La décision du 8 juin émanant de la Cour suprême israélienne d’autoriser l’acquisition de bâtiments de l’Eglise grecque-orthodoxe dans la Vieille Ville de Jérusalem, par Ateret Cohanim, une organisation ultra-nationaliste juive, n’a pas été du goût de la Russie.
Dans un communiqué daté du 16 juin, la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères a en effet déclaré que la Russie était « profondément préoccupée » concernant la « présence chrétienne » sur place et a dénoncé les conséquences néfastes de cette décision sur la « paix interconfessionnelle ». Maria Zakharova a également fait savoir que son pays était déterminé à tout mettre en œuvre dans le but de garantir une place aux chrétiens au Proche-Orient, ainsi que leurs droits et libertés.
A ce titre, « nous avons l’intention de continuer à soutenir l’Eglise orthodoxe de Jérusalem, qui joue un rôle crucial pour assurer la paix sociale et religieuse », a-t-elle encore affirmé.
Biens contestés et profanations
Avant Moscou, le Bureau du représentant de l’Union européenne en Cisjordanie et dans la bande de Gaza a déclaré que la prise de contrôle par des colons israéliens de biens chrétiens à Jérusalem mettait en péril le patrimoine et les traditions de la communauté chrétienne locale.
Pour rappel, le 8 juin, la plus haute instance de la justice israélienne a rejeté le recours formulé par l’Eglise grecque-orthodoxe qui, affirmant que ses propriétés avaient été acquises illégalement et sans son autorisation, avait brandi de nouveaux documents pour contester la vente de bâtiments à l’association de colons israéliens Ateret Cohanim.
Cette dernière vise à augmenter la présence juive dans la partie orientale de Jérusalem, occupée et annexée par l’Etat hébreu. Pour ce faire, elle rachète des logements via des sociétés écran.
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L’affaire a commencé en 2004 quand Ateret Cohanim dans le cadre d’un accord controversé conclu en secret, avait acquis les droits à des baux emphytéotiques sur trois bâtiments de l’Eglise grecque-orthodoxe, dont l’hôtel Petra et l’Imperial Hotel dans le quartier chrétien de la Vieille ville près de la porte de Jaffa, ainsi qu’un immeuble résidentiel situé dans le quartier musulman, tous occupés par des Palestiniens.
Maria Zakharova pour qui ce n’est pas « coïncidence », a par ailleurs condamné la « profanation » le 6 juin par « une cinquantaine d’Israéliens violents » d’une chapelle située sur le mont Sion appartenant à l’Eglise grecque-orthodoxe.
Elle y voit « un défi ouvert, une preuve flagrante de la volonté des forces religieuses radicales de lancer un assaut contre les orthodoxes en Terre Sainte » et demande à Israël « une enquête objective » et de « punir les responsables ».
Les relations russo-israéliennes se tendent
De telles déclarations interviennent alors qu’Israël tient une position d’équilibriste de plus en plus difficile à tenir après l’invasion russe en Ukraine fin février et la guerre qui s’en est suivie et qui est toujours en cours. Israël n’a ni officiellement soutenu la Russie et participé aux sanctions contre elle, son alliée dont l’armée est présente en Syrie, ni contribué à l’armement de l’Ukraine, pays ami.
Mais il est clair que Moscou attendait plus de la part d’Israël et qu’à mesure que le conflit dure, les relations sont de plus en plus tendues. Israël est devenu progressivement plus critique à l’égard de la Russie face aux exactions russes et à la rhétorique antisémite du ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, notamment.
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Les tensions se sont répercutées jusqu’à Jérusalem. En avril, la Russie a demandé à Israël de céder la propriété de l’église contestée Alexandre Nevsky à Jérusalem après que le transfert – approuvé par le précédent gouvernement israélien – a été interrompu.
Par ailleurs, Moscou est très remonté depuis qu’Israël va permettre à l’Europe de desserrer l’étau gazier russe. L’Union européenne veut en effet « renforcer » sa coopération énergétique avec l’Etat hébreu en réponse au « chantage » de la Russie qui a coupé ses livraisons de gaz à des pays européens, a affirmé le 14 juin en Israël la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen.
« Nous explorons actuellement des voies pour renforcer notre coopération énergétique avec Israël », a-t-elle expliqué, citant un projet de câble électrique sous-marin reliant l’Etat hébreu, Chypre et la Grèce et un pipeline en Méditerranée orientale.
Joe Biden au Moyen-Orient, une visite attendue par les Eglises
L’actualité chrétienne s’impose à un autre grand de la planète. Du 13 au 16 juillet, le président américain effectuera un voyage au Moyen-Orient. Joe Biden doit en effet se rendre en Israël, en Palestine et en Arabie Saoudite. Au vu de l’actualité pour les chrétiens de Terre Sainte – atteintes à la coexistence, menaces sur le statu quo à Jérusalem, empiètements, intimidations, profanations –, des hauts représentants des Eglises sur place ont exprimé leurs attentes dans le journal jordanien Ad-Dustour dont l’agence Fides s’est fait l’écho.
« L’impact de ces stratégies d’intimidation », a espéré le Patriarche grec-orthodoxe, « pourrait au moins être atténué si les nations du monde, et en particulier les Etats-Unis, démontraient concrètement leur distanciation vis-à-vis des organisations extrémistes israéliennes ».
Et Theophilos III d’ajouter : « Nous espérons que la visite du président Biden encouragera la recherche de solutions aux urgences auxquelles sont confrontés les Palestiniens, les chrétiens et les musulmans, y compris les violations contre les églises et les monastères perpétrées par des groupes extrémistes, dans le silence des autorités officielles israéliennes ».
Le Patriarche estimant de surcroît que le roi Abdallah II ne peut pas être laissé seul dans « son engagement à éviter toute altération par des moyens politiques et militaires des facteurs et des coutumes qui déterminent la délicate coexistence multiethnique et multireligieuse dans la Ville Sainte ».
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L’Archevêque Yasser Ayyash, vicaire patriarcal de l’Eglise grecque catholique melkite pour Jérusalem, a quant à lui dit « espérer que le président Biden inscrive à l’ordre du jour de sa visite en Israël la question des intimidations perpétrées par des groupes extrémistes contre les institutions et les réalités chrétiennes en Terre Sainte », a rapporté Fides.
Hosam Naoum, Archevêque de l’Eglise anglicane de Jérusalem, de Jordanie et du Moyen-Orient, qui a souligné qu’il attendait avec impatience la visite du président américain Joe Biden a quant à lui rappelé que le Conseil des Patriarches et chefs d’Eglises de Jérusalem s’efforçait depuis des années de sensibiliser la communauté internationale aux pièges qui mettent en danger la présence chrétienne à Jérusalem et dans toute la Terre Sainte.