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A Gaza, une église du Ve siècle ap. J.-C. dévoilée au public

Christophe Lafontaine
26 janvier 2022
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Cérémonie d'ouverture du site archéologique d’el-Mukheitim, qui abrite les vestiges d'une église byzantine, à Jabaliya, dans la bande de Gaza, le 24 janvier 2022. © Abed Rahim Khatib/Flash90

Au nord de Gaza, les vestiges de l’église byzantine de Jabaliya s’offrent aux yeux du public depuis hier. Un site réputé pour sa mosaïque animalière et florale, ainsi que pour ses 17 inscriptions en grec, qui y figurent.


Vingt-cinq ans après sa découverte, l’antique église de Jabaliya, au lieu appelé el-Mukheitim, à 4 km au nord de Gaza City connaît un nouveau souffle. A l’issue d’un vaste projet de restauration de plus de trois années, une cérémonie marquant l’ouverture du site archéologique au public s’est tenue le 24 janvier 2022, sous les auspices du Ministère du Tourisme et des Antiquités à Gaza et en présence de l’archevêque grec-orthodoxe du lieu, Mgr Alexios. A leur suite, les visiteurs ont pu admirer les vestiges de cette église édifiée dans la deuxième partie du Ve siècle sur une superficie d’environ 800 m². Avec le monastère Saint Hilarion, il s’agit des deux seuls sites archéologiques chrétiens accessibles au public dans l’enclave palestinienne.

A l’origine, l’église dont le chœur est tourné vers l’est, se trouvait dans un ancien cimetière à la périphérie de Gaza, sur la route de Jérusalem. « Une riche famille avait établi un sanctuaire à la mémoire de ses défunts », explique sur son site l’ONG française Première Urgence internationale qui a restauré l’église en partenariat avec l’Ecole biblique et archéologique française, et avec l’appui du British Council’s Cultural Protection Fund qui a financé le projet pour un montant de 250 000 dollars (soit 221 700 euros) a rapporté l’AFP.

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Un bestiaire fourni

L’église de 23 mètres de long sur 13 mètres de large se compose d’une nef flanquée de deux galeries latérales, plan typique du style basilical à l’époque byzantine. Une douzaine de colonnes de marbre séparaient les trois allées, le sommet de chaque colonne était doté d’un chapiteau feuillu. Sur son côté nord, l’église communiquait avec une chapelle, elle-même attachée dans la même direction à un grand baptistère qui complétait le complexe ecclésiastique avec en son sein un bassin en forme de croix. La présence d’un tel baptistère « indique la grande importance religieuse du site pour les pèlerins », fait encore savoir Première Urgence Internationale.

Les trois bâtiments sont encore aujourd’hui pavés de 400 m² de mosaïques. Ce tapis réalisé à partir de petits morceaux de basalte, de marbre, de verre et de céramique, a été – comme l’église entière -, grandement endommagé « par le passage des chars de combat pendant la guerre de 2012 », explique l’ONG française. Mais depuis, les restes des murs et du sol en mosaïque ont été restaurés et sont maintenant protégés d’un large toit, au moins pour éviter les dégâts causés par les intempéries.

Mosaïque du site archéologique d’el- Mukheitim, qui abrite les vestiges d’une église byzantine, à Jabaliya, dans la bande de Gaza, le 24 janvier 2022. © Abed Rahim Khatib/Flash90

Au moyen de passerelles en bois, flambant-neuves et surélevées, les visiteurs peuvent aussi désormais porter leur regard sur un spectacle de tesselles colorées où les motifs géométriques, la faune et la flore sont à l’honneur. Ici des palmiers dattiers, des arbres fruitiers, des grappes de raisins, là des scènes de chasse, des scènes champêtres avec des paniers pour la récolte de fruits ou des jarres, là encore des lions, des gazelles, du gibier sauvage, des lapins, des poissons, des oiseaux, des paons, des vaches qui broutent, des chèvres, des animaux domestiques comme des chevaux ou des chiens.

Des noms et des dates à foison

Sur ce pavement, peuvent-être lus également 17 médaillons, ovales ou rectangulaires, entourant des inscriptions écrites en grec ancien. Des noms d’évêques, de prêtres, de bienfaiteurs ainsi que des prières sont ainsi rédigés et datés. La plus ancienne mentionne un certain évêque Zénobe avec la date 496/7 ap. J.-C. L’évêque Marcien au VIe siècle est cité plusieurs fois. La plus récente remonte à l’évêque Serge à la date 732 ap. Preuve que la communauté chrétienne de Gaza existait encore au début de l’ère islamique. Les médaillons datés permettent de suivre l’évolution des réfections subies par l’ensemble de l’église et de ses chapelles.

Piscine baptismale en forme de croix dans le baptistère attentant à l’église byzantine de Jabaliya, dans la bande de Gaza, le 24 janvier 2022. © Abed Rahim Khatib/Flash90

A noter que la salle du baptistère était aussi pavée de très belles mosaïques géométriques et figuratives. Quatre animaux exotiques étaient ainsi représentés aux quatre coins du bassin baptismal : un éléphant, une girafe et peut-être un léopard et un zèbre. Entre ces animaux se trouvaient des arbres fruitiers et la personnification des Quatre Fleuves du Paradis (Gihon, Phison, Euphrate et Tigre) : parmi ceux-ci, seuls deux ont survécu à la destruction.

D’autres mosaïques comportent des indications sur l’origine de certains artisans comme celle qui est signée ainsi « Œuvre des mosaïstes Victor et Cosmas d’Ascalon ». Datée de 548/9 après J.C., elle mentionne clairement Ashkélon qui se trouve à moins d’une trentaine de kilomètres au nord de la ville de Gaza.

Pour avoir une idée concrète du complexe de l’église de Jabalyia au VIIe siècle, une reconstitution en 3D ici en vidéo

 

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