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Ce que dit la distinction du roi de Jordanie accordée au patriarche latin

Christophe Lafontaine
31 mai 2022
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Photo tirée de la page Facebook du la Cour royal hachémite à l’occasion de la remise de la « « la Distinction du Premier Degré » de l’Ordre d’Abdallah II ibn Al Hussein par le roi Abdallah II de Jordanie, au Patriarche latin de Jérusalem, S.B. Pierbattista Pizzaballa, le 25 mai 2022

Le 25 mai, le Roi de Jordanie a décoré de l’Ordre d’Abdallah II ibn Al Hussein, S.B. Pizzaballa pour souligner son rôle dans « la consolidation » de la coexistence à Jérusalem et la « défense » des sanctuaires chrétiens.


Le roi Abdallah II de Jordanie collectionne avec son épouse de nombreux prix qui ont été décernés – souvent par des institutions d’Eglise – au fil des ans pour leurs actions en faveur de la paix et du dialogue interreligieux. Plus que pour rendre la pareille, cette année pour le 76e anniversaire de l’Indépendance de la Jordanie, le roi Abdallah a voulu comme il le fait chaque année à cette occasion, honorer les personnalités ou les organisations qui se sont distinguées de manière éminente « par leurs services pour le pays et son peuple », indique un communiqué du palais royal.

Ainsi, Sa Béatitude Pierbattista Pizzaballa s’est vu remettre par le roi « la Distinction du Premier Degré » de l’Ordre d’Abdallah II ibn Al Hussein. La cérémonie s’est tenue au palais Al Husseiniya à Amman. Le patriarche latin de Jérusalem dont le diocèse couvre Israël, les Territoires palestiniens, la Jordanie et Chypre, s’est vu honoré « en reconnaissance de son rôle et de sa contribution exceptionnels à la diffusion de la tolérance, à la consolidation de la vie commune à Jérusalem et pour sa défense des sanctuaires chrétiens dans la ville », a rapporté abouna.org, site chrétien d’informations arabes.

Un honneur qui est un message aux chrétiens de Terre Sainte

Pour le patriarche, recevoir l’honneur royal le jour de la fête de l’Indépendance a revêtu une haute signification de « la relation de longue date entre le Patriarcat et le Royaume hachémite de Jordanie ». Une distinction aussi qui, selon lui, « symbolise l’appréciation du travail du Patriarcat pour servir le saint peuple jordanien, et l’appréciation du rôle de l’Eglise dans son travail à Jérusalem à travers les institutions ecclésiales », a déclaré le Patriarche au journal jordanien Al-Dustour.

Pour le Patriarche, cette distinction est aussi un hommage « pour la présence chrétienne en tant que partie intégrante du tissu social en Terre Sainte, et tous ceux qui servent la société dans ses différents domaines, en particulier les institutions, les écoles et les hôpitaux ». Le prélat y voit clairement aussi « un encouragement à continuer à travailler et à servir, en particulier dans la Ville Sainte » en soulignant « l’étendue de l’attention et des soins que Sa Majesté accorde à la ville de Jérusalem, à ses lieux saints et à ses institutions affiliées ».

« Un récit chrétien » pour la ville sainte

Le sujet est cher au Patriarche latin de Jérusalem. Encore tout récemment, dans un entretien à l’agence de presse italienne SIR, en marge de la rencontre avec les évêques de la Coordination de Terre Sainte qui a eu lieu du 21 au 26 mai, S.B. Pizzaballa a appelé à un « récit chrétien » de Jérusalem. Le Patriarche a en effet défendu le besoin de la communauté chrétienne d’exprimer sa vision de Jérusalem. Autrement dit, l’ouverture et l’universalité de la ville sainte. 

Pour le plus haut responsable catholique en Terre Sainte, « il ne s’agit pas de faire de nouvelles croisades mais de comprendre que Jérusalem n’est pas seulement l’affaire des Israéliens et des Palestiniens ».

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De fait, « Jérusalem est considérée comme la capitale des trois religions monothéistes, le christianisme, le judaïsme et l’islam, et est étroitement liée à l’identité de ces trois religions. Pour cette raison, il est important de parler de Jérusalem également d’un point de vue chrétien, sans exclure les vues juives et islamiques ». Or, en comparaison, « le récit chrétien apparaît comme le plus faible », déplore-t-il, lui qui rappelle pourtant que « les trois confessions abrahamiques ont une citoyenneté égale ».

Pour S.B. Pizzaballa, le « récit chrétien sur Jérusalem en plus du récit juif et islamique » doit être « soutenu par un discours systématique, précis et non vague, basé sur les Ecritures ». Et de reconnaître que « la langue chrétienne est souvent incomprise par les juifs et les musulmans ». 

In concreto, cela signifie que « si nous voulons avoir la citoyenneté à Jérusalem, nous devons construire les fondations d’un point de vue religieux sans nous en tenir aux émotions, aux dévotions, aux intentions et aux belles phrases compréhensibles peut-être seulement par nous mais pas par les autres. Nous devons réitérer que nous avons nos racines à Jérusalem parce que nous sommes nés ici ».

L’inclusion comme fil conducteur 

Dans une interview donnée à l’Eglise catholique d’Angleterre et du Pays de Galle, représentée par Mgr Declan Lang, président de la Coordination Terre Sainte, le Patriarche latin a aussi rappelé le 24 mai dernier que dans la tradition chrétienne, le rôle de Jérusalem était d’être « ouvert ». « Les portes, a-t-il déclaré au micro, sont là pour définir les identités mais non pour se défendre des autres. Et cela est une perspective complétement différente : nous devons faire savoir aux gens que nous voulons inclure sans annuler les différentes identités ». 

En écho, les évêques de la Coordination de Terre Sainte à l’issue de leur visite en Terre Sainte ont signé un communiqué dans lequel ils affirment que « Jérusalem ne doit jamais devenir le monopole exclusif d’une seule religion ».

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Reprenant en synthèse les mots du Patriarche latin, les évêques de la Coordination ont soutenu que « la communauté chrétienne [était] essentielle pour l’identité de Jérusalem, à la fois maintenant et à l’avenir ». Invitant de ce pas les chrétiens à revenir en pèlerinage en Terre Sainte, les évêques ont appelé « tous les chrétiens » à « contribuer à préserver le caractère sacré de la Ville et promouvoir une vision authentique de Jérusalem comme lieu de dialogue et d’unité ».

Cela n’est pas sans rappeler une déclaration intitulée « Jérusalem, un trésor pour toute l’humanité » qui prend encore plus de relief aujourd’hui et qui émanait déjà de celui qui était alors l’Administrateur apostolique du Patriarcat latin, le 8 décembre 2017. « Toute revendication exclusive, qu’elle soit politique ou religieuse, est contraire à la logique de la ville », avait lancé Mgr Pizzaballa.

« La discussion sur Jérusalem ne peut (…) pas être réduite à un simple conflit territorial et à la souveraineté politique, précisément parce que Jérusalem est unique, parce qu’elle est le patrimoine du monde entier, et qu’elle a une vocation universelle qui parle à des milliards de personnes dans le monde, croyants et non-croyants. Une solution réaliste au problème de Jérusalem devrait inclure tous ces éléments ».

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