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Sami: « Les gens aiment critiquer, mais qui se remet vraiment en question? »

Cécile Lemoine
15 juin 2022
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Sami Helou dans son bureau à la Custodie de Terre Sainte ©Cécile Lemoine/TSM

Ingénieur en informatique de 47 ans, Sami Helou fait partie de la petite communauté maronite de Jérusalem. Il plaide pour que le changement dans l’Église de Terre Sainte vienne "des gens d’ici, qui doivent apprendre à donner et à contribuer avec leurs compétences".


Diriez-vous que vous êtes impliqué dans l’Église ?

Saint Paul nous enseigne que nous récoltons ce que nous semons. C’est avec cela en tête qu’il faudrait s’impliquer dans l’Église. Personnellement j’enseigne à mes enfants à obéir aux enseignements de l’Église et à vivre leur vie selon les bonnes vertus, aussi difficile que cela puisse être au milieu de sociétés « désordonnées ». Je cite le pape Benoît : « Le monde vous offre le confort. Mais nous sommes faits pour la grandeur ». C’est très difficile dans une société où les gens sont focalisés sur les questions matérielles et cherchent aussi le confort dans la pratique de leur foi. Cela rend l’engagement superficiel, ou facile.

Ce que je veux dire c’est que l’engagement en Église exige beaucoup de charité et de générosité si nous voulons vraiment en faire partie : c’est un autre membre de la famille que vous aimez et dont vous prenez soin. Il est important, pour l’avenir de l’Église, d’éduquer et de guider les jeunes sur le chemin qui leur apprend à être de bons laïcs, et non des gens en quête d’autorité et de pouvoir.

Avez-vous le sentiment de faire partie de l’Église de Terre Sainte ?

Oui, avec beaucoup d’humilité.

Qu’est-ce qui vous dérange au sein de l’Église ?

Il y a ce grand fossé entre les deux couches qui composent l’Église : celle du clergé et celle des gens du peuple. Il n’y a pas d’interaction, parce que les gens croient que l’Église est responsable de tout, que l’argent et l’aide qu’ils reçoivent d’elle leur sont acquis. À l’inverse, le clergé ne comprend pas les besoins exacts des gens et s’implique seulement dans les questions sociales. Parfois le clergé reste impuissant dans la tempête des sociétés désordonnées. Les besoins des gens ne sont pas seulement financiers, ils concernent aussi l’orientation spirituelle. Entre ces deux étages, l’espace est rempli de personnes corrompues et de personnes qui recherchent l’influence ou l’autorité. Ces personnes qui ne viennent à la messe que pour la communion ou lorsque des évêques ou des consuls sont là, ne sont pas mon Église. Ils n’ont pas de spiritualité et ils poussent les familles en difficulté à la marge. Les Évangiles racontent que Jésus a laissé la foule entière et est allé guérir les malades et les exclus. C’est ce chemin que l’Église doit suivre.

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Le rôle de l’Église de Terre Sainte est de préserver la présence chrétienne et d’encourager les chrétiens à rester, à avoir plus d’enfants, à remplir les salles de classe, pour renouveler notre présence et notre influence. Nous avons besoin de leadership, de conseils spirituels, mais aussi de protection. Cela pourrait se faire à travers des bourses scolaires pour les familles nombreuses. L’éducation est chère dans ce pays et parfois les gens ne peuvent pas se permettre d’avoir plus de deux enfants. Moi par exemple, j’ai un travail et je fais d’autres choses à côté, mais ce n’est pas suffisant pour mettre quatre enfants dans une école catholique privée.

Pourquoi l’Église n’invente-t-elle pas un moyen de rendre obligatoire la gratuité de l’enseignement pour les familles de deux enfants et plus ? La mentalité des gens doit également évoluer. Ils aiment critiquer, mais qui se remet vraiment en question ? La présence des chrétiens ne sera pas renforcée par les seuls dons annuels. Le changement doit venir d’en bas, des gens qui vivent ici et qui doivent apprendre à donner, à contribuer avec leurs compétences et leurs enfants.

Avez-vous un rêve pour l’Église ?

Qu’elle continue à grandir et se régénérer afin qu’elle reste Église catholique universelle. Le diable sera toujours présent pour l’empêcher d’atteindre les gens. Les personnes corrompues ont fait tellement de dégâts. Cela ne veut pas dire que je n’ai pas d’espoir. Ce sur quoi nous devons nous concentrer, ce sont les enseignements et les sacrements. Je crois vraiment que nous pouvons changer les mentalités des deux côtés.

L’Église doit donner plus à la communauté : incitations, confiance… Il pourrait également y avoir un moyen d’impliquer les jeunes en conditionnant leur bourse d’études à une année de service ecclésial. Les personnes ayant de bonnes compétences devraient toujours se sentir appelées à donner et encouragées à le faire. Avec le nombre et la qualité, nous pouvons changer la situation des chrétiens en Terre Sainte. J’espère que le synode aidera à construire un plan pour cela.

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