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Dima Kalak : « Les problèmes du quotidien éloignent les gens de l’Église »

Cécile Lemoine
15 juillet 2022
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© Cécile Lemoine/TSM

Directrice du Département social du patriarcat latin de Jérusalem, cette catholique latine de 43 ans estime qu’il est du devoir de l’Église de renouer le dialogue avec ceux qui sont le plus à la marge économiquement et socialement.


Vous sentez-vous proche de l’Église ?

Je ne suis pas seulement membre du personnel de l’Église catholique, je suis aussi croyante. Pour moi, faire partie de l’Église, c’est croire, participer et guider spirituellement mes enfants. Je les encourage à prier, je les accompagne à la messe, car il est important pour moi de nourrir leur foi. De la même manière que nous avons besoin d’être nourris pour grandir physiquement, nous avons besoin d’être proches de Dieu pour grandir spirituellement.

Pourquoi cet engagement est-il important pour vous ?

Mon travail en tant que directrice du Département social du patriarcat latin ne consiste pas seulement à fournir des services sociaux aux personnes dans le besoin et marginalisées. J’essaie de les rapprocher de l’aspect spirituel de leur vie. Si vous mettez Jésus au cœur de votre vie, beaucoup de choses peuvent être résolues facilement.

Quels sont les principaux défis auxquels ces personnes sont confrontées ?

Ce sont généralement des veuves ou des mères de famille nombreuse. La plupart d’entre elles ne travaillent pas et, si c’est le cas, elles occupent en général des emplois à temps partiel, car elles doivent s’occuper de la maison et de leurs enfants. À Jérusalem-Est les gens ont surtout des problèmes d’argent. Le salaire minimum est d’environ 5 300 shekels (1 450 €), mais le loyer moyen à Jérusalem n’est pas inférieur à 4 000 shekels (1 100 €). Cela signifie que plus de 70 % de leur salaire est consacré au paiement du loyer. L’autre problème est le prix de la nourriture. Tout est très cher en Israël. Les écoles chrétiennes, privées, sont aussi très chères. Certaines coûtent jusqu’à 10 000 shekels (2 700 €) par enfant chaque année. À un moment, les gens ne sont plus en mesure de couvrir leurs dépenses quotidiennes. Cela crée une énorme frustration et nous essayons de les aider à y faire face. Les problèmes de la vie quotidienne les éloignent de Dieu. Certains ont perdu la foi. Nous essayons de les faire revenir vers l’Église. Nous devons écouter leur voix, leur douleur. Ces personnes sont une partie importante de notre communauté.

Certains pensent parfois que l’Église doit répondre à tous leurs problèmes. Nous essayons de les responsabiliser. S’ils en ont besoin, nous sommes là, en tant qu’institution ecclésiastique, pour leur donner des clés, des conseils, mais pas pour résoudre tous leurs problèmes.

Le soutien est-il également financier ?

À Jérusalem-Est, en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, le patriarcat latin soutient environ 540 familles par le biais d’aides sociales telles que des bourses scolaires, une aide médicale pour les hôpitaux privés de Cisjordanie, une aide sociale pour les loyers, les factures d’électricité… Après la crise de Covid-19, la situation économique de nombreuses familles s’est détériorée. Beaucoup de personnes ont perdu leur emploi et donc leur principale source de revenus pour élever leurs enfants dignement. Certains pensent parfois que l’Église doit répondre à tous leurs problèmes. Nous essayons de les responsabiliser. S’ils en ont besoin, nous sommes là, en tant qu’institution ecclésiastique, pour leur donner des clés, des conseils, mais pas pour résoudre tous leurs problèmes. Ce sont leurs familles, leurs enfants : leur responsabilité, pas la nôtre. Par exemple, nous animons 3 groupes de 15 femmes. Nous pensons que si elles sont fortes, cette bonne énergie se répercutera sur leur famille. Nous leur disons : “Vous êtes le centre de votre foyer”.

Y a-t-il des choses qui vous dérangent dans la façon dont l’Église fonctionne aujourd’hui ?

L’Église n’est pas parfaite. Il y a et il y aura toujours des défis. Aujourd’hui malheureusement, il existe un fossé entre les dirigeants de l’Église et les fidèles. Je ne pense pas que ce soit seulement la faute de l’Église. Parfois c’est aussi à cause de personnes qui perdent la foi pour des raisons personnelles, de mauvaises relations avec leur prêtre. Nous devons travailler sur la formation des prêtres. Ils sont bien éduqués et formés en théologie. Mais je pense qu’ils ont besoin d’autres compétences pour faire vivre une communauté, pour être proches des personnes en difficulté.

Les chefs religieux comprennent-ils les besoins de la population ?

Je ne veux pas les blâmer tout le temps, ils ont aussi leurs propres problèmes. Je peux dire, grâce à mes 20 ans d’expérience avec les familles dans le besoin, que les parents sont également responsables de la manière dont ils éduquent leurs enfants. C’est leur rôle de planter les graines de la foi chez eux, de les encourager à participer aux activités ecclésiales… Le problème est que, lorsque les gens s’éloignent de l’Église, le fossé devient trop grand pour les enfants. Sur le long terme, cela impacte négativement la présence des chrétiens en Terre Sainte. Une grande partie de la génération qui vient a perdu la foi.

Avez-vous un rêve pour l’Église ?

Une partie de ce rêve est de faire revenir dans l’Église ces personnes qui s’en sont éloignées. Il faut travailler avec elles : elles ont un rôle important à jouer. Pourquoi sont-elles parties ? Les écouter peut nous aider à comprendre ce que nous avons fait de mal.t

 

Dernière mise à jour: 01/05/2024 13:30

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