Le coup d’envoi du « Synode spécial des femmes » dans l’Eglise catholique maronite a été lancé samedi dernier à Bkerké, siège du Patriarcat maronite, au nord-est de Beyrouth, au Liban. En présence du patriarche Béchara Boutros Raï et du nonce apostolique, Mgr Joseph Spiteri. La rencontre a également réuni les évêques maronites, et vu la participation de la sociologue Mirna Abboud Mzawak, coordinatrice du Bureau de la pastorale des femmes à la Curie patriarcale et de Souraya Bechealany, ancienne secrétaire générale du Conseil œcuménique des Eglises du Moyen-Orient.
Ce processus ecclésial – synode signifie « marcher ensemble » – est, comme le rapporte l’agence Fides, « une occasion de discernement partagé concernant la présence et la mission des femmes dans l’Eglise et dans la société ». L’agence de presse catholique précise que l’objectif de ce synode est « de reconnaître et de soutenir de manière créative et innovante la vocation propre des femmes ».
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Si la synodalité qui, dans son sens premier, renvoie à la communion et à la consultation, caractérisent et inspirent le fonctionnement des Eglises orientales, le synode dédié aux femmes est véritablement une première. « Il n’y en a jamais eu dans les Eglises orientales en général, et dans l’Eglise maronite en particulier », a de fait confié au site d’informations Libnanews Mirna Mzawak. Mais en aucun cas, précise Fides, ce synode singulier ne se veut « une adaptation aux revendications féministes et aux modèles culturels importés d’Occident».
Qui plus est, parce qu’il ne s’agit pas d’un synode inter-femmes, l’initiative veut impliquer non seulement les évêques mais aussi tous les baptisés, hommes et femmes. Mais « l’enjeu est que toutes les femmes se mobilisent », rappelletout de mêmeMirnaMzawak.
Un texte fondateur sur la femme ne suffisait pas
Ce projet consacré à la présence et à la mission des femmes dans l’Eglise a été approuvé en juin 2021 par le synode des évêques maronites qui en avait confié la préparation au Bureau de la pastorale féminine du Patriarcat. Mais l’origine de l’initiative revient à Jocelyne Khoueiry (1955-2020), surnommée « la Jeanne d’Arc du Pays du Cèdre ». Maronite, combattante de la guerre du Liban (1975-1990) puis devenue militante non-violente, elle a fondé plusieurs associations dont, en 1988, le mouvement marial « la Libanaise-Femme du 31 mai » pour encourager la vie spirituelle et sociale des femmes, et pour accompagner les familles en difficulté. En octobre 2010, elle avait participé au synode des évêques pour le Moyen-Orient à Rome.
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« Quand nous avons commencé à travailler, du temps où Jocelyne Khoueiry était encore vivante, nous avons relevé que, dans nos Eglises orientales, il n’y avait aucun texte sur la femme, d’où notre engagement », explique Mirna Mzawak. « Puis, rajoute-t-elle, toujours avec Jocelyne Khoueiry, nous avons considéré qu’il ne fallait pas seulement un texte fondateur sur la femme – qui serait certes la base –, mais un processus synodal à travers lequel apparaîtraient tous les défis que la femme est en train de vivre au Liban et dans le monde entier. (…) Le fait de commencer avec un texte fondateur, et que ce texte ait une dimension synodale, nous le devons à Jocelyne ».
Un synode, plusieurs étapes
Maintenant les choses se concrétisent. Le synode consacré aux femmes, rapporte Fides, s’articulera autour de rencontres, d’enquêtes et de réflexions partagées qui se tiendront dans les paroisses, les diocèses, les communautés religieuses et les institutions ecclésiastiques, civiles et universitaires. Tant au Liban que dans les pays où la diaspora maronite est présente. Pour ce faire, des théologiens ont préparé des supports. Car, afin d’accompagner le processus synodal, une cellule de neuf experts en théologie, de la Bible, en anthropologie ou en philosophie, a été mise en place. En fait partie le professeur Souraya Bechealany, qui outre ses anciennes fonctions au Conseil œcuménique des Eglises du Moyen-Orient est membre du mouvement « La Libanaise-Femme du 31 mai ».
« Dans la phase actuelle du processus synodal, nous sommes en train de rédiger un document qui sera soumis au synode des évêques et au Patriarche en juin 2023 pour ratification et validation », a-t-elle fait savoir à Libnanews.
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Ensuite, la deuxième étape du synode débutera. Il s’agira de « la mise en place de structures et de stratégies qui permettent à la femme d’avoir réellement voix au chapitre, et d’affirmer son rôle dans l’Église et dans la société, tant dans la gouvernance que dans la décision, selon le charisme que le Seigneur lui a accordé ».Souraya Bechealany souligne d’autre part que ce document comme d’ailleurs les questionnaires d’enquêtes qui seront réalisées auprès des fidèles sont tous préparés avec le soutien des experts précités. Elle espère que le texte en cours d’élaboration sera reçu « activement » dans les diocèses maronites du monde entier et qu’il sera co-signé par d’autres Eglises catholiques, puis éventuellement à d’autres Eglises chrétiennes.
Dignité et valeur des femmes
Dans ce même esprit d’ouverture, un document œcuménique intitulé « Chrétiens au Moyen-Orient : pour un renouveau des choix théologiques, sociaux et politiques », a été présenté le 28 septembre dernier depuis Antelias au Liban. Confectionné par l’équipe œcuménique « Nakhtar al Hayat » – en français « Nous choisissons la vie en abondance » –, une référence à un verset du Deutéronome, le texte appelait les chrétiens du Moyen-Orient à un profond renouveau ecclésial et socio-politique. Cette contribution, « d’une grande importance » selon Michel Sabbah, patriarche émérite latin de Jérusalem, a alors été remarquée pour sa grande liste de recommandations.
Ses auteurs – 11 femmes et hommes, orthodoxes, catholiques, protestants, ministres ordonnés ou laïcs, experts en sciences humaines, politiques et théologiques, originaires d’Allemagne, de Jordanie, du Liban, de Palestine et de Suisse –, avaient notamment alerté sur le fait qu’il n’y a pas de principe de synodalité si « le peuple de Dieu – en particulier les femmes et les jeunes – est marginalisé dans les décisions importantes. Nous assistons souvent à la croissance d’un esprit autoritaire, qui efface le partage des responsabilités, la gouvernance équilibrée et l’esprit de responsabilité entre les gens et leurs pasteurs».
Pour eux, aujourd’hui les Eglises doivent prendre ces considérations en compte au risque de provoquer l’indifférence et même l’athéisme dont elles n’ont pas encore pris toute la mesure. « Le moment est venu pour les Eglises du Moyen-Orient de se libérer des enseignements, des structures et des pratiques qui réduisent les femmes à des êtres de seconde zone, contrairement à l’esprit de l’Évangile (Galates 3, 28) et à la Déclaration universelle des droits de l’homme », avaient-ils signé. Et ce, au nom de « la dignité des femmes », de « leur valeur unique aux yeux de Dieu », et de « la pleine égalité des femmes et des hommes ».