À la remise du chantier de restauration de l’édicule, les Églises savaient qu’elles n’en avaient pas terminé avec les nécessaires interventions dans la basilique du Saint-Sépulcre. Retardés par la pandémie, les travaux ont repris dans l’édifice et leur enjeu est plus intéressant qu’un simple changement de carrelage.
Restauré en 2016-2017, le tombeau de Jésus n’est pas encore sauvé. C’est la raison pour laquelle, les travaux ont repris dans la basilique de la résurrection.
À la remise du chantier en mars 2017, Antonia Moropoulou, de l’Université polytechnique nationale d’Athènes, avait donné une conférence très documentée sur les travaux réalisés dans le tombeau de Jésus, mais aussi ceux qu’elle estimait nécessaires pour achever de le sécuriser.
Tandis qu’elle expliquait comment elle en avait consolidé l’écrin, elle affirmait que les fondations de l’édicule et la pierre originelle du tombeau pourraient se dégrader en raison du haut niveau d’humidité constaté dans les sous-sols de la basilique.
Sous les dalles, des trous
Plus encore le sol du Saint-Sépulcre se révèle truffé de cavités variées. Par endroits, ces trous – sous le niveau du sol – peuvent atteindre jusqu’à six mètres de profondeur : cavités naturelles dans le rocher de la montagne, citernes ou tunnels creusés dans la roche, poches formées de l’amoncellement des ruines sur lesquelles est construit l’édifice actuel.
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Les sondages réalisés dans les années 1960 l’avaient déjà montré (voir la photo en noir et blanc), comme aussi en 2007 la numérisation au laser et en 3D de l’édifice dans le cadre de l’étude menée par l’université de Florence sur sa résistance sismique. Plus récemment, les radars à pénétration de sol mobilisés lors des derniers travaux ont cartographié, en termes d’espaces pleins et vides, ces réalités invisibles dissimulées sous le dallage.
Les travaux entamés en mars dernier ne sont donc pas d’abord une opération esthétique visant à embellir la basilique, mais une opération de mise en sécurité du tombeau lui-même. Car ces trous sont autant de poches qui se prêtent au ruissèlement ou amoncellement des eaux d’où qu’elles viennent, lesquelles eaux, remontent par capillarité partout où elles trouvent une pierre capable de les véhiculer.
Avant que les travaux ne commencent, les Églises ont dû trouver les termes d’un nouvel accord de principe, avant de les formaliser une fois choisie l’heureuse équipe parmi celles qui avaient répondu à l’appel d’offre. Les travaux sur l’édicule avaient été réalisés par une équipe grecque et c’est à une italienne qu’ont été confiés, en mai 2019, ceux qui consisteront à lever tout le sol de la basilique (1400 m2) à l’exception du Catholicon, le chœur grec-orthodoxe, fouillé et sécurisé dans les années 1970.
Le Centre de conservation et restauration de biens culturels de La Venaria Reale, près de Turin, qui s’est adjoint les compétences archéologiques de l’université de la Sapienza de Rome pour la partie exploratoire, a dû patienter. Ses études ont été suspendues par la pandémie au coronavirus.
Cinquante-mille photos plus tard, pour faire le relevé le plus précis qui soit de chacune des pierres, les travaux ont pu démarrer. Le temps de la pandémie a permis, en Italie, que soient mieux étudiées chacune des dalles. Pour la plupart, elles ont été posées au Moyen-Âge affirme le professeur Giorgio Piras, directeur du Département des Antiquités de la Sapienza. Mais l’histoire mouvementée du site au long du dernier millénaire vaut à certaines d’entre elles d’être en piteux état. Leur remplacement éventuel au cours des âges n’a pas toujours cherché à ménager l’esthétique. Et durant le siècle dernier, c’est avec du ciment qu’on a cru devoir combler les lacunes.
Une occasion en or
Dans la démarche récemment initiée, l’idée est de conserver le plus possible les dalles d’origine. Elles seront nettoyées, restaurées et repositionnées. Mais l’abondance des lacunes exigera de nombreux remplacements. “Nous allons utiliser autant que possible des matériaux similaires à ceux d’origine que nous trouverons en partie dans une carrière près de Bethléem”, précise Sara Abram, secrétaire générale du Centre de restauration.
Puisque tout le sol sera relevé, ce sera l’occasion de remplacer l’ensemble des canalisations et tuyauteries existantes alimentant en eau les communautés qui vivent dans la basilique, censées pour certaines mener l’eau vers l’antique citerne ou charrier des eaux usées.
Un nouveau système performant et étanche sera mis en place. Les Églises ont aussi décidé de profiter des travaux pour renouveler le système électrique qui permet d’éclairer dans et devant le tombeau, comme aussi de câbler le sous-sol en vue d’installer quelques nouvelles facilités pour les retransmissions télévisées notamment.
Chaque décision a fait l’objet de sérieuses discussions entre les Églises, toutes devant les approuver.
La basilique finira par avoir un sol plus beau, plus stable et moins dangereux à fouler. Mais ce ne sont pas les travaux de ce type qui sont le plus passionnant. Ceux qui vont nécessiter une plus grande technicité commenceront quand il faudra trouver comment assainir les points éventuels de rétention de l’eau – encore que d’après Osama Hamdan, architecte représentant de la Custodie de Terre Sainte, le niveau d’humidité serait moins élevé qu’anticipé par l’équipe grecque il y a cinq ans et les fondations de l’édicule plus saines, ce qui devrait faciliter leur mise en sécurité.
Pourtant, ce n’est toujours pas ce qui enthousiasme le plus les chercheurs de La Sapienza. Forts des sondages réalisés dans les années 1960 qui ont mis à jour des pans entiers de l’histoire de l’édifice, c’est la possibilité de conduire des recherches archéologiques tout autour de l’édicule qui excite bien davantage les scientifiques. Non pas que l’on soit à la recherche de preuves de quoi que ce soit, mais sans aucun doute, en découvrant les abords du tombeau, c’est sur l’histoire de la carrière de pierre transformée en cimetière que les archéologues espèrent écrire de nouveaux chapitres. C’est aussi la partie la plus délicate à mener, et devant la circonspection de certaines Églises à laisser parler la science, gageons que cette partie va être la plus réservée. La hauteur des palissades montées autour de la première zone de travaux, aux abords des arches de la Vierge, sont la preuve que les recherches seront menées dans le plus grand secret.
Il va donc probablement falloir patienter. Un peu plus de deux années de chantier sont prévues, par tranches (10 à 12), en vue de déranger le moins possible les liturgies quotidiennes et les visites qui ont repris depuis la réouverture des frontières. Si quelque information devait filtrer, soyez sûrs que Terre Sainte Magazine en rendra compte.
Dernière mise à jour: 20/05/2024 15:57