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Des visages et des mots, Wassim-Gloria-Nizar

Propos recueillis par Cécile Lemoine
15 janvier 2022
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Terre Sainte Magazine est en synode avec le diocèse de Jérusalem. La rédaction libère du temps de volontariat DCC de Cécile Lemoine pour qu’elle accompagne le site Internet du synode diocésain (synodholyland.com) et l’équipe de rédacteurs. Nous publierons une sélection d’interviews faites auprès de chrétiens de Terre Sainte qui partagent leurs questions et aspirations pour l’Église locale.


Témoignage 1 Wassim : “Je rêve que l’Église soit enfin unie”

Êtes-vous impliqué dans l’Église ?

​Je travaille pour la Custodie et les franciscains. J’essaie d’aider les gens autant que je peux : je suis très présent pour ma famille. Je reste avec eux et je m’occupe d’eux. Nous allons à l’église tous les dimanches ensemble, à la paroisse melkite, à la paroisse latine, ou à la paroisse orthodoxe. Ça m’est égal. Je suis chrétien. Cela me suffit.

L’Église doit-elle évoluer ?

Oui, elle doit cesser d’être si divisée car nous sommes très peu de familles chrétiennes sur cette terre et nous devrions être unis. Par exemple, quand il s’agit d’argent et d’aider les pauvres, les paroisses orthodoxes n’aideront pas un fidèle latin et vice-versa. De plus, nous voyons souvent des gens se plaindre parce qu’ils n’ont pas assez d’argent. L’Église devrait cesser de créer cette dépendance.

Qu’attendez-vous du synode ?

Nous sommes dans la ville et le pays de la paix, nous devons donc prendre des décisions audacieuses pour le synode. Nous pourrions commencer par faire prier ensemble les enfants, car ils sont l’avenir d’une Église unie sur la terre où Jésus est né et est mort pour nous tous. Être unis dans la prière nous rassemblera dans un seul cœur et une seule main. Il n’y a rien de difficile si nous marchons dans la forte volonté de notre Sauveur. L’Église doit toujours se rappeler que les vraies pierres des Églises sont celles qui la font vivre : les gens de la paroisse.

Avez-vous un rêve pour l’Église ?

Qu’elle soit enfin unie.


Témoignage 2 Gloria : “J’essaye d’être sur le rivage”

©Cécile Lemoine/TSM

Comment êtes-vous impliquée dans l’Église ?

​Pour moi la religion c’est la vie. Ma vie de paroissienne est très liée à mon engagement auprès des jeunes, puisque j’ai longtemps travaillé comme enseignante de catéchisme à l’école des filles tenue par les sœurs de Saint-Joseph à Bethléem. J’ai arrêté quand le catéchisme est devenu une matière obligatoire pour le baccalauréat. Cela n’a pas de sens de le résumer à des livres, de la théorie et des notes. Il ne s’agit pas seulement de parler de Jésus, mais de parler avec lui. Je travaille donc aujourd’hui en tant qu’assistante sociale pour cette même école. Cela requiert beaucoup de délicatesse, car on entre dans la vie de chacun. Jésus a toute sa place dans cette démarche, car pour atteindre le cœur des enfants, la pédagogie moderne ne suffit pas. L’amour du Seigneur peut tout, et j’essaye de leur parler en vérité. J’essaye d’être sur le rivage. Ni trop proche des institutions cléricales, ni trop loin de ceux qui sont vraiment à la marge de l’Église, pour créer des ponts entre les deux.

Qu’est-ce qui vous déplaît dans l’Église aujourd’hui ?

Ce n’était probablement pas volontaire, mais l’Église a créé une relation de dépendance aux choses matérielles. Du coup les gens qui sont proches de l’Église le sont dans un but financier et pas spirituel. Avant la première intifada, en 1987, personne n’allait chez le curé pour demander de l’aide. Depuis, on a vu les dons monétaires affluer du monde entier, et l’Église devenir une sorte de ministre de l’Économie. Cette aide est nécessaire, mais il faut la penser intelligemment, surtout qu’aujourd’hui elle est moins conséquente et que les gens demandent toujours plus. Je vois aussi des gens dire que s’ils ne reçoivent pas d’argent, ils vont partir, quitter le pays. C’est dommage.

