L’Autorité israélienne des antiquités (AAI) a annoncé le 22 juin avoir mis au jour les vestiges d’une des plus anciennes mosquées rurales au monde. Datée du VIIe ou du VIIIe siècle ap. J.-C., c’est-à-dire des premiers siècles de l’islam, la mosquée a été découverte lors de fouilles, en amont de la construction de nouveaux quartiers à Rahat. Une ville bédouine dans le désert du Néguev, à une vingtaine de kilomètres au nord de Beer Sheva, dans le sud d’Israël.
Classiquement, la mosquée comprend une pièce carrée et un mur orienté vers la direction de La Mecque (qibla), la ville sainte de l’Islam. Une niche en forme semi-circulaire – mihrab – est située au centre dudit mur. Le communiqué de l’AAI précise que la salle de prière pouvait probablement accueillir jusqu’à plusieurs dizaines de fidèles.
De petite taille, la mosquée récemment découverte est située à environ deux kilomètres d’une autre petite mosquée rurale de 6m² datant de la même période et qui avait fait l’objet de fouilles en 2019.
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« Nous ne pouvons pas dire si les deux mosquées ont fonctionné en même temps – mais il n’y a aucune raison de penser que ce n’était pas le cas », a déclaré à Haaretz, l’archéologue Elena Kogan-Zehavi, codirectrice des fouilles de l’AAI qui souligne que l’ancienne Rahat n’était probablement pas entièrement musulmane puisque les mosquées se trouvaient en périphérie de la ville.
Des détails sur le passage du christianisme à l’islam en Terre Sainte
La religion musulmane est née au nord de la péninsule arabique aux alentours de 610 ap. J.-C. Et si l’avènement de l’islam en Terre Sainte a eu lieu en 636, il n’est devenu religion majoritaire qu’au IXe siècle.
Les deux mosquées rurales fournissent donc « des détails graphiques de la transition progressive du christianisme à l’islam qui a eu lieu du VIIe au IXe siècles ap. J-C. », indique le communiqué de l’AAI. En parallèle, les experts font remarquer que « l’islam est arrivé très, très tôt dans le nord du Néguev et qu’il a commencé à vivre aux côtés des implantations chrétiennes », a précisé Elena Kogan-Zehavi dans les colonnes du Times of Israel.
De grandes mosquées datent de cette époque précoce de l’islam, à Jérusalem, à La Mecque, et dans les grands centres urbains d’Orient. Mais il est bien plus rare d’en trouver dans les zones rurales. Ce qui prouve à quelle vitesse la nouvelle religion s’est propagée dans la région : des villes jusqu’aux campagnes.
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De fait, l’ensemble des fouilles à Rahat ont révélé d’autres bâtiments qui présentaient des caractéristiques chrétiennes et islamiques précoces, à proximité les uns des autres. « Les preuves indiquent dans l’ensemble que les relations étaient décentes – (…) – il n’y a aucun signe d’agression dans les archives archéologiques », a souligné Elena Kogan-Zehavi à Haaretz.
Et d’ajouter : « Nous savons qu’à proximité il y avait un monastère qui a fonctionné jusqu’au VIIe siècle, et qui a été abandonné. Il n’y a aucun signe de violence là-bas non plus, et il semble avoir continué à fonctionner sous le régime islamique ».
Des méthodes de construction différentes
Parmi les vestiges remis à la lumière à Rahat, les archéologues ont découvert un bâtiment luxueux à 400 mètres de la mosquée récemment mise au jour. D’une superficie d’environ 30 m², il « a apparemment appartenu à de riches chrétiens byzantins », rapporte Haaretz. Les objets et la décoration témoignent assurément de la richesse de ses habitants.
Le bâtiment construit autour d’une cour centrale se compose de salles au pavement de pierre, voire de marbre. Les murs sont décorés de fresques peintes en rouge et jaune, et des restes de vaisselle fine et d’objets en verre, certains décorés de dessins de plantes et d’animaux, ont été retrouvés dans le bâtiment.
Les fouilleurs ont aussi excavé les restes d’une exploitation agricole de la période byzantine « qui abritait apparemment des fermiers chrétiens et comprenait une tour fortifiée et des pièces aux murs solides entourant une cour ».
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Au sommet d’une colline voisine, ils ont trouvé « des domaines construits d’une manière complètement différente ». Ces bâtiments ont été construits une centaine d’années plus tard, entre la fin du VIIe et le IXe siècle, soit à la période islamique précoce.
Il convient de noter que ces bâtiments ont probablement été construits par des musulmans, suggèrent les archéologues, puisque la petite mosquée rurale découverte dans les environs en 2019 peut être vue comme la preuve de l’identité des habitants locaux.
Ces bâtiments présentent des pièces en alignement à côté de grandes cours ouvertes. Leurs murs apparaissent comme « relativement minces » d’après les archéologues qui estiment qu’ « ils soutenaient apparemment des murs en briques de boue qui n’ont pas survécu ».
Intégration à l’époque moderne
Au regard de ces conceptions architecturales différentes, le Times of Israël rapporte les propos d’Elena Kogan-Zehavi qui y voit « une image très intéressante » du passage – dans le pays – « d’une implantation humaine dominée à l’époque par la chrétienté byzantine – avec notamment des monastères et de grands bâtiments – vers l’implantation d’un peuple semi-nomade présentant une tradition différente de construction, avec des structures moins permanentes ».
La mosquée selon Elena Kogan-Zehavi encore citée dans les colonnes du Times of Israel, semble avoir été la dernière structure construite dans la zone. Sa construction soulève de nombreuses questions, selon l’archéologue : est-ce la communauté chrétienne qui est devenue musulmane ou bien la zone a-t-elle été repeuplée par des marchands semi-nomades qui ont apporté la nouvelle religion depuis la péninsule arabique ? « Probablement un peu des deux », répond Elena Kogan-Zehavi.
Quoi qu’il en soit, les différents sites de cette zone ont fonctionné de manière continue de l’époque byzantine jusqu’au début de l’islam, puis ont tous été abandonnés au IXe siècle, après 150 à 200 ans. « La cause n’était pas les maraudeurs ou la guerre, et probablement même pas une peste passagère, car les signes montrent tous que les gens sont partis de manière tranquille et ordonnée », a noté Elena Kogan-Zehavi pour Haaretz.
Le site archéologique et ses découvertes seront intégrés dans le développement de la ville, a déclaré le directeur de l’AAI, Eli Eskozido. L’AFP a même fait savoir que les mosquées mises au jour à Rahat seront préservées à leur emplacement actuel, que ce soit en tant que monuments historiques ou en tant que lieux de prière actifs.