Assurément, c’est une bonne nouvelle, le bout du tunnel, pour le secteur du tourisme et des pèlerinages en Terre Sainte. Les voyageurs étrangers individuels ou en groupes, à la condition d’être vaccinés, peuvent se rendre en Israël depuis hier. Et par extension, ils pourront aussi visiter les lieux saints palestiniens et loger en Cisjordanie à partir du 6 novembre, se réjouit Fabien Safar, Directeur Général et Fondateur de l’agence de pèlerinage Terra Dei, basée à Jérusalem.
Cependant, c’est une joie en demi-teinte. Les directives cumulatives du ministère israélien de la Santé, publiées sur son site le 28 octobre, apparaissent pour le moins qu’on puisse dire, compliquées et restrictives. « Je pense, déclare Fabien Safar, que le gouvernement israélien ne souhaite pas un retour des touristes en grand nombre dans le pays, du moins pour les mois à venir. Parce qu’il se donne le temps de voir comment va évoluer la pandémie avec l’accueil des quelques touristes et constater s’il y a de moins en moins de personnes du pays qui seront touchées par le coronavirus et moins qui seront hospitalisées. »
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Ce qui fait que dans l’immédiat, les acteurs du tourisme ne font pas trop de plan sur la comète en termes de réservations. « Pour l’instant, nous n’avons fait que reporter à compter de février 2022, les pèlerinages prévus tout au long de ces 18 derniers mois », explique Fabien Safar. Et le directeur de Terra Dei de souligner que « les demandes pour l’arrivée de nouveaux groupes de pèlerins sont très faibles. Il ne faut pas oublier qu’il y a eu un véritable traumatisme avec la pandémie et même si nous sentons que les gens veulent venir ou revenir en Terre Sainte, certains pensent que la pandémie n’est pas encore derrière eux. Aussi, certains pèlerins nous ont quand même dit que si Israël n’allégeait pas les restrictions imposées, notamment la question de la troisième dose, ils annuleraient leur voyage en Terre Sainte. Et qui sait si dans quelques mois, il n’y aura pas une quatrième dose imposée ? »
Une période de Noël pas si prometteuse
De fait, depuis hier, seules les personnes ayant reçu la 3e dose de vaccin anti-Covid-19, il y a plus de 14 jours, pourront rentrer en Israël sans restriction. Sinon sont exigées deux doses de vaccin, avec une seconde injection reçue depuis au moins 14 jours au cours des 180 jours précédant un départ en Israël. En d’autres termes, si un touriste a reçu sa deuxième dose plus de six mois avant son voyage en Israël, il ne pourra voyager qu’en ayant reçu une troisième dose. Seuls les vaccins homologués par l’Organisation mondiale de la santé seront acceptés : Pfizer, Moderna, AstraZeneca, Sinovac ou Sinopharm, Johnson & Johnson – Janssen et Sputnik-V (à partir du 15 novembre), avec un protocole de délais à respecter qui diffèrent pour les deux derniers. De plus, les vaccinés avec Sputnik devront passer un test sérologique à leur arrivée en Israël pour vérifier s’ils ont suffisamment d’anticorps et seront soumis à une quarantaine jusqu’à recevoir le résultat positif.
Quant aux voyageurs remis du virus, ils doivent avoir reçu au moins une dose d’un vaccin. Ces derniers doivent présenter des preuves documentées qu’ils ont eu un résultat positif à un test PCR ou NAAT (Test d’amplification des acides nucléiques). Le document doit être d’un type pouvant être vérifié par les systèmes du ministère de la Santé, comme le certificat numérique Covid de l’Union européenne. Le test doit avoir été effectué au moins 11 jours avant l’arrivée et les visiteurs doivent quitter Israël au plus tard 190 jours après la date du test.
