Il y a environ 1700 et 600 ans, deux navires ont sombré au même endroit à près de 1 000 ans d’intervalle. Et ce, le long des côtes de Césarée, à l’époque romaine entre les Ier et IIIe siècles ap. J.-C. pour le plus ancien, et à la période mamelouke pour le plus récent. Une enquête d’archéologie sous-marine menée ces derniers mois par l’Autorité israélienne des antiquités (AAI) a permis de remettre la main sur un trésor des mers « spectaculaire » selon les archéologues israéliens dans un communiqué publié ce jour. Césarée tire son nom de la fameuse Caesarea Maritima, qui a été construite par Hérode le Grand vers 25-13 av. J.-C. en tant que port majeur.
Les vestiges des deux épaves ont été retrouvés disséminés dans des eaux peu profondes, à une profondeur d’environ 4 mètres, sur plusieurs dizaines de mètres. Il semble que les navires aient posé leur ancre à proximité de Césarée et que dans les deux cas, une tempête les ait fait couler, ont déclaré Jacob Sharvit et Dror Planer de l’Unité d’archéologie marine de l’AAI.
Outre des centaines de pièces romaines en argent et en bronze datant du milieu du IIIe siècle ap. J.C. retrouvée dans le navire le plus vieux, les archéologues ont découvert dans l’autre vaisseau un important magot de 560 dirhams en argent de la première moitié du XIVe siècle ap. J.-C., c’est-à-dire de la période mamelouke sous le règne du sultan Nasr Nasr Muhammad. Les pièces sont très bien préservées. La conservation dans l’eau de tels artéfacts est souvent très bonne en l’absence d’oxygène.
Une bague représentant le « Bon Berger »
Mais le plus important se trouve sans doute dans ce que les archéologues pensent être de « rares effets personnels » des personnes qui étaient à bord. Parmi les plus significatifs, les archéologues ont repéré un gros et bel anneau octogonal, en or, serti d’une pierre précieuse ovale et verte sur laquelle est gravée la figure d’un jeune berger vêtu d’une tunique et portant un mouton sur ses épaules.
Cette image est bien connue dans l’art paléochrétien pour représenter Jésus comme le « Bon Berger ». On retrouve cette évocation dans les évangiles notamment dans celui de St Jean au chapitre 10, versets 11 et 14 : « Moi, je suis le bon pasteur, le vrai berger, qui donne sa vie pour ses brebis » ou encore « Moi, je suis le bon pasteur ; je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent ».
« Cette bague en or unique portant la figure du ‘‘Bon Berger’’ nous donne, peut-être, une indication sur son propriétaire, un chrétien des premiers temps du christianisme », ont déclaré les archéologues. Elle appartenait probablement à une riche personne chrétienne établie à Césarée, selon Jacob Sharvit.
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Dans le Nouveau Testament, Césarée est connue pour avoir abrité l’une des premières communautés chrétiennes et pour avoir été le point de départ de la diffusion du christianisme dans le monde entier.
A l’époque de l’empire romain au IIIe siècle, le port de Césarée était « une plaque tournante de l’activité de Rome », a expliqué à l’AFP Helena Sokolov, conservatrice au département des pièces de monnaie de l’AAI qui a fait des recherches sur l’anneau en question. « La présence d’un tel symbole sur un anneau appartenant probablement à un Romain opérant dans ou autour de Césarée était logique, étant donné la nature ethniquement et religieusement hétérogène du port au IIIe siècle, alors qu’il était l’un des premiers centres du christianisme », a-t-elle ajouté. « C’était une période où le christianisme n’en était qu’à ses débuts, mais qui grandissait et se développait définitivement, en particulier dans les villes mixtes comme Césarée », a-t-elle encore déclaré, notant que la bague, étant de petite taille, était probablement un bijou féminin.
Pierre précieuse, figurines, cloches et poteries
Une belle pierre précieuse rouge conçue probablement pour être sertie dans une bague a également été rendue à la lumière lors des excavations sous-marines de l’AAI. « Nous sommes vraiment chanceux » a déclaré Jacob Sharvit dans une vidéo de l’AAI car la pierre est « vraiment petite ». Autrement dit, ils peuvent se réjouir d’avoir trouvé une aiguille dans une botte de foin ! On peut remarquer sur la face supérieure de la gemme, une lyre, finement sculptée.
Les archéologues ne manquent pas de rappeler que dans la tradition juive, la lyre est appelée Kinor David (« harpe de David »). Selon le premier livre de Samuel, au chapitre 23, verset 16, le roi David jouait de sa harpe pour Saül. « Ainsi, lorsque l’Esprit de Dieu venait sur Saül, David prenait la cithare et en jouait. Alors Saül se calmait et se trouvait bien : l’esprit mauvais s’écartait de lui ».
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Les archéologues ont aussi extrait du fond des mers, un encrier, des poteries, une figurine en bronze en forme d’aigle, symbolisant la domination romaine et qui appartenait sans doute à la Légion romaine ; une figurine d’un pantomime romain portant un masque de comédie ; de nombreuses cloches en plomb destinées non seulement à mesurer la profondeur du fond marin mais aussi à effrayer les mauvais esprits.
De nombreux objets métalliques provenant de la coque en bois de l’un des navires ont également été ramenés à la surface, notamment des dizaines de gros clous en bronze, des tuyaux en plomb provenant d’une pompe de cale pour évacuer l’eau du bateau et une grande ancre en fer fracassée en morceaux, témoignant de la force de la tempête qu’elle a dû supporter.