Fr. Massimo Fusarelli : « Ne pas considérer la Terre Sainte comme une médaille »
Le 13 juillet à Rome, Frère Massimo Fusarelli a été élu nouveau Ministre général de l’Ordre des Frères Mineurs pour six ans, de 2021 à 2027.
Ce mois-ci, il se rendra en Terre Sainte. Nous l’avons interviewé quelques jours avant son départ. « Je serai à Jérusalem du 20 au 25 octobre, dit-il. Je tenais beaucoup à ce que mon premier voyage hors d’Italie en tant que Ministre général soit en Terre Sainte pour souligner la valeur que les Lieux Saints ont pour nous, Franciscains. »
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Frère Massimo, quel est le point de vue de l’Ordre sur la Custodie de Terre Sainte aujourd’hui ? Est-elle toujours la « perle des missions » franciscaine ?
Nous avons un sens très aigu de la responsabilité que l’Eglise nous a confiée en Terre Sainte. Nous ne devons pas considérer la Terre Sainte comme une médaille ou une terre qui nous appartient. C’est un cadeau qui nous a été confié et nous devons en prendre grand soin en continuant à proposer cette vocation et ce service missionnaire aux frères. En tant que Ministre général, je veux m’engager à proposer cette mission lors des visites dans les différentes provinces de l’Ordre [i]. Ensuite, nous devons veiller à l’accompagnement de la Custodie, dans sa gouvernance, dans le parcours de formation et aussi dans le développement de la présence missionnaire en Israël/Palestine (Syrie et Liban) pour ce qui concerne les écoles et l’éducation, comme aussi l’aspect pastoral tant au niveau paroissial que dans l’accompagnement des pèlerins, une proposition qui doit être de plus en plus qualifiée.
Les Frères Mineurs du Moyen-Orient s’engagent en faveur de la justice et de la paix, de l’œcuménisme et de l’interreligieux …
La Terre Sainte est un grand laboratoire pour le dialogue avec le judaïsme et l’islam. Bien sûr, nous avons aussi des rencontres avec le monde musulman dans le cadre de nos autres présences séculaires : Maroc, Turquie, Égypte… Plus récemment, l’Indonésie, certaines parties de l’Inde, la Malaisie. Et la liste pourrait continuer avec l’Afrique. Sans parler des contextes européens où la présence de l’islam est forte. En Terre Sainte, ce dialogue reste crucial, par exemple dans les écoles, qui enseignent à ne pas avoir peur des autres. En cela, les écoles de la Custodie rendent un grand service, car elles permettent aux gens d’entreprendre le seul véritable processus de paix, celui de la connaissance mutuelle et du dialogue.
« Aimer et servir la Terre Sainte, c’est écouter cette part de Mystère en elle, en acceptant parfois de ne pas comprendre »
Le dialogue entre les Églises est également central. Il est composé de la vie quotidienne en plus des occasions officielles ou des célébrations. En Terre Sainte, on a l’habitude de mener une diplomatie discrète, la diplomatie des gestes quotidiens, en croyant que sur cette terre où la providence a fait coexister les trois grandes religions monothéistes, il y a encore un Mystère. Jérusalem reste l’image de la ville future où tous les peuples se rencontreront, où il n’y aura plus ni pleurs ni grincements de dents. Un avenir qui se prépare dans la fatigue et les soubresauts qui traversent cette terre. Aimer et servir la Terre Sainte, c’est écouter cette part de Mystère en elle, en acceptant parfois de ne pas comprendre.
Du 20 au 25 octobre, vous visiterez la Terre Sainte. Comment est articulé le programme ?
En tant que Ministre général, je devrai respecter les règles établies dans le statu quo, avec les différentes entrées au Saint-Sépulcre, à Bethléem et à Nazareth. Derrière l’aspect rituel et historique se cache l’idée que saint François visite ainsi les Lieux Saints. Ensuite, il y aura les visites et les rencontres avec les autorités ecclésiales, avec le patriarche latin, le nonce apostolique, et évidemment avec les frères, avec lesquels j’aurai un moment d’échange, de dialogue et de réflexion en vue du chapitre custodial de l’année prochaine.
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Je rencontrerai également le Studium Biblicum à la Flagellation, qui dépend du Ministre général. Nous devons améliorer de plus en plus notre présence en Terre Sainte, notamment par l’étude des langues, en particulier l’arabe et l’hébreu, afin de nous insérer de plus en plus dans les différents contextes de ces terres. Le service dans les sanctuaires, pour lequel nous devons être reconnaissants aux nombreux frères qui l’accomplissent avec zèle et dévouement, doit aussi faire l’objet d’une attention particulière. Les sanctuaires doivent être des lieux d’accueil, de prière et de rencontre avec la miséricorde de Dieu.
Les frères de la Custodie travaillent également dans des contextes très dangereux et difficiles, comme en Syrie et au Liban…
Je ne peux pas me rendre en Syrie et au Liban cette fois-ci, mais j’irai dès que possible. Avant tout, à ces frères, je veux exprimer mon soutien et mes encouragements. Vous n’êtes pas seul, tous les frères de l’Ordre se souviennent de vous et prient pour vous. Je suis avec grande attention les problèmes de ces pays, la situation économique dramatique causée par les conflits, la tragédie des réfugiés qui ont quitté ces terres… Je vois l’engagement des frères, leur attachement et leur fidélité aux personnes qui nous sont confiées. Qu’est-ce que je peux dire ? Merci au nom de nous tous. Vous êtes l’exemple vivant de la Bonne Nouvelle que nous voulons annoncer.
[i] Dans les Constitutions de l’Ordre, chaque Province doit envoyer – dans la mesure du possible – deux frères pour un temps de service à la Custodie.
Un Romain à la tête de l’Ordre
Le frère Massimo Fusarelli, jusqu’en juillet ministre de la Province de Saint-Bonaventure – qui comprend les fraternités des régions du Latium et des Abruzzes – succède au frère Michael Anthony Perry, qui avait été élu à la tête de l’Ordre des Frères Mineurs en 2013. Né à Rome le 30 mars 1963, le frère Fusarelli a pris l’habit franciscain le 28 juillet 1982. Il a émis ses vœux temporaires le 30 juillet 1983 et a prononcé ses vœux solennels le 8 janvier 1989. Il a été ordonné prêtre le 30 septembre 1989. Après des études de théologie à l’Antonianum de Rome, il a obtenu une licence en études patristiques à l’Augustinianum de Rome.
Il a été définiteur provincial, animateur de la pastorale des vocations puis de la formation permanente ; plusieurs fois gardien ; secrétaire général de la formation et des études de 2003 à 2009 ; visiteur général de la province de Naples puis pour le procès d’unification des provinces de l’Italie du Nord ; gardien et curé de la paroisse Saint-François à Ripa et responsable du projet d’accueil des pauvres. Si Dieu le veut, son nouvel engagement en tant que Ministre général le verra rester en fonction jusqu’en 2027. Il est le cent vingt-et-unième successeur de saint François d’Assise.