« Jusqu’à récemment, aucune inscription cananéenne significative n’avait été découverte en Terre d’Israël ». C’est ce qu’indique un communiqué de l’Université hébraïque de Jérusalem publié aujourd’hui, faisant l’annonce de la rare découverte et du déchiffrement d’une phrase complète, écrite il y a 3 700 ans en cananéen, à l’origine de la plupart des alphabets utilisés aujourd’hui.
Il s’agirait de la phrase la plus ancienne jamais trouvée en Israël, rédigée 100 ans environ après l’invention de l’alphabet cananéen et environ quatre siècles avant l’installation du peuple hébreu au Pays de Canaan qui, dans le récit biblique, s’étendait sur le territoire qui couvre actuellement Israël, les territoires palestiniens, le Liban, et les parties ouestde la Jordanie ou encore de la Syrie, avant d’être conquis par Josué et les tribus d’Israël sorties d’Egypte, vers 1 200 av. J.-C.
Lire aussi >> Le« New York » du pays de Canaan remis à la lumière
Le texte cananéen retrouvé figure sur un petit peigne à poux en ivoire issu d’une défense d’éléphant. L’artéfact a été retrouvé à Tel Lakish en Israël, à 40 kilomètres au sud-ouest de Jérusalem, en 2017 par une équipe de l’Université hébraïque de Jérusalem et de l’Université Adventiste du Sud aux Etats-Unis.
Les lettres n’ont été remarquées que lors d’un nettoyage ultérieur du peigne en 2022, d’où l’annonce récente de la part de l’université hébraïque. De fait, les lettres de l’inscription ont été gravées juste à la surface, ce qui les rendait presque invisibles.
Au deuxième millénaire av. J.-C., Lakish était une cité-Etat cananéenne majeure. A ce jour, 10 inscriptions cananéennes y ont été trouvées, plus que sur tout autre site en Terre Sainte. Mais jusque-là jamais dans une phrase complète. Seulement des lettres isolées ou deux ou trois mots au maximum.
L’usage de l’alphabet cananéen au quotidien
Sur le peigne, petit (3,5 cm sur 2,5 cm) et doté d’une double rangée de dents où seules les bases des plus grosses sont encore présentes, les lettres apparaissent, minuscules (1 à 3 mm de large). L’inscription a été déchiffrée par le Dr Daniel Vainstub, spécialisé en épigraphie sémitique à l’université Ben Gurion de Beer-Sheva. Dix-sept lettres pictographiques courent sur l’artéfact.
Elles ont une forme archaïque datant de la première étape de l’invention de l’alphabet. Sept mots peuvent se lire ainsi. « Que cette défense extirpe les poux des cheveux et de la barbe ».
Daniel Vainstub dans les colonnes du Times of Israel, précise : « Le monde antique est un monde croyant, l’athéisme n’existait pas et les gens utilisaient leurs divinités chaque fois que possible, mais pas ici. Il s’agit d’une inscription entièrement laïque. Il n’y a pas de dieu ici. Ce n’est pas une prière. »
Lire aussi >> A-t-on comblé le trou de l’histoire de l’alphabet ?
Cette découverte est riche sur trois plans. Premièrement, pour Yosef Garfinkel, directeur de l’Institut archéologique de l’université hébraïque de Jérusalem et principal auteur de l’étude publiée dans le Jerusalem Journal of Archaeology, l’inscription sur le peigne est « une preuve directe de l’utilisation de l’alphabet dans les activités quotidiennes il y a quelque 3 700 ans ». Ce qui lui fait dire qu’ « il s’agit d’un jalon dans l’histoire de la capacité humaine à écrire ». Cela indique une alphabétisation bien plus répandue dans le Canaan pré-biblique qu’on ne le pensait auparavant.
Deuxièmement, « malgré sa petite taille, indique le communiqué de l’Université hébraïque, l’inscription sur le peigne de Lakish présente des caractéristiques très particulières, dont certaines sont uniques et comblent des lacunes et des manques dans notre connaissance de nombreux aspects de la culture de Canaan à l’âge du bronze. Pour la première fois, nous disposons d’une phrase verbale entière écrite dans le dialecte parlé par les habitants cananéens de Lakish, ce qui nous permet de comparer cette langue sous tous ses aspects avec les autres sources la concernant ».
Et pour la petite histoire
Enfin, « il s’agit de la première découverte dans la région d’une inscription faisant référence à l’usage de l’objet sur lequel elle a été écrite, par opposition aux inscriptions dédicatoires ou de propriété sur les objets ».
Les peignes anciens étaient généralement fabriqués en bois, en os ou en ivoire. Puisqu’il n’y avait pas d’éléphants à l’époque à Canaan, l’ivoire a sans doute été importé d’Egypte. Produit très cher, l’ivoire était donc utilisé pour des objets de luxe. De toute évidence, le peigne retrouvé à Lakish appartenait à une personne de classe supérieure et qui malgré son statut et son aise, avait aussi des poux !
Pour la petite histoire, l’équipe de recherche est allée jusqu’à chercher des poux sur le peigne au microscope. Des restes de parasites de 0,5 à 0,6 m ont été trouvés sur la deuxième dent du peigne qui présente un côté avec des dents épaisses pour démêler les nœuds dans les cheveux, et un autre côté avec des dents fines pour éliminer les poux et les lentes.