Il a fallu cinq ans de fermeture. Mais l’attente en valait la peine. Cinq millions de tesselles polychromes, remontant à 1300 ans, couvrant 836 m2, et formant 38 tapis de mosaïques, s’exposent à la curiosité des touristes, depuis le 28 octobre dernier à Jéricho. Une cérémonie officielle s’est tenue quelques jours avant, le 23 octobre, en présence du président palestinien Mahmoud Abbas et de la ministre palestinienne du tourisme.
Le vaste pavement, l’un des plus grands du Moyen-Orient, sinon du monde, a bénéficié de travaux de préservation et d’aménagement de protection dans le cadre d’un projet de 12 millions de dollars (soit près de 10,4 millions d’euros), lancé en 2016 et financé par l’Agence japonaise de coopération internationale (JICA) en partenariat avec le ministère palestinien du Tourisme et des Antiquités.
Lire aussi >> Le Moyen-Orient veut miser sur le tourisme religieux
Ce sol en mosaïque fait partie des plus beaux vestiges du palais du calife omeyyade Hisham Ibn Abdel Malik (691 – r. 724 – 743), à 3 km au nord du centre de Jéricho. La dynastie omeyyade est la première dynastie musulmane héréditaire, qui a régné depuis Damas de 660 à 750 après J.-C. Le palais d’Hisham, construit en tant que pavillon de chasse et palais d’hiver est resté oublié pendant des siècles jusqu’à ce qu’il soit redécouvert en 1873 mais il n’a été exploré que plus tard, dans les années 1930. C’est à cette époque que la mosaïque fut découverte.
« Plus de 20 couleurs de pierres de toute la Palestine »
Puis, elle fut restaurée une première fois en 1999 en plusieurs parties par une équipe palestino-italienne. La deuxième fois, des travaux de restauration limités ont été effectués pour certaines parties en 2010. La dernière fois fut en 2016 où elle a été définitivement découverte pour préparer le projet de son récent dévoilement au public avec la construction d’un grand dais pour la protéger des intempéries et avec la mise en place d’installations spécifiques telles qu’un éclairage moderne, des passerelles, des plates-formes et des escaliers suspendus afin que le public puisse admirer l’ouvrage islamique sous différents angles et sans l’endommager.
La mosaïque présente un éventail de « plus de 20 couleurs de pierres de toute la Palestine – y compris des pierres noires de la région de Nabi Musa, des pierres rouges de Bethléem et de Jérusalem, et des pierres blanches d’Hébron et de Jama’in à Naplouse », a rapporté al- Jazeera.
Lire aussi >> Jordanie: la mosaïque qui relie l’humanitaire à la culture
Les différentes parties de la mosaïque s’insèrent dans des cadres de tesselles soit arrondis, soit semi-arrondis ou angulaires. La surface intérieure de ces tapis est composée – pour la plupart – de toute une gamme de formes géométriques élaborées, kaléidoscopiques et parfois labyrinthiques : cercles, rectangles, carrés, triangles, losanges, rosaces, et entrelacs, le tout offrant de temps à temps à l’œil des motifs floraux ou étoilés.
Mais l’un des sols fait exception. Essentiellement figuratif, il représente « l’arbre de vie », un grenadier portant 15 fruits, sous lequel paissent paisiblement deux gazelles tandis qu’un lion dévore une troisième. Allégorie de la paix et de la guerre.
En route vers la liste du patrimoine mondial ?
Également connu sous le nom de Khirbat el-Mafjar, le palais de Hisham fait partie des « châteaux du désert », résidences de détente et de raffinement, bâtis à l’époque omeyyade, majoritairement à l’est d’Amman (Jordanie). Le palais d’Hisham, qui aurait été selon certaines sources décoré par son successeur, a été détruit peu de temps après sa construction par un tremblement de terre en 747 après J.C.
« Le site comprenait un palais, une salle d’audience avec un bain thermal, une mosquée, une fontaine monumentale dans un mur d’enceinte, deux portes principales et probablement une résidence réservée à l’élite », indique l’Unesco sur son site. Le palais en tant que tel était un bâtiment quadrangulaire, conçu autour d’une cour centrale fermée par quatre galeries à arcades, et doté de deux étages avec des tours rondes à ses angles.
Lire aussi >> Jordanie : Madaba nommée capitale du tourisme arabe pour 2022
La zone des bains, construite sur le modèle des thermes romains, était très vaste et offrait un décor particulièrement riche : stucs sculptés, sculptures, pierres taillées et mosaïques. A l’angle nord-ouest de cette grande salle se trouvait le diwan, une sorte de boudoir. C’est dans cette partie que se trouve la scène de l’arbre de vie et des gazelles.
Outre le palais et les bains, le complexe, qui s’étendait sur 60 hectares, était doté d’un domaine agricole. Pour faire vivre le tout, un système d’irrigation sophistiqué alimentait le complexe en eau des sources voisines.
Les restes de ce luxueux complexe royal sont considérés comme les plus importants de l’architecture et de l’art islamiques primitifs. Depuis le 25 mai 2021, le palais de Hisham fait partie de la Liste indicative de la Palestine afin de pouvoir être inscrit sur la Liste du patrimoine mondial.