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Eglise : l’occupation, cause de la violence en Terre Sainte

Christophe Lafontaine
25 mai 2022
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La mort par balle de Shireen Abu Akleh, les violents événements qui ont accompagnés ses funérailles ont inspiré à la Commission Justice et Paix une réflexion sur l’occupation israélienne, comme source de la violence. Fresque aux abords du lieu de la mort de la journaliste palestinienne à Jenin. ©Nasser Ishtayeh/Flash90

Pour la Commission Justice et Paix du diocèse de Jérusalem, la violence en Terre Sainte n’est pas causée par « des idéologies palestiniennes, arabes ou islamiques qui rejettent Israël, les Israéliens et même les Juifs » mais par l’occupation.


« Tant qu’un régime d’occupation militaire continuera à être imposé à ceux qui vivent à Jérusalem-Est, en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, et tant qu’un régime de discrimination continuera à être administré au sein de l’Etat d’Israël, il n’y aura pas de fin au cycle de la violence ».

Cette déclaration, plaçant la responsabilité de la violence en Terre Sainte sur l’occupation israélienne émane d’un long et dense communiqué de la Commission Justice et Paix, de l’Assemblée des ordinaires catholiques de Terre Sainte (AOCTS), daté du 16 mai dernier.

[A noter toutefois que ce texte[1] est signé des seuls membres de la commission Justice et Paix de Terre Sainte, il n’a été ni soumis ni ratifié par l’AOCTS ni davantage publié sur les sites internet qui lui sont liés.]

Si l’AOCTS réunit les évêques et vicaires épiscopaux catholiques de rites latins et orientaux, la commission Justice et Paix est composée, quant à elle, d’un panel de religieux, de chrétiens et de chrétiennes locaux, présidée par le Patriarche latin émérite de Jérusalem, Michel Sabbah.

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La Commission travaille à nourrir régulièrement la réflexion de l’Eglise sur la situation en Terre Sainte. Les événements de ces deux derniers mois durant lesquels 45 Palestiniens, 16 Israéliens et deux travailleurs migrants ont été tués, et les obsèques mouvementées de la journaliste palestinienne Shireen Abu Akleh il y a 10 jours, ont poussé la commission à établir un examen détaillé de ces tensions et de leurs causes qui lui font dire que « cette violence fait partie intégrante du conflit en cours » que subissent les Israéliens et les Palestiniens.

Autrement dit, les actes de cette violence doivent être analysés avant tout dans ce contexte d’autant plus que « cette violence, bien qu’elle se déroule principalement en Palestine, toujours sous occupation israélienne, s’est également manifestée à l’intérieur du territoire israélien».

« Israël et la Palestine ont les mêmes droits : les droits à la sécurité »

Car, « malheureusement, écrit la commission, tant que les Palestiniens n’ont recours qu’à des protestations verbales ou à des actions non violentes (lorsque les autorités israéliennes les autorisent), la communauté internationale ignore les Palestiniens et donne l’impression que tout est normal (…). Malheureusement, ce n’est que lorsque la violence éclate que la communauté internationale se réveille et prend acte ».

Dans son document, la commission demande aux autorités israéliennes d’évaluer « les raisons de la violence qui nous submerge tous » car « répondre à la violence par la violence, une logique de représailles sans fin, n’est pas la solution ». Au contraire, « Israël et la Palestine ont les mêmes droits : les droits à la sécurité, à la liberté, à la dignité et à l’autodétermination. La violence ne cessera pas tant que ces droits ne seront pas réalisés de manière égale pour les Israéliens et les Palestiniens ».

Dans une démarche qui se veut à la fois intellectuellement honnête, pédagogique et ferme, les membres de la commission Justice et Paix alertent sur ce qu’ils analysent comme les racines de cette violence sans chercher « en aucun cas à la justifier », préviennent-ils, convaincus qu’ils sont que « la compréhension est le seul moyen de commencer à trouver une issue à ce cycle meurtrier ».

« Une occupation qui dure depuis 55 ans »

Dans leur réflexion, ils en viennent à rejeter clairement et directement l’argument selon lequel la violence – lorsque des Palestiniens attaquent des Juifs israéliens – est engendrée par « des idéologies palestiniennes, arabes ou islamiques qui rejettent Israël, les Israéliens et même les Juifs ». Au lieu de cela, leur déclaration insiste « avec une clarté sans équivoque » sur le fait que « la cause profonde et le contexte principal de la violence est l’occupation de la Palestine, une occupation qui dure depuis 55 ans ».

