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Que s’est-il passé à Gaza ?

Cécile Lemoine
8 août 2022
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Une fillette regarde les dégâts causés à sa maison à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 8 août 2022. ©Attia Muhammed/Flash90

Retour sur les causes d'une attaque éclair, qui a pris fin dimanche 7 août à 23h30 après 3 jours d'hostilités entre Israël et le Jihad Islamique, au détriment de la population de Gaza.


« J’étais en train de m’entraîner à l’oud (une guitare palestinienne), quand j’ai soudain entendu plusieurs explosions. Des bombes israéliennes viennent de toucher un appartement en plein centre ville de Gaza« , raconte Yara Eid, une jeune militante des droits de l’homme qui vit à Gaza, sur le réseau social Instagram. Nous sommes vendredi 5 août dans l’après-midi et Israël vient d’annoncer le début de l’opération « Aurore », contre le Jihad Islamique à Gaza.

À la télévision, Yaïr Lapid, le Premier ministre israélien, explique : « Israël a mené une opération de contreterrorisme précise contre une menace immédiate. Le Jihad islamique est un supplétif de l’Iran qui veut détruire l’État d’Israël et tuer des Israéliens innocents. Nous ferons tout ce qu’il faut pour défendre notre peuple. »

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La menace immédiate en question, cela fait trois jours que l’armée israélienne l’attend. Tout a commencé lundi 1er août, à Jénine, ville du nord de la Cisjordanie qui défraye la chronique ces derniers mois en raison des nombreux affrontements qui opposent la résistance armée palestinienne à l’armée israélienne. Le chef du Jihad Islamique, Bassem al-Saadi, 62 ans, y est arrêté. « Cette arrestation n’a aucune valeur sécuritaire significative, estime Muhammad Shehada, journaliste gaziote, sur Twitter. Saadi est une personnalité politique, pas un militant et n’a aucun rôle opérationnel. »

Dos au mur

Dans la foulée, les renseignements israéliens sont alertés de représailles imminentes de la part de l’organisation, la troisième en Palestine en terme d’importance, après le Fatah et le Hamas, et proche de l’Iran. Les autorités se préparent au pire : le sud du pays se fige. Les points de passage entre Gaza et Israël sont fermés, tout comme les routes aux alentours. Les localités israéliennes de ce qu’on appelle « l’enveloppe de Gaza » sont confinées et un rare appel est effectué auprès de 25 000 réservistes. Trois jours passent. Rien ne se passe.

Une frappe aérienne israélienne sur la ville de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, et des tirs de roquettes palestiniens, 7 août 2022 ©Attia Muhammed/Flash90

Les communautés israéliennes, coupées du monde, commencent à se plaindre qu’aucune action militaire ne soit lancée pour les libérer de la menace qui plane sur eux. « Le dos au mur, les dirigeants israéliens ont donc décidé de prendre l’initiative militaire, espérant sortir le pays de l’impasse« , explique Amos Harel, l’analyste militaire du journal israélien Haaretz.

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Le vendredi 5 août, plus d’un an après la guerre de 2021, débute donc ce qu’Israël appelle une « attaque préventive ». Une première depuis 2006, date du retrait militaire de la bande de Gaza, les gouvernements préférant habituellement se ranger derrière le principe de la « légitime défense », en répondant à des tirs initiés par Gaza.

Pour beaucoup, cette opération, baptisée « Aurore » n’était pas justifiée. « L’attaque israélienne est inutile, non provoquée et imprudente », estime Hugh Lovatt, analyste au Conseil européen des relations extérieures. Il pointe l’absence de menace concrète : « La seule information sur cette « menace immédiate » était une éventuelle frappe anti-char. C’est très spécifique et ça ne laissait pas présager une volonté d’escalade, d’autant que la situation était calme à Gaza. »

Détresse et visages usés

Deux jours durant, l’armée israélienne vise les chefs et les infrastructures du Jihad Islamique à Gaza. Si les frappes se veulent précises, le bilan s’alourdit vite. Au moment du cessez-le-feu, dimanche à 23h30, le ministère palestinien de la Santé fait état de plus de 350 blessés et de 44 morts. Parmi eux, 15 membres de l’organisation, dont deux personnalités importantes : Tayssir Al-Jabari, commandant des Brigades Al-Qods, et Khaled Mansour, le chef des brigades du sud, mais aussi des civils, dont 15 enfants.

