Midi. Posé à quelques pas de l’échangeur autoroutier qui dessert le sud de Tel-Aviv, le centre Beit Eliyahu, qui fournit paniers repas et biens de première nécessité aux plus démunis, accueilles ses derniers bénéficiaires. Des retraités. Avec les Arabes israéliens et les juifs ultra-orthodoxes, ils sont les communautés les plus précaires en Israël. L’établissement, fondé il y a 30 ans par Eliyahu, un juif orthodoxe, soutient plus de 800 personnes au quotidien. “Elles étaient 400 avant la pandémie”, glisse Anat, la fille du fondateur, qui tient aujourd’hui les rênes du centre.
Après la crise du Covid-19, une inflation était attendue, en réaction à une politique de relance massive et une reprise économique subite. Mais la guerre en Ukraine, les aléas climatiques, les épidémies animales et la spéculation ont considérablement aggravé la situation. En Israël, le taux d’inflation s’élevait à 5,2% en juillet, le plus élevé en 14 ans, selon les chiffres du Bureau central des statistiques. La hausse des prix à la consommation combinée à celle des taux d’intérêts, ne font qu’accentuer un coût de la vie parmi les plus élevés du monde : en 2020 Israël se plaçait au second rang en la matière au sein de l’OCDE, derrière la Suisse. À Tel Aviv, le prix moyen d’un appartement est désormais supérieur à 4 millions de shekels (1,2 million d’euros).
Et les remontées de terrain sont claires : ceux qui subissent l’augmentation du coût de la vie sont les plus défavorisés, et la classe moyenne : “Elle a rétréci, passant de 58% à 48% de la société, détaille Gilles Darmon, fondateur franco-israélien de Latet. Concrètement cela veut dire que des gens qui n’expérimentaient pas forcément la pauvreté ont glissé vers celle-ci. » En 2021, 27,6% de la population israélienne vivait sous le seuil de pauvreté (3 700 shekels ou 938 euros par mois), selon le rapport alternatif annuel publié par l’association Latet. Soit un Israélien sur quatre.
Pas un problème nouveau
La vie chère n’est pas un problème nouveau, mais il influence rarement les élections dans un pays où l’inquiétude numéro un est d’ordre sécuritaire. Pourtant, alors que le pays retourne aux urnes le 1er novembre, pour la 5ème fois en quatre ans, le sujet se fait sa place dans le débat : 44% des israéliens interrogés fin juillet par l’Institut israélien de la démocratie (IDI) estiment que le programme économique des candidats et l’augmentation du coût de la vie influencera leur vote. Une première. La sécurité arrive loin derrière, à 23 %, et la troisième place est occupée par un autre problème lié au prix, le coût du logement.
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« Il y a de la place pour parler des problèmes économique parce que la situation sécuritaire est relativement sous contrôle« , explique Tamar Hermann, professeure à l’IDI, en soulignant que les priorités des électeurs sont volatiles. Fin observateur de l’opinion publique, Benjamin Netanyahou, le chef de l’opposition candidat aux législatives, n’a pas hésité à troquer sa casquette de M. Sécurité pour celle de M. Economie, en annonçant un « plan d’urgence » dans une vidéo publiée le 4 août, et que s’il était élu, il réduirait les prix de l’électricité, du gaz et de l’eau, et gèlerait le taux des taxes municipales.
Populisme
« Ce sont promesses populistes, pour rassurer les électeurs. En 12 ans de règne, Benyamin Netanyahou n’en a quasiment tenue aucune pour régler le problème« , juge l’économiste Jacques Bendelac. Un paradoxe que s’est empressé de pointer du doigt Yaïr Lapid, aux manettes du gouvernement depuis 2 mois et qui devra défendre son bilan aux élections de novembre.
Après deux décennies de croissance économique pratiquement ininterrompue, les Israéliens tiennent pour acquis le faible taux de chômage, la hausse des salaires, la stabilité des prix et l’argent bon marché. Des curseurs sur lesquels les Israéliens seront exigeants, d’autant que Benyamin Netanyahou a promis de marteler le gouvernement actuel avec la question du coût de la vie.
« Si une minorité d’électeurs était influencée par les questions économiques, elle pourrait décider de l’issue de l’élection », avance l’éditorialiste économique de Haaretz, David Rosenberg en pointant la nécessité pour les principaux partis de dépasser le stade des généralités dans leur programme économique, ainsi que le débat « pour ou contre Netanyahou ». Mais, estime Tamar Hermann, de l’IDI, « les Israéliens ne se prêteront pas à une analyse des programmes » et ce qui influencera le résultat de l’élection, c’est « leur identité, et le sentiment d’appartenance à un parti ou à son chef« .