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En fustigeant l’occupation israélienne, la commission précise que cela va de « l’expropriation de terres » à « la détention administrative », au « retrait de permis de construire », ou encore à « la démolition de maisons », à « la restriction de la circulation », en passant par « l’étouffement du développement politique, social et économique » et « le maintien du siège de la bande de Gaza ».

Et les signataires, d’écrire en sus qu’« il est scandaleux qu’une grande partie de la violence dont sont victimes les Palestiniens vienne de colons israéliens et de leurs groupes d’activistes, qui ont exproprié des terres palestiniennes et vivent illégalement dans les territoires occupés par Israël ».

« Un signe de désespoir face à la discrimination permanente contre les Arabes en Israël »

Pour eux, tout cela offre « un terreau fertile » pour de nouvelles attaques contre les Juifs israéliens. D’autant plus que « de nombreux auteurs ont des parents et des amis qui ont été victimes de la violence inhérente à l’occupation ».

Sans compter « les menaces permanentes » qui pèsent sur le statu quo concernant l’esplanade des mosquées qui, abritant la mosquée al-Aqsa et le dôme du rocher, est le troisième lieu saint de l’islam mais qui est aussi considéré comme le premier lieu saint du judaïsme. Selon le statu quo, seuls les musulmans ont le droit d’y prier, les juifs n’étant autorisés qu’à visiter les lieux, à des heures précises.

Sont également mentionnées dans la déclaration de la Commission Justice et paix « les restrictions étouffantes de l’accès aux Lieux Saints » comme cela a été le cas récemment pour les chrétiens orthodoxes à l’occasion de la cérémonie du Feu Sacré, attirant des milliers de pèlerins dans la ville Sainte à la veille de Pâques. Les fidèles se sont de fait vu imposer cette année une limite de 4 000 personnes à l’intérieur du Saint-Sépulcre.

« En outre, le fait que des citoyens palestiniens d’Israël commettent des attaques contre des Juifs israéliens souligne l’aliénation que de nombreux citoyens arabes palestiniens d’Israël ressentent dans un Etat dont ils sont citoyens mais qui est défini comme un Etat ‘‘juif’’ », écrit la commission pour qui la violence est « un signe de désespoir face à la discrimination permanente contre les Arabes en Israël même et face au régime d’inégalité ». De plus, « ces actes sont aussi un cri de rage contre ceux qui tentent d’effacer l’identité palestinienne des citoyens arabes palestiniens d’Israël ».

« La vraie paix ne peut être faite qu’entre Israël et la Palestine »

Les membres de la Commission Justice et Paix reprochent aussi aux « accords d’Abraham » d’entretenir un « sentiment de frustration » qui alimente de nouvelles violences. Ces accords qui ont normalisé les relations entre Israël et les Emirats arabes unis, et le Bahreïn, et en octobre 2020 avec le Soudan puis en décembre de la même année avec le Maroc, sont en réalité – explique la Commission Justice et Paix – des pays qui ne sont pas en conflit avec Israël et qui partagent des intérêts régionaux communs tels que l’opposition à l’Iran.

Pour la Commission Justice et Paix, « les accords ignorent de manière flagrante le véritable conflit en Israël/Palestine et les droits des Palestiniens ». « Pour les Palestiniens, cela ajoute l’insulte à la blessure, renforçant leur sentiment qu’aux yeux d’Israël et des puissants de la communauté internationale, ils ‘‘n’existent pas’’ ». Pour la commission, une chose est très claire et très sûre : « la vraie paix ne peut être faite qu’entre Israël et la Palestine ». Et pas autrement.

Enfin, le document de la Commission Justice et Paix déplore le deux poids deux mesures que l’invasion russe de l’Ukraine a fait ressortir sur la scène internationale. Ceux qui condamnent la Russie pour l’Ukraine ne condamnent pas Israël pour l’occupation de la Palestine depuis 1948, affirme la Commission. Là encore, estiment-ils : « ce double standard n’a fait qu’exacerber la frustration et le désespoir des Palestiniens ».

[1] Version intégrale en langue française en cliquant ici, traduction Sabeel France

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