Après avoir reçu le prix Zayed 2022 pour la fraternité humaine en février, Abdallah II de Jordanie et son épouse la reine Rania ont reçu lundi soir à New York le prix Path to Peace (Chemin vers la Paix). La récompense a été décernée par la fondation homonyme affiliée à la Mission permanente d’observation du Saint-Siège auprès des Nations unies.
Il s’agissait de son 29e gala annuel qui a réuni cette année 370 invités pour collecter des fonds destinés à lui permettre de maintenir une présence efficace à l’Onu afin de mieux faire connaître les positions du Pape sur les questions internationales.
Cette année, en décernant son prix, la fondation a voulu mettre à l’honneur les souverains jordaniens pour « leur rôle dans la promotion de l’harmonie et du dialogue interreligieux, ainsi que dans le renforcement des perspectives de paix, et les efforts humanitaires pour accueillir les réfugiés », comme l’a indiqué un communiqué du palais royal. Un prix qui vient en rejoindre beaucoup d’autres remis au couple royal ou au monarque hachémite seul, ces dernières années pour les mêmes raisons.
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Lors de la remise du prix, Mgr Gabriele Caccia, nonce apostolique, observateur permanent du Saint-Siège auprès des Nations unies et président de la fondation Path to Peace a déclaré que les racines de la fondation se trouvaient dans les salutations du Christ ressuscité à ses apôtres : « La paix soit avec vous ! ».
Il a ensuite salué l’engagement de la Jordanie envers « la tolérance religieuse » et envers « le dialogue interreligieux » soulignant le lancement du Message d’Amman de 2004 qui affirme que le terrorisme n’a pas sa place dans l’islam, et la proposition de 2010 pour une « Semaine mondiale de l’harmonie interconfessionnelle » qui a été adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies et qui depuis est célébrée chaque année.
Les chrétiens arabes, partie intégrante de la région
« Votre récent engagement, a tenu à saluer le prélat en s’adressant aux récipiendaires du prix, à protéger les lieux sacrés de la Terre Sainte montre que vous considérez les chrétiens comme faisant partie intégrante de l’histoire et du tissu culturel du monde arabe et du Moyen-Orient. De plus, sur la scène internationale, vous plaidez sans relâche pour des solutions durables pour la résolution des conflits et la paix dans la région ».
Dans son discours court mais dense, le roi a dit avoir accepté le prix Path to peace au nom de tous les Jordaniens « hommes et femmes, jeunes et anciens, musulmans et chrétiens ». Le roi a expliqué que ce sont eux qui « défendent les valeurs historiques et le noble héritage de notre terre, en vivant et en travaillant dans le respect mutuel, en faisant de la Jordanie une oasis de paix et en tendant la main avec compassion à ceux qui en ont besoin, et offrant un refuge à des millions de réfugiés au fil des ans ». Originaires principalement de Palestine, d’Irak et de Syrie.
« Notre voyage sur le chemin de la paix doit passer par Jérusalem »
Le monarque jordanien a ajouté que Jérusalem abritait de nombreux chrétiens arabes qui font partie de la plus ancienne communauté chrétienne du monde, et qu’il était « vital » pour tous de protéger leur présence dans la ville sainte. « Jérusalem devrait être un point d’ancrage pour la paix et la coexistence, pas pour la peur et la violence », a-t-il asséné.
Et de fait, Jérusalem et son actualité se sont largement invitées dans le discours royal. « Notre voyage sur le chemin de la paix doit passer par Jérusalem », a déclaré le souverain hachémite conscient que « des milliards de personnes à travers le monde portent cette ville sainte dans leur cœur », soutenant que « Jérusalem est la clé de l’avenir de paix et de stabilité » pour la région.
Le roi n’a d’ailleurs pas manqué de rappeler le rôle de la Jordanie en charge de la sécurité des Lieux saints musulmans et chrétiens à Jérusalem. « En tant que gardien de ses lieux saints musulmans et chrétiens, a-t-il réaffirmé, je vous dis à tous, mes amis, que le maintien du statu quo historique et juridique dans ces lieux saints est essentiel pour la paix, l’harmonie et la liberté de culte ».
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Une référence claire et directe face aux tensions persistantes à Jérusalem au sujet de l’esplanade des mosquées qui, abritant la mosquée al-Aqsa et le dôme du rocher, est le troisième lieu saint de l’islam mais qui est aussi considéré comme le premier lieu saint du judaïsme, le Mont du Temple. Les récentes tensions ont été précédées et suivies d’attaques terroristes, de menaces du Hamas au pouvoir à Gaza et ont vu la coalition gouvernementale israélienne se fragiliser de manière sensible.
Garant des lieux saints
Mardi, le ministre jordanien des Affaires étrangères, Ayman Safadi, a réaffirmé qu’Israël n’avait « aucune souveraineté sur la mosquée Al-Aqsa ; c’est un lieu de culte musulman. Seul le Waqf jordanien (ndlr : administrateur musulman des lieux saints) a pleine autorité sur la gestion du complexe ». La Jordanie a gouverné la Cisjordanie et Jérusalem-Est de 1948 jusqu’à la guerre des Six Jours de 1967.
Lors de la signature du Traité de paix (accords Wadi-araba) avec le roi Hussein en 1994, l’Etat hébreu a confirmé le Waqf jordanien dans ses fonctions et garanti à la Jordanie le rôle privilégié de garante des lieux saints musulmans et chrétiens dans de futures négociations de paix israélo-palestiniennes.
Cependant, le ministre jordanien des Affaires étrangères a accusé Israël de « rendre difficile pour le Waqf de prendre des mesures pour maintenir la sécurité à la mosquée Al-Aqsa, ainsi que d’interférer avec les devoirs des membres du Waqf ». Les remarques du haut diplomate intervenaient après que le cabinet du Premier ministre israélien a démenti mardi qu’Israël avait accepté une demande de la Jordanie d’augmenter les effectifs du Waqf.
Une récompense saluée par les représentants chrétiens de Jordanie et Palestine
Le Roi a par ailleurs exhorté la communauté internationale à aider les Palestiniens et les Israéliens à se remettre au travail pour mettre fin à la crise afin de parvenir à « une paix juste et durable » qui puisse offrir « un avenir d’espoir » aux deux parties « sur la base de la solution à deux Etats conduisant à l’établissement d’un Etat palestinien indépendant, souverain et viable, avec Jérusalem-Est pour capitale, vivant côte à côte avec Israël dans la paix et la sécurité ».
Le roi Abdallah est depuis toujours un défenseur de la solution de deux Etats. Son épouse, la reine Rania, est d’origine palestinienne.
Le site chrétien d’information arabe, Abouna.org, a rapporté que du Patriarche grec-orthodoxe Théophilos III, à Mgr Ayyash, vicaire patriarcal gréco-catholique melkite à Jérusalem, en passant par Mgr William Shomali et Mgr Jamal Khader, respectivement vicaires patriarcaux latin pour Jérusalem et pour la Jordanie, « les chefs, représentants et prêtres des églises de Jordanie et de Palestine ont exprimé leur fierté et leur honneur à recevoir à New York, par Leurs Majestés le Roi Abdallah II et la Reine Rania Al Abdullah, le prix « Road to Peace » ».