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Les modalités précitées excluent de facto toutes les personnes qui ont reçu leur deuxième injection avant le 1er mai 2021. Or, si Israël a de l’avance pour la troisième dose, de nombreux pays comme la France commencent tout juste et, pour le moment, seulement pour certaines catégories de sa population. De plus, nombre d’enfants dont beaucoup ne sont pas vaccinés, en particulier ceux de moins de 12 ans, ne peuvent pas entrer dans le pays, même guéris du coronavirus.
« Tous nos groupes prévus pour le mois de décembre, c’est-à-dire pour la période de Noël, avec une majorité de groupes de familles, ont annulé les uns après les autres. Et dès lors qu’Israël a ouvert ses frontières aux touristes, l’Etat a stoppé toutes les aides, toutes les subventions, les allocations-chômage aux guides, au personnel des agences, etc. J’ai ainsi réintégré le personnel de mon agence, seulement à mi-temps. C’est un réel problème financier pour nous », explique Fabien Safar.
Un véritable parcours du combattant
Mais ces conditions sont loin d’être les seules et « participent à dissuader à la reprise des voyages et des pèlerinages » estime Fabien Safar. Le protocole est en effet très précis et très strict pour pouvoir être éligible à l’entrée dans le pays. Il ne faut notamment pas avoir voyagé et séjourné dans un pays considéré comme zone « rouge » par le gouvernement de l’Etat hébreu, 14 jours avant un voyage en Israël. D’autre part, toute entrée de voyageur étranger dans le pays doit uniquement passer par l’aéroport international Ben Gourion, à Tel Aviv (Lod).
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Tous les voyageurs doivent remplir un formulaire de déclaration prouvant leur schéma vaccinal. Tous doivent subir un test PCR obligatoire de moins de 72 heures avant d’embarquer pour Israël. Ils doivent en passer un second, d’environ 100 shekels (25 euros). Tous les touristes entrants devront se mettre en quarantaine dans leur hôtel pendant 24 heures ou jusqu’à ce qu’ils reçoivent un résultat de test négatif. Ceux qui sont confirmés atteint par le COVID-19 après leur arrivée dans le pays seront transférés dans un hôtel-hôpital géré par le gouvernement pendant 14 jours, où ils séjourneront à leurs propres frais ou à ceux de leur compagnie d’assurance qui prendra le cas échéant le coût du traitement médical.
On ne plaisante pas avec le risque d’être banni d’Israël
Les personnes qui se rendent en Israël sans se conformer à toutes ces modalités se verront appliquer de lourdes sanctions. Elles sont telles que pour Fabien Safar, « c’est du jamais vu ».
Si un voyageur se rend en Israël sans répondre aux critères d’éligibilité édictés par le Ministère de la Santé israélien, il sera renvoyé immédiatement vers son pays d’origine.
Les voyageurs infectés qui refusent de se rendre dans un centre d’isolement ou qui enfreignent les règles d’isolement se verront refuser l’entrée en Israël pendant une période de cinq ans.
De même, tout voyageur surpris à entrer dans le pays avec des documents falsifiés sera persona non grata en Israël pendant cinq ans.
Les voyageurs qui ne se soumettent pas à l’isolement indiqué en fonction de leur schéma vaccinal après leur arrivée, eux, se verront refuser l’entrée en Israël pendant trois ans.
Face à cette litanie de mesures et de sanctions, Fabien Safar est perplexe quant à un éventuel assouplissement. « Cela fait des mois et des mois que l’association des agences israéliennes demandent un allégement pour que les touristes entrent. On a vu ces derniers mois des frontières fermées aux touristes étrangers pendant que plus de 30 000 voyageurs israéliens par jour se rendaient dans les quatre coins du monde. Ce sont eux qui ont rapporté les différents variants. Ce ne sont pas les touristes. L’association des agences a fait pression et le gouvernement est resté sourd. » Rien n’est moins sûr qu’il entende cette fois-ci.
Plus d’informations sur le site du ministère israélien de la Santé