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Le musée arménien fait peau neuve

Marie-A. Beaulieu
20 novembre 2022
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© Photo MAB/CTS

Parmi les cent choses à faire à Jérusalem, il faudra bientôt compter la visite du musée arménien de la Vieille ville.

Installé dans les années soixante-dix du siècle dernier dans un bâtiment construit en 1853, le musée avait fermé ses portes 20 ans plus tard en partie à cause de son état de délabrement. Il a réouvert fin octobre dans les mêmes locaux entièrement restaurés et occupe désormais l’ensemble de l’édifice.

Situé dans le quartier arménien, dans l’enceinte même du domaine qui entoure la cathédrale Saint-Jacques, le musée dispose néanmoins d’une entrée sur la rue du Patriarcat arménien, l’accès au reste du complexe restant strictement privé.

Le hosh, cette cour commune qui dessert quelque 40 chambres, a connu une cure de jouvence. Sablé, sa pierre blanche a retrouvé sa beauté, et elle la gardera puisqu’un toit de verre protégera désormais ses murs internes.

L’architecture comme la muséographie servent dans leur esthétique la richesse de l’histoire arménienne. © Photo MAB/CTS

Un musée repensé

L’effet à l’entrée est saisissant. Le mélange de l’ancien et du moderne est particulièrement réussi. Au milieu de la cour, une splendide mosaïque. Elle date du Ve siècle et est surmontée de cette inscription “À la mémoire et au salut des âmes de tous les Arméniens dont les noms sont connus de Dieu seul”.

Tout est d’une sobriété impeccable, laissant le lieu vibrer de sa densité historique.

Ce n’est pas un hasard si elle accueille ainsi le visiteur. “Le propos du musée, est de raconter l’histoire de la présence arménienne en Terre Sainte” explique le maître d’œuvre des travaux, le franco-libanais Harout Bezdjian. Il achève d’installer l’exposition quand il reçoit Terre Sainte Magazine pour une visite en avant-première et un historique de l’aventure dans laquelle il a été entraîné par d’autres Arméniens (dont plusieurs résident en France). “Le patriarche a confié son désir de réouvrir le musée. George Hintlian, l’historien de la communauté de Jérusalem, a contacté Claude Mutafian, qui a contacté Raymond Kévorkian, un autre historien. On a fait appel à moi pour la muséographie et la restauration du bâtiment”.

© Photo MAB/CTS

S’il rouvre, le musée ne sera pourtant pas le même. Il a été entièrement repensé. Les quelques objets épars des années soixante-dix ont laissé la place à un parcours historique, fruit du travail de Claude Mutafian, spécialiste du royaume arménien au Moyen Âge (XIe-XIVe). Il occupera presque tout le rez-de-chaussée.

Le parcours est passionnant qui permet de découvrir une histoire largement méconnue, celle de l’Arménie en général et des Arméniens de Jérusalem en particulier. Selon l’auteur, “Jérusalem est le deuxième plus grand trésor arménien après la République d’Arménie elle-même”.

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Un trésor toujours caché

La salle des manuscrits et des enluminures présentera des pièces de toute beauté, tandis que des firmans – décrets officiels des souverains dans l’Empire ottoman – ponctueront le parcours. C’est la salle la plus richement dotée en pièces d’exposition.

“Pour des raisons de sécurité, le patriarcat a renoncé à exposer les trésors liturgiques, objets de culte et paramentiques”. Harout Bezdjian est un peu déçu d’autant que le système de sécurité qu’il a fait installer est suffisamment performant. Mais il ne désespère pas d’un éventuel revirement, même s’il doit intervenir plus tard.

 

L’exposition est rédigée en anglais mais des panneaux latéraux proposeront la traduction en arménien, français (la langue originale), arabe et hébreu.

Tout est d’une sobriété impeccable, laissant le lieu vibrer de sa densité historique. “Je n’ai pas touché au bâtiment, poursuit Bezdjian. Les seuls travaux d’infrastructures, c’était pour mettre un ascenseur”. Même les vitrines ont été installées dans ce qui était autrefois les placards des pièces à vivre du temps où le lieu abritait des séminaristes, puis quelques années plus tard des enfants, survivants du génocide, arrivés – souvent miraculeusement – par centaines.

Sur les murs, on peut encore lire ici ou là les graffiti où, en quelques lignes, ils se racontent. Le génocide, c’est l’autre pan de la culture arménienne, la blessure toujours ouverte. Sa narration occupe tout le deuxième étage.

La sobriété de la décoration et de l’architecture servent le texte, laissant le visiteur sans distraction pour plonger tout entier dans l’Histoire et dans l’effroi mais les dernières salles montrent la vitalité d’un peuple, toujours là, et qui entend rester dans le paysage de Jérusalem avec sa singularité et sa légitimité historique.

Dernière mise à jour: 20/05/2024 10:10

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