La saison de fouilles 2022 aura été encore plus fructueuse que celle de 2021, dont nous vous relations les trouvailles dans le numéro 679 de Terre Sainte Magazine. « Il va y avoir un petit tremblement de terre dans le monde chrétien« , annonçait Steven Notley, directeur académique des fouilles, dans un post de blog plein de suspense daté du 8 août, dernier jour de la sixième campagne de fouilles sur le site d’el-Araj, situé au bord du lac de Tibériade.
Quelques jours plus tard, le 10 août, le communiqué tombe. Une grande inscription grecque a été mise au jour dans la basilique byzantine, que les archéologues du Kinneret College, en charge des fouilles du site d’El-Araj depuis 2014, appellent « l’église des Apôtres ».
Conformément à la tradition byzantine des mosaïques dédicatoires, l’inscription commence en nommant le donateur, un certain « Constantin, le serviteur du Christ », avant de poursuivre vers la partie intéressante : une demande d’intercession au « chef et commandant des apôtres célestes ». Un titre « couramment utilisé par les chrétiens byzantins pour désigner l’apôtre Pierre« , éclaire le communiqué.
Maison de Pierre et André
Encadrée par un médaillon rond composé de deux lignes de tesselles noires, l’inscription fait partie d’un sol en mosaïque plus vaste situé dans le diaconion (sacristie) de l’église et partiellement décoré de motifs floraux. « Cette découverte est notre meilleur indicateur pour dire que Pierre était associé de manière particulière à la basilique, et qu’elle lui était probablement dédiée », explique Steven Notley, également professeur d’études bibliques.
Selon les hypothèses des archéologues, l’église pourrait recouvrir les restes de la maison de Pierre et André, disciples de Jésus originaires de Bethsaïde, ville mentionnée dans la Bible, dont on a depuis perdu la trace. « La tradition chrétienne byzantine identifie régulièrement la maison de Pierre à Bethsaïde, et non à Capharnaüm comme on le pense souvent aujourd’hui », précice Steven Notley.
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A l’époque du Christ (Ier siècle), Bethsaïde n’est qu’un petit port de pêche sans prétention. Elle acquiert le statut de polis par la main de Philippe le Tétrarque, gouverneur de la région en 30 ap. J.-C. L’historiographe Josèphe Flavius raconte que la ville est à cette occasion rebaptisée “Julias”, en l’honneur de la fille de l’empereur Romain (Antiquités juives 18:28). Les Évangiles relatent qu’en plus d’avoir vu naître plusieurs des disciples, Bethsaïde assiste au miracle de la guérison de l’aveugle, avant d’être condamnée par Jésus pour son manque de foi.
C’est un certain Willibald, évêque bavarois en pèlerinage en Terre sainte en 725 ap. J.-C. qui mentionne le premier l’existence d’une église sur le site. Alors qu’il voyageait de Capharnaüm à Kursi, il a passé la nuit dans un endroit dont on lui a dit qu’il s’agissait de Bethsaïda, d’où venaient Pierre et André. « Il y a maintenant une église là où se trouvait auparavant leur maison« , dit son récit de voyage, connu sous le nom de Hodoeporicon. Pour Steven Notley, la découverte de la grande inscription grecque « fournit une confirmation écrite que notre basilique est l’église visitée par l’évêque Willibald en 725 ap. J.-C. »
Deux site concurrents
La ville serait tombée dans l’oubli après sa destruction lors du tremblement de terre de 749, et l’arrivée de l’Islam dans la région. Depuis le XXe siècle, la compétition est acharnée pour la retrouver. Trois sites clament, à ce jour, être Bethsaïde : Messadiye, Et-Tell et el-Araj. Si le premier est le candidat le moins probable, faute de découvertes suffisantes, le second est fouillé depuis plus de 30 ans et possédait jusqu’en 2017 le titre de favori.
C’est à cette date, et après seulement trois ans de fouilles, que l’outsider el-Araj a fait une percée avec la mise au jour d’un bain public datant de l’époque romaine. « D’autres vestiges significatifs de cette période ont été trouvés cette année« , précise Mordechai Aviam, directeur des fouilles. Ces découvertes étayent les écrits de Flavius Josèphe : « Il est certain qu’à l’époque byzantine, on identifiait ce site comme étant Bethsaïde », appuie l’archéologue.
Dans l’ensemble, ces découvertes continuent de renforcer l’identification d’el-Araj avec l’ancienne Bethsaïde, sans pour autant constituer des preuves affirmatives quant à la localisation exacte de la maison de Pierre et André. Les fouilles reprendront en octobre, lorsque le nettoyage de l’ensemble de l’église sera terminé. Objectif : trouver cette fois une inscription dédiée à André.
Pour en savoir plus sur El-Araj et la ville perdue de Bethsaïde, rendez-vous dans le numéro 679 de Terre Sainte Magazine (mai-juin 2022), dédié aux « Rencontres archéologiques »