Dégâts à Rafah, au sud de la bande de Gaza, 8 août 2022 ©Attia Muhammed/Flash90

À Gaza, la situation humanitaire se dégrade vite. Le blocus imposé sur l’enclave ne permet plus l’approvisionnement en fuel de la seule centrale électrique de la bande côtière, qui est mise à l’arrêt. Les Palestiniens vivent dans le noir et sans air conditionné, alors que l’été est étouffant à Gaza. Dimanche, le ministère de la Santé palestinien annonce que les générateurs des hôpitaux de Gaza ne disposent plus que de 48h d’autonomie. Sur les réseaux sociaux, clichés et vidéos montrent des visages usés et la détresse d’une population qui se remettait à peine du précédent conflit, un an plus tôt.

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Côté Palestinien, la riposte est exclusivement menée par le Jihad Islamique, qui tire près de 930 roquettes vers Israël, selon un décompte de l’armée israélienne dimanche soir, n’occasionnant que quelques dégâts matériels. La grande majorité sont interceptées par le Dôme de fer israélien. Le Hamas, vrai détenteur de la puissance militaire et politique dans la bande de Gaza, sera resté en dehors de conflit.

À Ashkelon, dans le sud d’Israël, une voiture criblée d’impacts de roquette tirée depuis Gaza  le 6 août 2022 ©Yonatan Sindel/Flash90

« Un peu plus d’un an après la guerre de mai 2021, le Hamas n’est pas remis. Il est perdu stratégiquement. Il sait aussi que la population de Gaza n’a pas la force de subir un nouveau conflit », estime Hugh Lovatt. « La moindre bavure impliquant la mort de civils aurait pu décider le Hamas à prendre part aux combats et faire basculer le conflit« , note cependant Denis Charbit, politologue à l’Open University d’Israël.

Attaquer Benyamin Netanyahou sur sa droite

Que cherchait donc Israël en se lançant dans une guerre à Gaza ? La réponse est à chercher du côté de la politique, comme souvent lorsqu’il s’agit de l’enclave côtière. « Le tout nouveau Premier ministre Yair Lapid, en poste depuis moins de deux mois, a intentionnellement mis Israël en état d’alerte pour une confrontation militaire afin de renforcer sa position politique avant les prochaines élections générales d’Israël, prévues pour le 1er novembre », avance l’analyste politique Méron Rapoport sur le site Middle East Eye.

Le système antimissile Dôme de fer intercepte des roquettes tirées depuis la bande de Gaza vers Israël, vu de Sderot, le 7 août 2022. ©Yonatan Sindel/Flash90

Contacté samedi 6 août, alors que l’issue du conflit restait imprévisible, Denis Charbit analysait ainsi la situation : « Si d’ici 24h ou 48h, Israël annonce qu’elle a terminé son opération et que le Hamas n’a pas bougé, ce sera une double victoire pour Yaïr Lapid et Benny Gantz, son ministre de la défense. Alors que le gouvernement intérimaire actuel est classé « à gauche », perçu comme modéré et pieds et poings liés par la présence du parti arabe, ils vont pouvoir jouer sur le fait qu’ils ont tiré les premiers et qu’ils continué à défendre les citoyens israéliens jusqu’au bout », explique le professeur de sciences politiques avant de compléter : « C’est une manière d’attaquer Benyamin Netanyahou et son parti le Likoud, plus attachés aux questions sécuritaires, sur leur droite : en prenant les devants ils ont osé là où Netanyahou n’avait jamais osé agir. »

Les gaziotes restent les éternels dommages collatéraux de ces attaques. « C’est l’écoeurement qui prime parmi la population, relate père Gabriel Romanelli, curé de la paroisse latine de Gaza, à terresainte.net. L’année qui vient de s’écouler, avec les 14 000 permis de travail distribués et le début d’une amélioration de la situation, a montré qu’une vie sans violence était possible à Gaza.« 

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