Selon un rapport d’Amnesty International publié mercredi 30 mars, neuf chrétiens coptes ont été arrêtés le 30 janvier en Egypte par les forces de sécurité à Ezbet Farag Allah, petit village chrétien dans le diocèse orthodoxe copte de Samalout dans le gouvernorat d’El-Minya, à 220 kilomètres au sud du Caire.
Ils ont été repérés sur une vidéo relayant une manifestation à laquelle ils avaient participé le 22 janvier pour protester contre le refus des autorités de reconstruire une église incendiée il y a cinq ans, la seule de leur village, l’église Saint-Joseph et Abu Sefein. Depuis, les villageois étaient contraints de se rendre dans les villages voisins pour pratiquer leur foi.
« Cela fait plusieurs années que les autorités égyptiennes ignorent les appels qui leur sont adressés en vue de la reconstruction de cette église, privant ainsi quelque 800 coptes de lieu de culte dans leur village. Aujourd’hui, cherchant de manière éhontée à étouffer ces appels, elles arrêtent des villageois arbitrairement, répriment des manifestations pacifiques et retiennent des charges grotesques contre les personnes qui osent dénoncer la situation », a déploré Philip Luther, directeur de la recherche et du plaidoyer pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à Amnesty International, cité dans le communiqué de l’organisation de défense des droits de l’Homme.
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C’est ainsi qu’Amnesty International a exhorté officiellement, dans un communiqué publié le 30 mars sur son site Internet, les autorités égyptiennes à libérer « immédiatement » les neuf chrétiens détenus « arbitrairement » depuis le 30 janvier.
Les zones rurales désavantagées
Le rapport indique qu’après avoir été arrêtés, les accusés ont été interrogés les yeux bandés et menottés, sans la présence d’avocats. Leurs familles se sont également vu refuser des informations sur leur sort ou sur le lieu où ils se trouvaient. Depuis, leur détention provisoire ne cesse d’être renouvelée. Pour l’heure, « ils sont maintenus en détention dans l’attente des résultats d’une enquête pour ‘‘participation à un rassemblement’’ et pour des charges infondées ayant trait au ‘‘terrorisme’’, uniquement pour avoir participé à une manifestation pacifique », a déclaré Amnesty qui compare leur arrestation à « une disparition forcée ».
Après l’incendie suspect de l’église de Ezbet Farag Allah en 2016, les autorités n’ont jamais vraiment diligenté d’enquête appropriée, selon un avocat cité dans le rapport d’Amnesty International. L’église endommagée a fini par être démolie en juillet 2021.
Dans la foulée, les habitants du village avaient alors envoyé une demande officielle de reconstruction, mais les autorités locales n’ont pas répondu à cette demande, « bien que l’église a obtenu un statut officiel sur décision du gouvernement en 2011 », précise Amnesty, et malgré le fait que la loi de 2016 oblige un retour dans les quatre mois des autorités locales à qui appartient la décision, qui peut toutefois être contestée en appel.
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Cette loi relative à la construction et à la rénovation des églises est normalement reconnue comme une avancée pour les droits des chrétiens en Egypte. Le texte ratifié par le parlement égyptien visait à offrir notamment une procédure administrative assouplie pour la construction des lieux de cultes chrétiens permettant aussi des légalisations rétroactives de lieux de culte chrétiens construits par le passé sans les autorisations requises.
Mais, lit-on dans le rapport d’Amnesty International, selon un chercheur spécialiste de la question « si les autorités acceptent sans trop de difficultés la construction de nouvelles églises dans les zones prospères, elles s’opposent souvent à la construction ou à la rénovation de petites églises dans les zones rurales défavorisées et les quartiers informels urbains ».