Qu’attendez-vous du synode ?

On regrette que les prêtres ne prennent pas assez le temps de nous écouter. L’Église d’aujourd’hui doit parler à tout le monde : jeunes, personnes âgées, handicapés… Il faut travailler dans les familles, les maisons, entretenir un vrai lien. Des petits groupes de prêtres et de sœurs visitaient les familles lors du dernier synode. Mais cela s’est vite arrêté. J’espère que ce synode parviendra à mettre des choses durables en place.

Avez-vous un rêve pour l’Église d’ici ?

J’aimerais que l’Église soit plus vivante. Que les gens viennent à l’Église pour Jésus, et pas forcément pour l’aide qu’elle peut leur apporter. J’espère que l’Église saura sortir des vieux schémas, pour devenir plus simple, plus accueillante, et remettre la foi au cœur.


Témoignage 3 Nizar : “Je suis rentré de France car mon Église et ma terre sont ici”

© Cécile Lemoine/TSM

Êtes-vous impliqué dans l’Église et si oui comment ?

Après avoir passé trois ans en France pour mes études, j’ai senti une forme de vocation à retourner en Terre Sainte pour m’impliquer dans la vie de mon Église. Ce n’est pas une question politique, mais d’identité spirituelle. Mon Église, ma terre sont ici. C’est important de contribuer et de ne pas seulement recevoir passivement. Alors j’apporte ma pierre à l’édifice par mes activités professionnelles. J’ai travaillé pendant 5 ans auprès des franciscains de la Custodie de Terre Sainte et je suis depuis quelques jours directeur des programmes du centre œcuménique de Tantur. Deux postes qui m’ont permis, et me permettent toujours, de découvrir la richesse de notre Église et de donner des perspectives sur la manière dont on peut aider les gens et progresser personnellement dans sa vie spirituelle. Officiellement, ma paroisse est celle de l’Église melkite à Jérusalem, mais je vais aussi chez les jésuites, ou ailleurs… Je ne viens pas d’une famille particulièrement pratiquante, mais l’arrivée de notre enfant me questionne sur le message de vie qu’on veut lui transmettre.

Pensez-vous que l’Église doit évoluer ? Sur quels points ?

Je travaille aussi auprès des jeunes et j’ai toujours trouvé chez eux une soif de découvertes et de changements qui n’est pas facile à canaliser. Je pense qu’il nous faut écouter plus attentivement la jeunesse et lui donner la place qu’elle mérite. Ils ont des choses à dire, des problèmes et une réelle envie de contribuer.

Qu’attendez-vous de l’Église ? Que devrait-elle apporter à la population d’ici ?

Pour moi, l’Église doit combler le vide spirituel créé par nos vies à 100 km/h. On ne pense qu’à travailler et c’est légitime parce qu’il faut bien nourrir sa famille. Mais il ne faudrait pas que l’Église tombe dans ce travers-là. Les gens ont besoin que quelqu’un les arrête et leur dise : “Faisons une pause pour réfléchir à notre vie”. C’est quelque chose qui manque beaucoup en Terre Sainte : prendre le temps, avoir une réflexion sur la société, tant au niveau spirituel que social. On ne questionne par exemple pas assez le rôle du matériel dans la vie, ou le rôle du temps.

Quels rêves avez-vous pour l’Église ?

Qu’elle soit encore plus accessible aux gens. De par mon métier, j’ai rencontré une quantité de personnes, qui, même si elles sont de culture chrétienne, ont peu ou pas de rapport avec l’Église. Ici, ce sont de grandes et lourdes institutions qui parfois, peuvent intimider. On pourrait repenser ce lien, créer plus de familiarité. Lors de mon séjour en France, j’ai été frappé par des homélies proches du cœur et un sens de l’accueil fantastique. On pourrait commencer par là…

Dernière mise à jour: 15/05/2024 12:02

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