« Alors que la nouvelle année scolaire [qui a eu lieu la semaine dernière, ndlr], la municipalité de Tel Aviv-Jaffa a envoyé à ses écoles des cartes montrant la Ligne verte, qui était la frontière d’Israël avant 1967 », a annoncé Haaretz, le 23 août. Et le journal israélien, positionné plutôt à gauche, de poursuivre : « Mais le ministère de l’Education a déclaré lundi [22 août, ndlr] à la municipalité qu’elle ne pouvait pas utiliser la carte « même pas comme affiche à accrocher au mur ». »
Le ministère de l’Education dirigé par le ministre de droite Yifat Shasha-Biton a en effet déclaré dans un communiqué du 22 août que la carte de Tel Aviv n’avait pas été approuvée à des fins éducatives car elle était « non professionnelle et amateur » à la fois dans sa cartographie et dans « son utilisation tendancieuse du terme « ligne de souveraineté » ». Le ministère a par ailleurs ajouté que seule la propre agence cartographique du gouvernement, le département d’enquête et de cartographie « Survey of Israel » (SOI) était autorisée à dessiner les cartes d’Israël.
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La ligne verte est la ligne d’armistice de 1949 tracée entre le tout jeune Israël indépendant et certains de ses pays arabes voisins (Syrie, Jordanie et Egypte) à la fin de la guerre israélo-arabe de 1948. La Cisjordanie est alors passée sous administration transjordanienne et la bande de Gaza sous administration égyptienne. Mais après la guerre de juin 1967, Israël, qui a ensuite notamment annexé Jérusalem-Est et le Golan (deux zones au-delà de la Ligne verte) et occupé la Cisjordanie, a cherché à effacer cette « ligne verte » des mémoires. Et ce, en vertu d’une décision du cabinet israélien prise en 1967, « donnant l’impression que les Territoires palestiniens occupés font partie de son Etat », comme l’explique l’édition française de Middle East Eye.
Enseigner la réalité complexe sur le terrain
Au regard de cet effacement, « l’initiative de Tel-Aviv est exceptionnelle », souligne Haaretz. Même si déjà en 2007, le ministre israélien de l’Education Yuli Tamar, issu du parti Travailliste, avait été précurseur dans le domaine, mais ayant été remplacé deux après par Gideon Saar, nationaliste opposé à la fondation d’un Etat palestinien, son initiative n’avait pu voir le jour.
Cette année, la municipalité de Tel Aviv – Jaffa semble vouloir camper sur ses positions. Face à la réaction de rejet du ministère israélien de l’Education lundi dernier, l’adjoint au maire de Tel Aviv, Chen Arieli, à l’origine de l’initiative en collaboration avec la directrice de l’administration de l’éducation de la municipalité, a déclaré que la ville afficherait les cartes dans les salles de classe en dépit des déclarations du ministère de l’Education.
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Dans un tweet qu’elle a publié le 23 août, l’élue a déclaré : « La réponse du ministère de l’Education est honteuse et nous continuerons comme prévu ». Avant d’ajouter que les élèves méritaient de grandir « avec une perception réaliste et non censurée de l’espace ». Et le 26 août, toujours via Twitter, Chen Arieli sur la même longueur d’onde que le maire de Tel Aviv Ron Huldai a estimé que « les enfants en Israël ont droit à la vérité, même si c’est compliqué. C’est notre devoir de les élever sans angle mort, afin qu’ils puissent voir la réalité telle qu’elle est, et être éveillés pour trouver des solutions pour vivre ici ensemble».
Le maire de Tel Aviv, Ron Huldai, homme de gauche, a écrit aux écoles de Tel Aviv, rapporte Haaretz. Selon lui, la carte est un support pour « des conversations historiques, géographiques, linguistiques – et même sur des sujets d’actualité, sur les alliances, les accords, les conflits, les problèmes politiques qui sont au cœur du discours public».
Selon Haaretz, la carte a été produite, après deux ans de travail, par la municipalité de Tel Aviv pour l’introduire dans près de 2 000 salles de classe de la ville. A Tel Aviv, la plupart des élèves sont inscrits dans des écoles publiques laïques et les écoles palestiniennes de la ville de Jaffa ont reçu une carte en arabe.