Une nouvelle genizah a été découverte dans l’ancien cimetière juif de Bassatine au Caire, en février dernier. Il s’agit un dépôt de textes et de manuscrits juifs tombés en désuétude et qui ne sont plus guère utilisés. Ces documents sont toujours traités avec un infini respect et ne doivent pas être détruits ni profanés en raison du nom divin que les textes comportent et c’est pour cela qu’ils sont souvent enterrés ou stockés précieusement dans un endroit dédié.
Cependant, ces dernières semaines, des membres de l’Autorité des antiquités égyptiennes, rendus sur place, ont mis la main sur la genizah pour l’emporter dans des dizaines de sacs. L’opposition des membres de la communauté juive locale n’y a rien fait.
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Les équipes égyptiennes ont de fait agi sans leur permission, sans la présence d’une personnalité rabbinique comme il se doit, sans vérifier la valeur des documents, et sans opérer une inspection attentive et approfondie de son contenu par des experts juifs, a rapporté KAN News. « Il n’est donc pas clair si les découvertes datent du siècle dernier ou bien si elles sont plus anciennes », a précisé le média israélien.
Une genizah peut révéler des trésors sur l’histoire juive
Les genizot peuvent se révéler inestimables pour éclairer des pans historiques, culturels, religieux et communautaires de l’histoire juive. Pour preuve, une genizah découverte dans le grenier de la synagogue Ben Ezra dans la capitale égyptienne à la fin du XIXe siècle a considérablement élargi la compréhension de la pratique juive et de la vie quotidienne, sociale, économique des Juifs en particulier au Moyen-Age, grâce à près de 200 000 textes juifs écrits en hébreu, en judéo-arabe et en arabe dont les datations vont de 870 ap. J.-C. jusqu’au XIXe siècle, comptant aussi bien des textes religieux que des contrats ou des correspondances privées.
Il est fort possible qu’il y ait aussi dans la genizah de Bassatine des trésors de l’histoire juive ancienne qui nécessiterait, selon la toute petite communauté juive locale, un travail plus professionnel en termes de tri, de restauration, de conservation et d’études.
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Ces dernières années, des membres de la communauté juive du Caire, en coordination avec les autorités égyptiennes et grâce au financement de la part d’organisations privées et gouvernementales américaines, ont commencé à réaliser des opérations de nettoyage et de conservation dans le cimetière juif de Bassatine, mal entretenu et jonché d’ordures depuis le départ d’Egypte de quasiment toute la communauté juive locale dans les années 50. Le cimetière remonte au moins au IXe siècle et il est considéré comme le deuxième cimetière juif le plus ancien du monde, après le mont des Oliviers à Jérusalem. C’est dire le potentiel des archives découvertes…
L’ambassade des Etats-Unis en Egypte priée d’agir
Après la saisie de leur genizah, les Juifs du Caire ont protesté et contacté l’ambassade des Etats-Unis. Une source, qui s’est confiée à KAN, a expliqué que depuis des années les autorités égyptiennes ont très peur de voir des objets juifs quitter le Caire. Mais les Juifs locaux ont souligné, toujours d’après KAN, qu’ils ne voulaient pas retirer les documents d’Egypte, mais seulement être impliqués dans leur surveillance pour éviter tout dommage.
Jusqu’à présent, rien n’est connu sur le sort des précieux documents et artefacts. Cela dit le 25 mars, un jour après que KAN a signalé la saisie des documents par les autorités égyptiennes, le sénateur américain Gary Peters, un démocrate du Michigan, a envoyé une lettre à l’ambassadeur des Etats-Unis en Egypte, Jonathan Cohen, pour le pousser à intervenir. Les extraits de ce courrier ont été relayés par l’Agence télégraphique juive.
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« Je vous exhorte à protester contre la saisie de ces documents aux plus hauts niveaux du gouvernement égyptien », a ainsi énoncé Gary Peters. « Ces documents, a-t-il avancé, sont la propriété incontestable de la communauté juive égyptienne et leur saisie soudaine est extrêmement troublante ».
De fait, l’Autorité des antiquités égyptiennes, plutôt réputée pour son professionnalisme dans un pays où toute découverte est enregistrée, étiquetée, photographiée et datée, n’a pas expliqué si elle était intervenue pour épargner la genizah de contrebande, de dispersion ou de commercialisation causant sa perte, estimant peut-être que la menue communauté juive au Caire n’avait pas la possibilité de la préserver.
Un patrimoine juif à étudier et à conserver
Quoi qu’il en soit, le parlementaire américain a ajouté que l’administration américaine devait faire pression pour mettre fin à cette confiscation et faire appel à un groupe d’experts internationaux pour examiner les textes.
Et d’avoir fait remarquer qu’il s’agit là d’ « artefacts religieux sensibles, qui doivent être traités avec respect et soin, non seulement à des fins religieuses, mais aussi pour préserver leurs caractéristiques physiques afin de permettre la recherche et l’examen scientifiques. Ce que le ministère du Tourisme a fait n’est pas simplement injuste mais totalement inutile. Ces documents devaient rester en Egypte pour être étudiés et conservés par la communauté juive ».