Aux abords de la basilique de l’Annonciation, les cornemuses l’emportent sur les klaxons que provoque le défilé des scouts sur la route. Le trajet était court depuis l’autre côté de la rue, de la résidence de l’évêque où le père Rafic Nahra logeait déjà. En ce jour, celui qui était depuis l’été 2021 vicaire général pour Israël est ordonné évêque pour ce même territoire du diocèse. Un territoire qu’il connaît déjà bien puisqu’il le sert depuis 2004 comme prêtre Fidei donum.
(Naz-Mab) – L’église est comble, près de 900 personnes, dont une centaine de prêtres, diocésains et religieux, ses amis, des fidèles de la communauté hébraïque et les demandeurs d’asile que le père Rafic a servis depuis une quinzaine d’années, toujours plus activement à mesure que les responsabilités se faisaient officielles.
A l’autel, le Patriarche de Jérusalem des Latins, Mgr Pierbattista Pizzaballa, évêque consécrateur, entourés de deux évêques co-consécrateurs, Mgr William Shomali du diocèse de Jérusalem et Mgr Thibault Verny du diocèse de Paris dans lequel le père Rafic est incardiné.
Un parcours peu banal
Car le nouvel évêque a un parcours peu banal. D’ailleurs, celui qui se tient debout devant le patriarche est entouré à sa droite par le père Rafiq Khoury, un Palestinien, éminent spécialiste du christianisme arabe, et à sa gauche par le père Piotr Zelazko, qui l’a remplacé comme vicaire patriarcal du Vicariat Saint-Jacques. Un Polonais au service de cette communauté d’origine juive parfois, ou venue du monde entier et constituée de personnes qui veulent vivre une communauté de destin avec les frères aînés dans la foi, le peuple juif.
Autour de l’autel, le Nonce apostolique en Israël, les évêques de l’Assemblée des ordinaires catholiques de Terre sainte. On pourrait les appeler les évêques de la conférence épiscopale, mais il a fallu trouver un autre nom pour réunir ces évêques, tous catholiques mais la plupart orientaux, maronite, grec, syriaque, arménien, chaldéen. Également présent, un patriarche émérite, Mgr Michel Sabbah, 89 ans, le premier à avoir accueilli le père Rafic dans le diocèse, des évêques émérites, des chanoines, des supérieurs religieux dont le Custode de Terre Sainte qui accueille ici dans une basilique dont ses frères franciscains ont la garde.
Toute la diversité de cette Eglise catholique de Terre Sainte, locale et universelle, arabe et juive, orientale et latine est là pour Rafic Nahra. Et autour de lui, chacun se sent connu, respecté, aimé et servi depuis des années. Alors tous sont venus pour l’entourer de leur prière et voir advenir ce que personne n’aurait pu un jour imaginer. Un Libanais né en Egypte, baptisé maronite, qui a grandi à Beyrouth, étudié à Paris, est entré dans un séminaire catholique romain, a été ordonné en France par un archevêque juif qui l’a envoyé en Terre Sainte, par amour de la bible, des racines de notre foi, et qui est consacré évêque pour la communauté arabophone catholique latine de l’Etat d’Israël.
Une onction généreuse à partager
Une ordination épiscopale est toujours un événement dans la vie de l’Eglise, mais ici elle n’est vraiment pas banale ! Dans son déroulement, elle ressemble à toutes les autres, à ceci près que c’est un joyeux enchevêtrement des langues : arabe, anglais, hébreu, français et latin.
Après la liturgie de la Parole, toutes les rubriques du rituel ont été rigoureusement respectées : la présentation de l’ordinand, la lecture du Mandat apostolique, l’homélie, la promesse de l’ordinand dans un magnifique dialogue, la litanie des saints. Puis ce fut le tour des gestes liturgiques: l’imposition des mains par tous les évêques présents, la prière sur Rafic alors que deux diacres tenaient l’évangéliaire au-dessus de sa tête dans un geste bien connu en Terre Sainte, car il est posé lors de l’ordination sacerdotal dans les rites orientaux, et vint ensuite l’onction sur la tête du nouvel évêque. Le patriarche prononça les paroles rituelles : « Que Dieu, qui vous a appelé au Grand Sacerdoce du Christ, répande Lui-même sur vous l’huile de l’onction mystique et vous accorde une abondance de bénédictions spirituelles afin de vous rendre fécond. »
Sur grand écran, l’assemblée a pu voir alors une belle onction généreuse où le chrême ruisselait généreusement sur la tête de Mgr Rafic que Mgr Pizzaballa shampouina allégrement ! On aurait cru la consécration d’un autel ! (L’image vaut le détour à 1 heure 31minutes et 30 secondes sur la vidéo.)
Après cette réelle abondance de bénédictions, Mgr Rafic Nahra recevait l’anneau (et la calotte), la mitre, la crosse. Il était alors fin prêt à prendre place assise au rang des évêque, sous les applaudissements de l’assemblée.
La célébration se poursuivit avec l’eucharistie à l’issue de laquelle Mgr Nahra prit la parole pour remercier chaleureusement tous ceux qui l’avait accompagné sur son chemin de vie.
Une mission riche
Le plus enthousiasmant et pas toujours simple reste à faire.
Dans son homélie, le Patriarche a donné quelques clés à celui qui est devenu un de ses « compagnons de vie » comme le dit le mandat épiscopal. Il l’a invité, dans un long et très beau développement, à devenir avant tout un père, présent aux prêtres qui collaboreront avec lui et aussi aux fidèles, et il lui a assigné des priorités : celle de la formation des fidèles dans « la connaissance de leur foi et une identité religieuse solide qui précèdent et construisent une identité sociale et politique solide » ; celle des jeunes qui ne sont pas « intéressés par les discours sur Jésus, les théories religieuses ou les discours abstraits. Ils sont à la recherche d’un témoignage crédible », et enfin la synodalité de son action : « Aide donc cette partie de notre Eglise de Jérusalem, sur laquelle nous comptons tant, à devenir une communauté vraiment grande et belle, partagée, où la communion et le partage deviennent progressivement une réalité visible. »
Mgr Rafic Nahra sait que sa mission n’est pas simple tant la vie de cette communauté minoritaire religieusement est encore marquée et même blessée par son histoire comme son présent géopolitique.
L’abondance de l’onction qu’il a reçue sera nécessaire dans le travail de consolation, réconciliation et formation.
D’ici là, le tout nouvel évêque est invité à partager sa grâce nouvelle avec son binôme dans la nomination épiscopale, le père Jamal Khader Daibes, dont il sera co-consécrateur vendredi prochain 6 mai 2022, à 10h30, en l’église Sainte-Catherine, à côté de la basilique de la Nativité à Bethléem. Un privilège rare que de co-consacrer si tôt dans l’épiscopat. C’était hier une première pour Mgr Verny évêque auxiliaire pour le diocèse de Paris depuis six ans.
Alf Mabrouk Sayedna! Mille félicitations Monseigneur!
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