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Violences à Hébron : le grand mufti de Jérusalem monte au créneau

Christophe Lafontaine
21 novembre 2022
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Le grand mufti de Jérusalem, Muhammad Ahmad Hussein ©Yonatan Sindel/Flash90

Suite à un week-end de troubles à Hébron durant lequel des radicaux juifs israéliens ont attaqué des Palestiniens et deux mosquées, le grand mufti de Jérusalem a mis en garde contre une « guerre de religion » régionale.


De violents affrontements ont éclaté entre Israéliens et Palestiniens ce week-end à Hébron, dans le sud de la Cisjordanie occupée. Depuis 1997, la ville est divisée en une zone H1 (environ 175 000 Palestiniens, 80% de la ville), sous contrôle palestinien et une zone H2 (qui comprend les lieux saints et où vivent environ 40 000 Palestiniens et plus de 800 colons) sous occupation israélienne.

Comme chaque année, des milliers d’Israéliens juifs – cette année plus de 30 000 – y passent le shabbat lors d’un pèlerinage durant lequel est lue la « Vie de Sarah », la cinquième parasha (section hebdomadaire) du cycle annuel juif de lecture de la Torah qui raconte les négociations d’Abraham pour acheter un lieu de sépulture pour sa femme.

Le site est connu comme le Tombeau des Patriarches où se trouvent des cénotaphes construits au-dessus de tombes attribuées à Abraham, Isaac, Jacob et à leurs épouses Sarah, Rébecca et Léa. Le lieu est saint pour les juifs, les chrétiens et les musulmans.

Cette année, l’armée israélienne a fermé une zone plus vaste que les années précédentes, englobant la zone du marché. Les Palestiniens ont donc été obligés de quitter cette zone. Le propriétaire d’un stand sur le marché a expliqué auprès de Haaretz que les soldats « avaient jeté nos marchandises par terre, puis avaient tiré des gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc pour nous faire partir ».

Un défilé de violences

Sur leur passage, sans que soit déterminé leur nombre, des juifs israéliens radicaux ont scandé « un Juif est une âme ; un Arabe est un fils de p. ». Ils ont aussi détruit des étals de commerces, des voitures et attaqué des maisons de Palestiniens, lancé des objets pointus et des pierres sur des Palestiniens, ce qui a amené ces derniers à répliquer.

Les vitres des deux mosquées Bab Al-Zawiya et Al-Siddiq dans le centre-ville ont été brisées, des dizaines de Palestiniens ont été blessés par les forces israéliennes et les émeutiers. Une soldate israélienne a aussi été blessée par un citoyen israélien.

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Le Premier ministre sortant, Yair Lapid, et le chef d’état-major de Tsahal, Aviv Kohavi, ont tous les deux dénoncé l’attaque contre les soldats, mais pas les attaques contre les Palestiniens. Le ministre sortant de la Défense, Benny Gantz, a quant à lui « fortement condamné » ce qu’il a qualifié d’attaques « extrémistes » contre « les forces de sécurité et les résidents palestiniens ».

Mosquées et lieux saints ciblés

Après les violences du week-end, le Cheikh sunnite Muhammad Ahmad Hussein, grand mufti de Jérusalem, a dénoncé dans un communiqué relayé par l’agence de presse palestinienne Wafa, les attaques « des milices extrémistes de colons juifs » contre les mosquées Bab Al-Zawiya et Al-Siddiq, « au su et sous la protection » des forces militaires israéliennes.

Il a aussi dénoncé l’incursion massive de milliers de colons dans la mosquée Ibrahim (Abraham), le nom arabe pour désigner le Tombeau des Patriarches. Le saint complexe est divisé en une synagogue et une mosquée. Le lieu est entièrement accessible à chacune des deux religions une semaine par an, pour les fêtes religieuses les plus importantes.

Le mois dernier, lorsque la communauté juive a eu un accès complet au site religieux pour les fêtes juives de Kipour et Souccot, des vidéos de juifs dansant dans des parties du complexe dédiées habituellement aux musulmans ont fâché de nombreux Palestiniens, considérant cela comme une violation du caractère sacré du lieu.

Dans son communiqué, le grand mufti a estimé que toutes ces actions violaient « les lois divines et les lois et normes internationales qui ont consacré les libertés de religion et de culte ». Il a ajouté que les autorités d’occupation, par ces attaques, visaient à empêcher les citoyens palestiniens musulmans d’accomplir leurs rites religieux dans leurs mosquées.

Pour lui, ce type d’attaques peut « entraîner la région dans une guerre de religion » qui nuira non seulement pas à la Palestine mais aussi au monde entier. Fustigeant un silence international « honteux », il a appelé la communauté internationale à intervenir avant qu’il ne soit trop tard.

Un sinistre avertissement

Le porte-parole présidentiel de l’Autorité palestinienne, Nabil Abu Rudaineh, a déclaré que ce qui s’est passé dans la ville était « une indication de ce à quoi ressemblera la prochaine étape sous un gouvernement israélien d’extrême droite qui comprend Itamar Ben Gvir. »

Ben Gvir partage des positions d’extrême droite sur les Palestiniens et est un ardent défenseur de la colonisation. Il devrait de fait devenir ministre dans le prochain gouvernement que tente de former le vainqueur des dernières élections israéliennes, Benjamin Netanyahu. « Ce gouvernement de droite sera responsable de la détérioration de la situation et de l’instabilité », a conclu Nabil Abu Rudaineh.

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