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Réformes religieuses en Israël : la colère noire des Haredim

Christophe Lafontaine
9 décembre 2021
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Des juifs ultra-orthodoxes à une manifestation dans le quartier ultra-orthodoxe de Mea Shearim, à Jérusalem, le 29 juin 2021. ©Yonatan Sindel/Flash90

Lundi, les partis ultra-orthodoxes en Israël se sont réunis contre les projets de réformes du gouvernement sur la casheroute, les conversions, et le mur Occidental. Des rabbins ont aussi récemment levé la voix.


« Je peux dire avec certitude que les mesures prises par ce gouvernement pour modifier l’identité juive de l’Etat sont plus dangereuses qu’un Iran nucléaire ». Celui qui fut le ministre israélien de l’Intérieur sous Netanyahu pendant plus de cinq ans jusqu’en juin 2021, ne mâche pas ses mots. Aujourd’hui député, Arye Dery s’exprimait en tant que président du Shas, un parti politique israélien traditionnellement séfarade et religieux ultra-orthodoxe.

Il intervenait lors d’une réunion qui a eu lieu le 6 décembre et qui a réuni des membres de son parti, et des représentants de Yahadout HaTorah (Judaïsme unifié de la Torah), une coalition de partis ultra-orthodoxes ashkénazes. Moshe Gafni, député également, en est le chef et n’y est pas non plus allé par quatre chemins dans ses déclarations. Selon lui, une « guerre culturelle » est en cours. « Nous devons nous battre de toutes nos forces, enlever les gants. C’est une question de vie ou de mort pour les juifs ».

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Les partis haredim ont décidé de se mettre en ordre de bataille pour contrer les réformes religieuses en cours d’élaboration par la coalition gouvernementale dont ils ne font pas partie. Celle-ci vise à réduire le monopole du Grand Rabbinat sur la vie des Israéliens.

Pour mémoire, depuis un accord conclu lors de la création d’Israël en 1948 entre David Ben Gourion et les grands rabbins orthodoxes, les lois du courant le plus conservateur du judaïsme régissent des pans entiers du quotidien des Israéliens, qui vont des transports pendant le shabbat, aux codes alimentaires, en passant par les mariages ou l’exemption de conscription militaire pour les hommes utlra-orthodoxes en Israël.

En cause : trois réformes qui ne passent pas

Parmi les principales réformes qui suscitent le plus de passion, la première concerne la casheroute. Le ministre des Affaires religieuses, Matan Kahana, prévoit en effet d’ouvrir ce marché à la concurrence en créant des agences privées de certification casher.

La seconde source de crispation touche au système des conversions au judaïsme en Israël. Matan Kahana, souhaiterait permettre aux grands rabbins municipaux de procéder à des conversions juives, au lieu du seul Grand Rabbinat. A noter que ce point de réforme fait partie des accords de l’actuelle coalition gouvernementale.

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A savoir aussi qu’actuellement, il n’y a que quelques dizaines de rabbins et quatre tribunaux de conversion en Israël qui peuvent légalement effectuer des conversions au judaïsme. Par ailleurs, des dizaines de milliers d’Israéliens de l’ex-Union soviétique, notamment, seraient désireux de se convertir au judaïsme dans des conditions plus faciles.

Enfin, la réactualisation d’un accord de compromis signé en 2016 au sujet de la zone de prière mixte au mur Occidental constitue le troisième point de discorde majeur. Un compromis avait été négocié avec les courants libéraux du judaïsme mais l’ancien Premier ministre d’Israël Benjamin Netanyahu avait fait finalement volte-face sous la pression de ses alliés ultra-orthodoxes au gouvernement.

L’actuel Premier ministre, Naftali Bennett, ne s’est pas encore officiellement prononcé mais son ministre de la Diaspora, Nachman Shai, a déclaré tout récemment à New York que le plan pour étendre la zone du lieu saint où les hommes et les femmes pourraient prier ensemble reprendra une fois que des réparations et aménagements auront été effectués. Pour information, la semaine dernière, le 2 décembre, le président d’Israël, Isaac Herzog, a rencontré des représentants des mouvements réformés et conservateurs pour discuter du fameux accord.

De grandes manifestations en perspective

La veille, une quinzaine de rabbins en vue, affiliés au mouvement nationaliste-religieux, dont Shmuel Eliyahu, grand rabbin de Safed et l’influent rabbin Chaim Druckman, chef de la Yeshiva Ohr Etzion qui combine service national et étude du judaïsme à l’est d’Ashkelon, a publié une déclaration en appelant à manifester contre le gouvernement en raison de sa politique en matière de religion et d’Etat.

« Nous sommes retournés en Terre d’Israël pour vivre dans un Etat juif, et non dans un État de tous les citoyens. Le gouvernement encourage une série de réformes qui menacent de changer le visage et le caractère de l’Etat. Le peuple d’Israël se rebelle contre cette tentative. Nous appelons le public à s’unir dans une protestation commune contre la tentative de transformer notre État en un État de tous les citoyens ».

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Autrement dit, ils refusent l’égalité de tous les citoyens, sans considération d’identité nationale ou religieuse. En plus de craindre une sécularisation du pays et une légitimité plus importante accordée aux mouvements réformés et libéraux du judaïsme.

Pour sa part, David Lau, le grand-rabbin ashkénaze d’Israël cité dans le Jerusalem Post, a estimé que « les grandes lignes de la conversion proposée sont un désastre spirituel et une grave blessure pour le judaïsme de l’Etat d’Israël ». Il a appelé « tous ceux qui le peuvent à arrêter le contour et à empêcher sa mise en œuvre ».

Outre un boycott économique, le journal Haaretz a évoqué le projet d’une manifestation monstre d’un million de personnes au début de l’année prochaine. De fait, si les partis ultra-orthodoxes ne comptent pas dans la coalition gouvernementale et voient de fait leur influence réduite au parlement, ils peuvent assurément capitaliser sur leur force démographique. Mais il semblerait pour l’heure que rien de concret n’ait été encore confirmé selon le quotidien.

Par ailleurs, preuve des tensions croissantes, le ministre des Affaires religieuses, Matan Kahana, a récemment fait l’objet de mesures de sécurité supplémentaires suite à des menaces de mort, a fait savoir le Times of Israel. Une source de sécurité a même déclaré à Haaretz que « la vie du politicien [était] en danger réel ». Un danger qui n’a pas été vu depuis l’assassinat du Premier ministre Yitzhak Rabin en 1995, précise le journal.

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