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En Israël, cette contestation citoyenne qui grandit

Cécile Lemoine
22 janvier 2023
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Une pancarte qui dénonce la politisation de la nomination des juges de la Cour Suprême, prévue par la réforme du système judiciaire, Tel Aviv, le 21 janvier 2023 ©Cécile Lemoine/TSM

Samedi 21 janvier a vu plus de 130 000 personnes se rassembler à Tel Aviv, Jérusalem, Haïfa, Beersheva, Herzliya et Modi’in, lors de la troisième et jusqu'ici plus importante manifestation contre Benyamin Netanyahou et son gouvernement.


« Dé-mo-cra-tia », « dé-mo-cra-tia », « dé-mo-cra-tia », scande la foule rassemblée sur la place Habima de Tel Aviv en cette fin de shabbat, pour le troisième samedi consécutif. Ils seront un peu plus de 110 000, selon la police, à affluer dans ce quartier du nord de la ville, siège du complexe gouvernemental et symbole du pouvoir politique israélien.

D’autres rassemblements ont eu lieu à Jérusalem, Haïfa, Herzliya et Modi’in, montant les compteurs à environ 130 000 personnes et faisant de cette troisième édition l’une des plus grandes manifestations anti-gouvernementales de la dernière décennie en Israël. En 2011, quelque 350 000 personnes étaient descendues dans les rues du pays pour protester contre le coût de la vie.

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Parmi les drapeaux israéliens et ceux de la communauté LGBT+, très représentée à Tel Aviv, les pancartes rivalisent d’imagination dans leurs slogans pour dénoncer la réforme de la justice présentée le 4 janvier par le garde des sceaux, Yariv Levin. La nouvelle coalition prévoit d’affaiblir le pouvoir de supervision de la Cour suprême et de politiser les nominations des juges.

« Les Israéliens n’ont pas cette culture de descendre dans la rue, mais on voit bien qu’il y a une prise de conscience », estime David Ben Ichay, un franco-israélien qui a créé le groupe francophone Démocrates Mobilisés sur Facebook, à l’époque des manifestations de la rue Balfour demandant de départ de Benyamin Netanyahou il y a un an et demi. « Aujourd’hui, c’est un peu la suite. Mais on voit qu’il y a d’autres types de profils, des avocats, des gens issus du monde de la high-tech, des personnes qui ont voté pour Bibi, mais qui n’ont pas voté pour ça… »

« Si on est là, c’est qu’on a de l’espoir »

Parmi le petit groupe de franco-israéliens qui s’est donné rendez-vous sur l’une des rues adjacentes à la place Habima, il y a Laurence, une ancienne avocate arrivée il y a 9 ans en Israël : « La loi de contournement, c’est la fin de la séparation des pouvoirs, lance-t-elle en faisant référence à une des dispositions du projet de loi, qui autoriserait le Parlement à revoter des lois annulées par la Cour Suprême. C’est une forme de coup d’Etat. Ils vont pouvoir annexer les Territoires palestiniens, faire passer des lois qui favorisent un environnement religieux… »

Un peu plus haut dans un cortège où se dressent hardiment quelques drapeaux palestiniens malgré leur interdiction récente par le nouveau ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, Maayan, 26 ans, n’affiche pas un grand optimisme : « Dans une démocratie, manifester est un droit, mais il ne faut pas se voiler la face, on ne va rien changer au projet du gouvernement. »

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Une large pancarte en forme de table de la lois fend la foule, de plus en plus dense. « Tu ne mentiras pas, tu ne voleras pas », peut-on y lire en hébreu. Une référence au cas d’Arieh Deri, chef du parti ultra-orthodoxe Shas nommé ministre de la Santé alors que sa condamnation pour fraude fiscale l’en empêche.

Trois jours avant la manifestation la Cour Suprême a statué qu’Arieh Deri ne pouvait être ministre et que Netanyahou devait s’en séparer. Celui-ci, lui-même sous le coup d’un quadruple procès pour corruption, a promis à son fidèle allié de lui « permettre d’œuvrer pour le pays ». « On marche sur la tête. On ne veut pas être gouvernés par des voyous qui ont autant de casseroles, ils ne peuvent pas nous représenter », s’insurge Dalia, une architecte installée depuis 26 ans en Israël. On reviendra tous les samedis s’il faut. Si on est là c’est qu’on a de l’espoir. »

« Le pays tel qu’il est actuellement n’est pas l’endroit où j’ai emmené mes enfants, poursuit-elle. Aujourd’hui, ils regardent pour aller s’installer ailleurs. On travaille 45 heures par semaine, on paye des impôts qui servent aux plus religieux, le coût de la vie ne fait qu’augmenter… » David Ben Ichay abonde : « On aimerait bien débattre de l’âge du départ à la retraite. Mais il n’y a pas cet espace en Israël. Pour le moment. »

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