Ils sont le troisième groupe français a être arrivés en Terre Sainte depuis la réouverture des frontières le 1er novembre : 55 pèlerins issus de la paroisse Sainte-Blandine à Lyon, dont les conversations feutrées font bruire la petite terrasse abritée du Versavee, à deux pas de la porte de Jaffa à Jérusalem. Deux ans que le père Xavier Grillon parle d’emmener ses fidèles en pèlerinage sur les pas de Jésus. Pandémie oblige, le voyage a dû être reporté, comme tant d’autres. « C’est une joie d’être enfin ici », savoure le chef du groupe qui a atterri le 6 novembre à Tel-Aviv pour une semaine entre le Néguev, Jérusalem et la Galilée.
Pour limiter les risques de propagation de l’épidémie sur son territoire, Israël n’a pas lésiné sur les conditions d’entrées. Rien d’insurmontable assure néanmoins différents pèlerins du groupe. « Les agences Terres de la Bible et Terra Dei nous ont bien guidé dans le processus administratif et sanitaire qui peut paraître aride et strict au départ, mais qui est finalement bien balisé », expose Caroline, l’assistante du père Xavier.
Assouplissement
Surtout, le processus se simplifie de semaine en semaine. Fini le test sérologique, la quarantaine et les « groupes pilotes » du ministère israélien du Tourisme. A ce jour, entrer en groupe en Israël nécessite seulement de remplir un formulaire individuel 24 heures avant le départ et de disposer d’un test PCR négatif. Israël a aussi lâché du lest sur la vaccination : depuis le 9 novembre, la troisième dose n’est plus nécessaire pour les groupes encadrés de 5 à 40 personnes disposant toutes d’un schéma vaccinal complet (deux doses d’un vaccin reconnu par Israël : Pfizer, Moderna, Johnson & Johnson…).
Le père Antoine Vairon, venu fin octobre avec l’agence Terralto, soit avant l’assouplissement des règles, avec un groupe issu de la paroisse de Rueil-Malmaison, se veut optimiste : « Le plus grand désagrément a été la difficulté d’organiser un pèlerinage avec des règles sanitaires pas bien connues à l’avance, avec en conséquence l’incertitude et l’inquiétude que cela faisait peser sur son bon déroulement. Mais les choses devraient être de plus en plus faciles, et de toute manière les procédures mieux connues. »
« On est seul. Vraiment seul »
Mis à part deux désistement de dernière minute de personnes refroidies par le formulaire d’entrée, et une petite frayeur à l’aéroport parce que la compagnie aérienne n’était pas au courant de la simplification de la procédure, tout s’est déroulé sans encombre pour le groupe de la paroisse Sainte-Blandine. Ils goûtent aujourd’hui à une Terre Sainte comme on l’a rarement vue ces dernières années : vide, calme, et sans file d’attente. Lina, professeure des écoles, en reste bouche-bée : « On est seul. Vraiment seul. On se dit presque que les tracasseries du départ en valaient la peine. »
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La veille, ils ont pu profiter d’un Saint-Sépulcre quasi désert. De quoi prendre pleinement la mesure de cet édifice si déroutant au premier abord pour un pèlerin occidental. Si la majorité du groupe voyage en Terre Sainte pour la première fois et ne dispose pas d’élément de comparaison, Marc, le guide du pèlerinage, se souvient du parvis engorgé et des heures de queues nécessaire pour franchir ne serait-ce que les lourdes portes en bois de la basilique. « Ce matin on était à Gethsémani avec cinq autres groupes. C’est la première fois depuis le début de la pandémie que je vois autant de touristes réunis dans ce sanctuaire. Et tout est relatif : à l’époque, c’était plutôt 80 groupes en même temps », raconte-il, amusé.
Joie des gens qui accueillent
« On se sent tout de même privilégié », sourit Pauline, jeune femme aux yeux clairs qui a réussi à rejoindre le groupe à la dernière minute. « Je pense que ça renforce la dimension spirituelle du pèlerinage. On s’immerge mieux dans les lieux, on peut y prendre le temps, chanter même. On vit un moment très fort », abonde Hervé, venu en famille.
Des conditions rêvées, qui laissent tout de même le père Antoine Vairon, de la paroisse Rueil-Malmaison, songeur : « Il y a eu une part de l’expérience de la terre sainte dont nos pèlerins ont été en quelque sorte privés, même si nous avions conscience d’être privilégiés à bien des égards : l’expérience de l’universalité de l’Eglise. Voir des groupes de pèlerins de culture si différentes, parfois avec des habitudes de prière qui nous surprennent et qui nous édifient conjointement, fait d’habitude toucher du doigt combien le message et la grâce du Christ ont rejoint et éclairé tous les peuples. »
Ce qui a surtout touché les deux groupes de pèlerins français, c’est l’accueil qui leur a été réservé. Sachant des communautés religieuses amies en difficultés après un an et demi sans revenu, le père Antoine a modifié son programme pour « privilégier au maximum la rencontre avec les pierres vivantes de l’Eglise plus que les pierres des vestiges archéologiques. » Il ajoute : « Je vous laisse imaginer comme ces retrouvailles ont été joyeuses et émouvantes ! »
Dossier >> « Communautés religieuses face à la pandémie », Terre Sainte Magazine n°673 Mai-juin 2021
Même sentiment chez le père Xavier : « Le plus frappant, c’est peut-être la joie des gens qui nous reçoivent, expose-t-il avant d’illustrer. « La joie de Judith qui nous a accueilli dans son kibboutz du désert en nous disant : « Ça fait 18 mois qu’on vous attend ! » On sent que ces gens ont souffert. »
Encouragements
Si les groupes et les voyageurs individuels reviennent progressivement, le tourisme ne devrait retrouver son niveau pré-covid qu’au début de l’année 2022, estime Marc, le guide du groupe qui travaille pour plusieurs agences de voyage et de pèlerinage. « Mon agenda ne commence à être bien rempli qu’à partir de février. Je pense qu’on verra le gros des troupes arriver à ce moment là. »
« Notre venue prouve que l’accès à la Terre Sainte est de nouveau ouvert et j’espère qu’il sonnera comme un encouragement pour bien des groupes de pèlerins de France pour reprendre le plus vite possible le chemin de ces lieux, source de notre Foi, et qui nous sont chers ! », conclut le père Antoine.