« Fournir aujourd’hui aux chrétiens de Terre Sainte les moyens de vivre décemment est nécessaire ». C’est l’une des recommandations exposées le 29 mars par Mgr William Shomali, vicaire général du Patriarcat latin de Jérusalem, lors d’une rencontre consacrée dans la ville sainte de la présence chrétienne palestinienne et du patrimoine chrétien, au présent et au futur, à Jérusalem ainsi qu’aux moyens à mettre en œuvre pour les préserver.
La rencontre, dont le site du Patriarcat latin s’est fait l’écho, était organisée par Passia (Palestinian Academic Society for International Relations in Jerusalem) qui cherche à présenter la question palestinienne dans ses contextes national, arabe et international à travers la recherche académique, le dialogue et la publication.
Selon le chercheur Usama Salman, spécialisé dans les affaires chrétiennes, et participant à la rencontre,s’il y a 13 confessions chrétiennes officielles à Jérusalem, seulement 9 000 chrétiens palestiniens y vivent, soit moins de 1% de la population de Jérusalem. Dans toute la Palestine historique, il ne reste que 150 000 chrétiens.
« Ne pas se renfermer sur soi »
Face à cette réalité, Mgr Shomali a mis en garde la communauté chrétienne palestinienne contre deux risques : soit celui d’« un complexe d’infériorité dû à l’occupation », soit celui d’«un complexe de supériorité dû au passé».«Nous ne devons pas vivre avec la nostalgie du passé… Il n’existe plus. Ce n’est plus. Nous devons être réalistes et reconnaître qu’il existe une nouvelle situation à laquelle nous devons faire face», a-t-il insisté.
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Si Mgr Shomali a évoqué la nécessité d’offrir une vie digne aux chrétiens palestiniens, – comprendre en termes de logement, d’emploi, d’éducation, ou autres -, il a fait remarquer qu’avant les raisons économiques, « c’est le contexte politique qui affecte la présence des chrétiens en Terre Sainte ». Et l’évêque de préciser sa pensée : « on voit bien, avec le départ des plus riches, qui laissent derrière eux les pauvres, que les raisons à cela ne sont pas économiques ».
Dans une synthèse de la rencontre publiée par Passia, il est rapporté que Mgr Shomali a notamment pointé du doigt les effets négatifs de l’occupation qui favorisent la fuite des cerveaux, surtout chez les jeunes : « tant qu’il y aura occupation, il y aura un risque que beaucoup de nos jeunes ressentent la tentation de quitter le pays ». En clair, « notre survie dépend de la situation politique », a-t-il estimé avant d’ajouter que « toute négociation pour l’avenir de la Terre Sainte devrait impliquer les Palestiniens avec leurs deux poumons : les chrétiens et les musulmans palestiniens. Une moitié ne peut pas respirer seule».
L’union fait la force
Il découle de ce point une deuxième recommandation de la part de l’évêque qui a rappelé l’importance pour les chrétiens, « de ne pas se renfermer sur soi et de ne pas former un groupe chrétien isolé de la réalité », en restant entre eux dans leurs écoles, leurs monastères, ou même leur passé. Un écho aux propos tenus par le Patriarche latin de Jérusalem le 1er janvier dernier au sujet d’une de la création d’une «zone spéciale» pour préserver le quartier chrétien de la vieille ville de Jérusalem. S.B. Pizzaballa avait alors dit : «Nous ne voulons pas être protégés et abrités sous une coupole de verre, mais au contraire faire partie intégrante de la vie civile et religieuse de cette société qui est la nôtre».
Mgr Shomali la semaine dernière est complètement allé dans ce sens : « nous devons y voir un appel à nous unir en tant que Palestiniens, à vivre ensemble les uns avec les autres, chrétiens et musulmans ».
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Troisième recommandation : « l’unité chrétienne ». Pour l’évêque, cette nécessité « est devenue importante pour améliorer et renforcer l’image des chrétiens de Terre Sainte mais également le soutien qui leur est apporté, ici à Jérusalem ». Dans sa synthèse, Passia précise que Mgr Shomali, à ce titre, a invité les différentes Eglises chrétiennes à Jérusalem à travailler ensemble « pour le bénéfice de la communauté palestinienne », plutôt que chacune ne travaille pas « pour son propre compte » en créant « ses propres institutions ».
Forces et faiblesses
« Dans l’ensemble, les participants à la table ronde et les orateurs ont souligné la nécessité d’une communication accrue entre les différentes confessions de la communauté chrétienne afin de construire un plan stratégique pour l’avenir des chrétiens palestiniens de Jérusalem », a résumé Passia dans son rapport. Pour ce faire, le chercheur Usama Salman, a recommandé à la communauté chrétienne « d’évaluer ses forces et ses faiblesses ».
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Du côté des forces, le chercheur a mis en avant le fait que les chrétiens étaient surreprésentés dans le domaine de la propriété foncière de la vieille ville. « Un tiers de la vieille ville appartient aux Eglises, avec plus de 900 maisons et 500 boutiques sous propriété chrétienne », a-t-il avancé. Par ailleurs, la vieille ville abrite 76 églises, sanctuaires, monastères et couvents, tandis qu’en dehors de la vieille ville, on en compte 77.
Mais du côté des faiblesses, Usama Salman n’a pu s’empêcher de constater l’absence de « prise de décision factuelle ». Il a alors appelé à « une vision, une mission et un plan stratégique collectifs au sein de la communauté, qui permettraient de mobiliser les ressources disponibles et de tirer parti des opportunités offertes » et ainsi de « réfléchir de manière stratégique » à des « actions » qui permettront de « préserver une identité chrétienne forte » et d’aider la communauté chrétienne locale à continuer d’exister.