Mgr Selim Sfeir est archevêque de l’éparchie (diocèse) maronite de Chypre depuis quelques mois seulement, bien qu’il en soit à la tête – en tant que vicaire patriarcal – depuis novembre 2020, suite au transfert de Mgr Youssef Soueif au siège de Tripoli au Liban. Le synode de l’Église maronite a élu Mgr Sfeir en juin dernier, avec l’approbation du pape. Il a été consacré évêque le 29 juillet et a pris officiellement possession du diocèse le 5 septembre.
Aux fidèles de son diocèse, il a expliqué que « depuis son élection au siège de Rome, le pape François a voulu être un apôtre du peuple et il ne cesse de nous inviter, nous les croyants, à aller « aux périphéries » à la rencontre de nos frères. Sa visite à Chypre aura pour effet de soutenir spirituellement nos communautés, tant maronites que latines, afin qu’elles puissent persévérer sur leur chemin avec joie, foi et amour au service du Seigneur et de sa mission et prêcher le nom du Christ à tous ceux qu’elles rencontrent. »
Quelques jours avant l’arrivée du pape François, le prélat a trouvé le temps de répondre brièvement à quelques questions de Terrasanta.net.
Monseigneur Sfeir, quel est le profil de l’Eglise maronite à Chypre aujourd’hui et quels sont les défis qu’elle doit relever ?
Les Maronites de Chypre sont un peuple déplacé. Chypre est une île divisée par les événements tragiques de 1974 qui l’ont amputé de sa partie Nord. Celle-ci est désormais subordonnée à la République turque, dirigée et réglementée par une constitution spéciale et complètement séparée du système étatique de la démocratie chypriote. Après le conflit du milieu des années 1970, la grande majorité des maronites se sont réfugiés dans le Sud. Ceux qui sont restés avec les Chypriotes turcs dans le nord sont une minorité et vivent dans quatre villages : Kormakitis, Karpashia, Asomatos et Ayia Marina. Maintenir la foi et les traditions tout en perdant des terres et des maisons a été très difficile. Il est complexe de penser aux besoins spirituels lorsque l’on doit répondre aux besoins économiques du quotidien.
Votre ministère d’archevêque a débuté il y a quelques semaines. Quels sont votre vision, vos objectifs et vos attentes ?
La communauté maronite de Chypre est un élément fondamental du dialogue entre l’Occident et l’Orient. Bien sûr, les défis sont grands, mais je crois que Dieu est avec nous aujourd’hui et toujours. J’espère que la communauté maronite de Chypre restera une partie intégrante de la société chypriote et continuera à jouer un rôle de témoin et d’intermédiaire entre le Nord et le Sud, ainsi qu’entre l’Est et l’Ouest.
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Qu’attendez-vous du voyage du pape François ? Quels aspects seront mis en évidence au cours du voyage apostolique ?
La visite du pape François aidera tous les habitants de l’île à vivre dans l’unité fraternelle, selon le message de l’Évangile prêché par l’apôtre Barnabé, et à porter les fruits de la compréhension et de la coexistence pacifique. Ce voyage apostolique renforcera spirituellement cette communauté – maronite et catholique latine – afin qu’elle puisse marcher dans la joie et l’amour au service du Seigneur et prêcher le nom du Christ à tous « en se soutenant mutuellement dans la foi ».
Quels échos/réactions prévoyez-vous dans la société chypriote en général ?
La visite du Saint-Père est un signe d’amour et de fraternité pour toutes les Eglises. Elle montrera que les catholiques, les orthodoxes et les musulmans peuvent vivre ensemble, malgré les différences religieuses, en apportant des fruits de paix et de communion dans le monde.
Pèlerin aux sources
Dans un message vidéo envoyé samedi 27 novembre aux populations de Chypre et de Grèce, le pape François a expliqué le but de son voyage : il s’agit d’un pèlerinage aux sources et une recherche de fraternité.
Le Pape voyage dans des terres magnifiques, dit-il, « bénies par l’histoire, la culture et l’Évangile ». Il part « sur les traces des premiers grands missionnaires, notamment les apôtres Paul et Barnabé » et demande à tous de l’accompagner par la prière.
En parlant de fraternité, François fait référence au parcours synodal qui vient de commencer dans toute l’Église, mais aussi aux relations œcuméniques qu’il pourra reconfirmer avec les archevêques Chrysostomos, à Chypre, et Ieronymos, en Grèce, chefs des Églises orthodoxes locales.
Dans ces terres de la Méditerranée orientale, le Pape voit aussi les « sources anciennes de l’Europe : Chypre, petit bout de Terre Sainte sur le Vieux Continent ; la Grèce, « patrie de la culture classique ». François est revenu pour parler de la Méditerranée, « la mer qui a vu la diffusion de l’Évangile et le développement de grandes civilisations ». La mare nostrum, qui relie tant de terres, nous invite à naviguer ensemble, et non à nous diviser en allant chacun de son côté (…) La mer, qui embrasse de nombreux peuples, avec ses ports ouverts nous rappelle que les sources du vivre ensemble résident dans l’acceptation mutuelle. Même maintenant, je me sens accueilli par votre affection et je remercie ceux qui ont préparé ma visite depuis un certain temps. Mais je pense aussi à ceux qui, ces dernières années et aujourd’hui, fuient la guerre et la pauvreté, débarquent sur les côtes du continent et d’ailleurs, et ne trouvent pas l’hospitalité mais l’hostilité et même l’exploitation. Ils sont nos frères et sœurs ».
Lors de son arrêt sur l’île de Lesbos, le pape Bergoglio se voit comme un pèlerin aux sources de l’humanité, « dans la conviction que les sources de la vie commune ne pourront refleurir que dans la fraternité et l’intégration : ensemble ».