construit sur le toit du Saint-Sépulcre. Ils y vivent dans une certaine pauvreté. Leur mode de vie est très austère. « Les repas sont pris en commun et toute leur vie est agencée autour des prières quotidiennes et des messes. Ils participent aux offices deux fois par jour, entre quatre et six heures du matin puis de 16 à 17 heures », écrit Robin Twite dans sa présentation de l’Eglise éthiopienne publiée en 2003 dans la Revue israélienne des arts et des lettres.

Il poursuit : « De façon générale, les membres de l’Eglise éthiopienne de Jérusalem, parlent rarement la langue du pays où ils vivent. Aujourd’hui encore, rares sont ceux qui parlent arabe, hébreu ou anglais et ils sont totalement dépendants des laïcs de leur communauté pour leurs relations avec les autochtones. La plupart d’entre eux sont des gens simples attirés par la sainteté de la ville. »

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