Déplacés au jardin de Gethsémani en 1969, les restes de 5 colonnes et de 2 chapiteaux qui soutenaient autrefois la rotonde du Saint-Sépulcre sont rapatriés un à un en vieille ville depuis le 9 juin, en vue d’être installés dans une des salles de la section archéologique du Terra Sancta Museum, au couvent franciscain de la Flagellation.
Une opération titanesque puisque les vestiges, probablement romains, pèsent en moyenne 3 tonnes et que leur fragilité nécessite une délicatesse toute particulière.
Mais que faisaient ces morceaux du Saint-Sépulcre à Gethsémani ? Retour sur leur histoire, avec un article d’Oliver Renard, extrait du site du Terra Santa Museum.
L’histoire commence en 1969 alors qu’un grand chantier de restauration est lancé à l’intérieur de l’Anatasis de la basilique du Saint-Sépulcre à Jérusalem. En parallèle de la coupole, les travaux visent aussi à refaire la colonnade entourant le sépulcre du Christ. Cette dernière avait, en effet, été remplacée par un mur sous le mandat britannique suite aux incendies du XIXe siècle qui avaient grandement fragilisé l’ensemble.
À l’intérieur du mur, deux vestiges sont découverts, dans la partie appartenant aux franciscains de Terre Sainte. D’une part, deux colonnes monumentales à chapiteaux corinthiens, faisant partie de la rotonde (« complexe A »).
D’autre part, une paire de colonnes d’angle en forme de cœur, également à chapiteaux corinthiens. Ces dernières reposaient sur un bloc cylindrique en marbre et étaient coiffées d’un second chapiteau trapézoïdale servant d’imposte. Ce deuxième ensemble (« complexe B ») supporte l’arche d’entrée du Catholicon.
Très endommagées, ces pièces ont été évacuées de l’église. D’abord entreposées sur l’esplanade d’entrée de la basilique, elles sont finalement déplacées dans l’ermitage du sanctuaire de Gethsémani.
Des colonnes romaines ?
La datation et l’origine de l’ensemble restent encore incertains. Cependant, on note une certaine similarité parmi les pièces, hormis la paire de chapiteaux servant d’imposte. Selon le frère Virgilio Corbo, archéologue du Studium Biblicum Franciscanum, ces vestiges auraient été placés à l’époque de la reconstruction du Saint-Sépulcre par l’empereur Constantin Monomaque, au XIesiècle.
Une des hypothèses concernant les deux colonnes du complexe A attribue ces dernières au règne d’Hadrien (117-138). En effet, l’empereur ordonna pendant son règne la reconstruction de Jérusalem et l’érection d’un temple en lieu et place du tombeau du Christ.
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Suite à la reconstruction de l’église au XIe siècle, les colonnes de ce temple auraient été réutilisées pour construire une rotonde entourant le Sépulcre. Toutefois, on les aurait coupées en deux : on observe effectivement qu’elles pourraient se superposer pour ne former qu’une pièce (fig. 9), l’une étant plus large que l’autre et présentant un relief marquant sa base.
Néanmoins, cette hypothèse a récemment été nuancée par une équipe d’archéologues florentins qui explique que, selon les canons esthétiques de l’ordre architectural corinthien, il manquerait un tiers de la hauteur de la colonne originale.
Et l’histoire se complique davantage si l’on se souvient que nombre de constructions du règne d’Hadrien réemployaient des pierres de l’époque Hérodienne (Ier siècle av. J-C – Ier siècle ap. J-C). Frère Eugenio Alliata, archéologue et directeur de la section archéologique du TSM, commente :
« Toute l’histoire de Jérusalem, toute la souffrance de cette ville et de ses destructions est contenue dans ces colonnes. »
Le débat quant à leur origine est donc toujours ouvert.
Un même mystère entoure le complexe B supportant l’arche d’entrée du Catholicon, à l’exception peut-être des chapiteaux trapézoïdaux. En effet, plusieurs monogrammes au nom de l’empereur byzantin Maurice (582-602) et de sa famille offrent un indice important. Aucune intervention de cet empereur n’est connue pour le Saint-Sépulcre.
Modèles pour la reconstruction contemporaine
En revanche, les archives de l’Église géorgienne mentionnent la dédicace, par ce même empereur, d’une église dans l’entourage du tombeau de la Vierge à Gethsémani, aujourd’hui détruite depuis longtemps. L’hypothèse d’une réutilisation au XIe siècle semble donc bien probable.
Quoi qu’il en soit, ce sont bien ces vestiges qui ont servi de modèle à la reconstruction contemporaine de la colonnade entourant le tombeau du Christ (toujours en place de nos jours).
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Si elle offre l’avantage d’une unité stylistique pour l’Anastasis, il n’en demeure pas moins que cette reconstruction ne se base que sur ces quelques exemplaires retrouvés, sans certitude que le reste de la colonnade était aménagé avec les mêmes colonnes.
Il faut aussi préciser que les deux gros chapiteaux du complexe A étaient bien trop endommagés à leur découverte pour permettre une reconstruction : ce sont donc des chapiteaux différents, provenant de l’église de Kursi en Galilée, qui ont servi de modèle.
Des pièces maîtresses pour la future salle du « Saint-Sépulcre »
La section archéologique du Terra Sancta Museum prévoit un étage consacré aux différents sanctuaires gardés par les franciscains. La basilique du Saint-Sépulcre disposera naturellement d’une salle qui lui sera dédiée et qui accueillera ces vestiges. Mais au regard des dimensions impressionnantes de ces derniers et surtout de leur poids, leur déplacement jusqu’au sanctuaire de la Flagellation constitue un défi d’envergure qui a nécessité un travail en amont.
Il a d’abord fallu dégager leur base des terrasses sur lesquelles ils reposent, pour prendre toute la mesure de leur dimension et effectuer un scan en 3D. Ensuite, un nettoyage a été nécessaire afin de les débarrasser des organismes, végétaux notamment, s’étant développés à leur surface.
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Mais l’opération la plus importante se trouve sans doute dans l’identification des fissures s’étant progressivement développées dans la pierre. En effet, au fil des siècles, vibrations, incendies et intempéries ont endommagé ces vestiges et leurs conséquences ne sont pas toujours visibles ou mesurables à leur surface. Connaître ces fissures c’est pouvoir intervenir en amont du transport et de l’installation de ces pièces, de manière à diminuer au maximum le risque que l’opération ne les fragmente davantage.
La dernière opération préparatoire de cette visite fut le prélèvement d’un extrait de la couche pigmentaire qui persiste à la surface d’une des colonnes du complexe B. N’étant pas liée directement à leur conservation, cette opération a pour but d’analyser de ces pigments en laboratoire afin d’obtenir une datation plus précise de l’ouvrage et, peut-être, la confirmation qu’il fut bien réalisé il y a mille ans.