Etre chevalier au XXIe siècle, un engagement spirituel ?
Se tourner vers le passé pour comprendre le présent. C’est la philosophie de “Chevalerie et chevaliers du Saint-Sépulcre“, le petit opus que viennent de publier Dominique et Louis-Marie Audrerie, un membre de l’Ordre Équestre du Saint-Sépulcre et son fils. Plongée dans la riche histoire d’un monde qui se veut toujours vivant et plein de sens.
Elles sont loin les cottes de mailles. Les chevaliers des temps modernes portent le manteau. Blanc pour les hommes, noir pour les Dames. Sur leur poitrine, la grande croix rouge de Jérusalem rappelle l’engagement multiséculaire de leur organisation, l’Ordre Équestre du Saint-Sépulcre, avec la ville sainte. Là où tout a commencé.
Fort de 30 000 membres regroupés dans 62 lieutenances à travers le monde, c’est aujourd’hui le seul ordre chevaleresque qui respecte et perpétue une tradition vieille de plus de 800 ans, héritée des premiers pèlerins armés partis défendre le tombeau du Christ au temps des croisades. La chevalerie, riche de son passé, fait rêver. Mais elle interroge aussi. Quel est son sens de nos jours ? Pour tenter d’y voir plus clair, un chevalier et son fils, Dominique et Louis-Marie Audrerie, ont remonté le temps.
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Dans leur ouvrage Chevalerie et chevaliers du Saint-Sépulcre, ils partent sur les traces des tout premiers défenseurs du tombeau du Christ. Un retour dans le passé qui éclaire l’Histoire et la vocation d’un chevalier au XXIe siècle.
Sacerdoce laïc
Les chevaliers n’auraient jamais été ce qu’ils sont devenus sans la défense de Jérusalem et des Lieux saints entre le XIe et le XIIIe siècles. “La chevalerie, dans son expression la plus commune, est née dans l’Orient latin au temps des croisades. Les premiers milites sancti sepulcri semblent avoir servi de modèle pour toute une génération de guerriers occidentaux ayant le souci de leur propre sanctification”, théorise Louis-Marie Audrerie, spécialisé en histoire du droit. Les chevaliers du Saint-Sépulcre et la chevalerie médiévale auraient donc les mêmes fondements.
Dans le Royaume latin de Jérusalem, fondé après la prise de la ville par les Croisés en 1099, des milites se sont donné une dimension particulière, qualifiée de “sacerdoce laïc” par le chercheur. La protection des Lieux Saints, de la Terre Sainte et des chrétiens d’Orient a institué l’idée, au sein de l’élite des Francs, que la dimension guerrière de leur action ne trouvait son sens que si elle était adossée à une attitude chrétienne inscrite dans le souci du service. “La chevalerie confère un état quasi religieux, intermédiaire entre le prêtre et le laïc, à ceux qui s’y sont engagés”, expliquent les deux auteurs.
Chevaliers et Dames s’engagent à soutenir les communautés chrétiennes de Terre Sainte, ainsi que leurs œuvres caritatives, par l’aumône, le pèlerinage et la prière.
L’adoubement est, toujours aujourd’hui, au cœur de ce sacerdoce. Loin d’être une récompense, il représente un véritable engagement spirituel pour les chevaliers du Saint-Sépulcre. “L’adoubement est un point de départ. Il donne un “pourquoi”, un but encadré, des points de repère”, explique Louis-Marie Audrerie.
L’esprit sans l’épée
C’est là que les ponts se font avec le présent. La chevalerie du XXIe siècle est avant tout spirituelle. Elle a conservé l’esprit, en laissant de côté l’épée. “La chevalerie est un idéal de vie. C’est la volonté d’agir pour le service, de remplir une mission”, témoigne Dominique Audrerie, adoubé en 1983. Cette mission, ce sont les papes qui l’ont confiée à l’Ordre du Saint-Sépulcre lors de la recréation du patriarcat latin de Jérusalem en 1847. Chevaliers et Dames s’engagent à soutenir les communautés chrétiennes de Terre Sainte, ainsi que leurs œuvres caritatives, par l’aumône, le pèlerinage et la prière.
L’aide financière qu’apporte l’organisation à la Terre Sainte s’élève chaque année à quelque 12 millions d’euros, dont 10 % proviennent de France. La branche tricolore s’implique particulièrement dans l’éducation, le soutien de la francophonie et le financement d’institutions médico-sociales. “Être dans l’Ordre aujourd’hui c’est défendre des valeurs, être engagés dans nos paroisses et pour nos frères de Terre Sainte. C’est être un bon chrétien, pas seulement avoir un beau manteau”, illustre Dominique Audrerie.
Son fils estime quant à lui que si, être chevalier a toujours un sens, l’Ordre devrait renouer avec une certaine tradition du combat. “Même si l’Ordre du Saint-Sépulcre n’est pas une ONG, elle en prend parfois certains aspects, alors que ses membres pourraient être des guerriers intellectuels et défendre leur religion, de la même manière que les croisades ont d’abord représenté une guerre pour l’universalisme.” L’Histoire est encore à écrire.
BIBLIOGRAPHIE
Chevalerie et chevaliers du Saint-Sépulcre
Auteurs : Dominique et Louis-Marie Audrerie
Éditions : Patrice du Puy.
Date de parution : 2021.
120 p. 15 €.
Dernière mise à jour: 22/04/2024 13:09