Les frontières ont rouvert aux pèlerins mais les pèlerinages doivent-ils recommencer comme avant ?
Billet d’humeur version 3. Les billets 1 et 2 étaient emberlificotés, rasoirs et tristes. Vous n’avez rien perdu.
C’est qu’à la vérité mon cœur balance. Je n’ai pas fait d’enquête personnelle et systématique, mais il ne faut pas être grand clerc pour se douter que, quand un secteur économique est complètement à l’arrêt et perd, en près de 2 ans, quelque 6 milliards d’euros, il y a de la casse et surtout de la casse humaine. Comment ne pas souhaiter voir ces gens se relever ?
D’autant que je connais nombre de ces visages, je compte parmi eux des amis, j’ai entendu des récits de rêves brisés, d’entreprises en faillite, de désirs d’émigration. J’ai vu aussi des gens tenir, en se serrant la ceinture, mais aussi en se réinventant, en se mettant en question, en se perfectionnant, en restant dignes. J’ai été édifiée par leur courage et la démonstration d’amour de leur métier. Des guides, des autocaristes, des vendeurs dans le souk, des hôteliers, des voyagistes, des employés ont forcé mon admiration.
Et tandis que je regarde ceux qui ont souffert de l’absence des pèlerins et touristes, j’observe de loin ceux qui aspirent à pouvoir enfin entrer en Terre promise. Comment leur dire que nos deux ans de retraite et de silence imposés dans les sanctuaires nous ont changés ? Comment leur dire que nous voudrions les voir entrer sur la pointe des pieds, respectueux du silence, respectueux des lieux, respectueux de la prière, respectueux de la nature, respectueux de nos ressources en eau, respectueux de nos us et coutumes, respectueux de notre différence : l’Orient ?
J’ai toujours désiré que le rythme des groupes ralentisse. Aujourd’hui plus que jamais. On n’a pas besoin de “tout faire” en pèlerinage. La Terre Sainte n’est pas un produit de consommation, c’est le lieu d’une rencontre. Et nous savons tous que pour rencontrer en vérité, il faut prendre le temps de s’asseoir, d’écouter, de se taire, et de faire taire en nous tout ce qui nous épuise. Et ce n’est pas comme si nous n’avions pas de bonnes raisons d’être fatigués jusque dans notre vie ecclésiale.
C’est assis sur la margelle d’un puits que Jésus nous parle, pas pressés de monter et descendre du car pour enfiler tous les sanctuaires de Galilée dans la matinée. “Venez à l’écart… et reposez-vous un peu” (Mc 6, 31). La Terre Sainte vous ouvre ses Lieux saints pour un temps de retraite itinérante à la suite du Christ, au rythme de ses pas, dans l’écoute attentive de ses mots d’amour.