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Après Daesh, une citadelle en Syrie rouvre aux touristes

Christophe Lafontaine
16 juin 2022
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La citadelle de Jaabar, située sur une presqu'île du lac Assad, dans le nord de la Syrie, redevient depuis peu une destination touristique en Syrie © Eleman / Wikimedia Commons

Dans le nord de la Syrie, la citadelle de Jaabar, datant du XIe siècle et occupée par le groupe jihadiste Etat islamique jusqu’en 2017, a retrouvé sa place dans le patrimoine culturel d’un pays déchiré par la guerre.


Au milieu du désert, elle règne sur les eaux. La citadelle de Jaabar, Qal’at Ja’bar en arabe, dans le nord de la Syrie, accueille de nouveau les touristes. Et ce, trois ans après la guerre civile qui a déchiré le pays.

L’imposant ouvrage islamique du XIe siècle ap. J.-C. est juché sur un plateau calcaire ovale devenu une presqu’île du lac artificiel Assad, formé en 1974 par le barrage de Tabqa sur le fleuve Euphrate. Depuis, ses murs ocres se mirent dans un bleu-vert offrant un cadre féérique tant les couleurs sont intenses.

Lors de sa progression dans le pays (comme en Irak) en 2014, l’Etat Islamique (EI) avait fait de la forteresse un de ses importants bastions, en raison de sa situation géographique stratégique sur les bords de l’Euphrate.

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A 50 km de Raqqa, ville du nord du pays et capitale de son ancien califat islamique auto-proclamé, l’organisation terroriste a utilisé la citadelle pour lancer des attaques, pour surveiller la plus grande prison en Syrie – qu’elle surplombait alors -, et pour former des enfants soldats dans des tranchées que l’EI avait creusées aux abords du château.

Daesh est aussi soupçonné d’avoir creusé des tunnels et des dépôts d’armes à l’intérieur des murs de Qal’at Ja’ba. A l’époque du conflit, les touristes avaient été interdits de visite.

Un havre de paix et de loisirs aujourd’hui

L’EI a ensuite vu son califat autoproclamé être renversé sous le coup d’offensives successives en Syrie et en Irak. En janvier 2017, les Forces démocratiques syriennes (FDS), composées de factions kurdes et arabes soutenues par des avions de combat de la coalition internationale elle-même soutenue par les Etats-Unis, ont repris la forteresse.

L’avancée vers le site culturel a fait suite à de violents affrontements entre l’Etat islamique et les FDS, faisant des victimes des deux côtés, avait déclaré à l’époque l’Observatoire syrien des droits de l’homme.

« Après l’occupation de l’Etat islamique, des groupes de volontaires locaux comprenant à la fois des Arabes et des Kurdes sont intervenus immédiatement pour aider les FDS à enlever les débris laissés par les combats », a rapporté l’AFP.

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Aujourd’hui, le site est redevenu un endroit où les Syriens se retrouvent en famille. De fait, « depuis le début de l’été, le château attire un nombre croissant de visiteurs, la sécurité ayant été renforcée ces dernières années », a fait savoir l’AFP.

« Les promenades en bateau et les pique-niques sur les rives ensablées du lac Assad font de la citadelle l’endroit idéal pour une escapade en pleine nature. La musique et le loisir sont les maîtres de ces lieux, comme un symbole fort pour le retour du calme », s’est plu à décrire Kawa, (Knowing Arabia Watching Arabia), le nouveau média digital et social pour découvrir l’Arabie et le Moyen-Orient.

Une citadelle qui fut un point de résistance aux croisades 

La citadelle est l’un des monuments les plus importants de Syrie. La construction du château remonte à la période seldjoukide (dynastie turco-persanne) au XIe siècle ap. J.-C., bien que le lieu ait sans doute été occupé, habité et fortifié dès le VIIe siècle ap. J.-C.

Au cours de la Ière croisade (1095-1099), l’ancienne forteresse seldjoukide fut brièvement incorporée au comté d’Edesse, l’un des premiers Etats latins d’Orient, avant de passer aux mains des Zenguides, dynastie turque, au milieu du XIIe siècle.

Les ruines encore debout datent de la reconstruction de la citadelle à partir de 1168 par l’un d’entre eux, l’émir d’Aelp Nur ad-Din (1118-1174), qui en avait fait un point de résistance aux croisades et plus particulièrement face à la deuxième (1146-1149). Puis, les invasions mongoles dans la deuxième moitié du XIIIe siècle ont fortement endommagé les lieux. Des travaux de restauration ont été effectués au XIVe siècle sous la domination des Mamelouks.

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La citadelle qui rappelle beaucoup celle d’Alep s’étend sur 320 mètres de long sur 170 mètres de large. Elle se compose de deux lignes de remparts, jalonnées de 35 tours et bastions polygonaux, rectangulaires ou semi-circulaires. Qal’at Ja’bar est relié au continent par un remblai étroit artificiel.

L’ensemble qui est partiellement entouré de douves sèches et dont les parties hautes du château sont construites en briques cuites, compte 35 ponts, une mosquée et abritait avant la guerre un musée qui a été saccagé et pillé. On pénètre dans le château par un tunnel creusé au cœur de la roche.

L’entrée des parties intérieures de la citadelle se compose d’une guérite et d’une rampe sinueuse taillée dans la roche. À l’intérieur du château se trouvent les vestiges d’une salle voûtée, ainsi que d’un minaret qui porte le nom de Nur ad-Din, et qui est la partie la plus élevée du château.

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