Derrière une couverture en cuire sobre, presque banale, un trésor : les 400 pages manuscrites du Codex Sassoon, la version la plus ancienne et complète de la Bible hébraïque. Un texte au fondement des religions abrahamiques. Le 16 mai prochain, il sera mis aux enchères par Sotheby’s lors d’une vente qui s’annonce déjà historique. Sa valeur est estimée entre 30 et 50 millions de dollars, ce qui pourrait en faire le document historique le plus cher jamais vendu.
On désigne, par le terme Bible hébraïque, les 24 livres écrits en hébreu et divisés en trois parties (le Pentateuque, les Prophètes et les Écrits) qui sont le fondement du Judaïsme et composent l’Ancien Testament chrétien. L’islam accorde également une attention particulière aux histoires de la Bible hébraïque. Nombre d’entre elles sont incluses dans le Coran ou dans la littérature islamique.
Le Codex Sassoon a probablement été copié entre le IXe et le Xe siècle ap.J.-C. Près de 1000 ans plus tard, son état de conservation est quasi parfait. Seules cinq pages manquent à l’appel (les 10 premiers chapitres de la Genèse.) Il est possible de suivre sa piste à travers les siècles grâce aux notes qu’y ont laissées ses différents propriétaires. On perd cependant sa trace autour du XIIIe siècle, quand la synagogue du nord de la Syrie où elle était utilisée, est détruite.
Un pont avec les rouleaux de la mer Morte
Le codex ne refera surface que 600 ans plus tard, en 1929, lors d’une vente aux enchères où il est acquis par celui qui lui donnera son nom : David Solomon Sassoon (1880-1942), un britannique qui a réuni la plus importante collection de textes juifs anciens au monde. Il est depuis resté dans des collections privées, et appartient actuellement à Jacqui Safra, un banquier suisse dont les racines familiales se trouvent en Syrie.
Il existe à ce jour deux autres Bibles hébraïques. Mais aucune n’est aussi vieille ou complète que le Codex Sasssoon. Le Codex d’Alep, conservé au Musée d’Israël, a été copié en 930, mais un tiers de ses pages ont disparu en 1947. Le Codex de Leningrad, propriété de la Bibliothèque nationale de Russie à Saint-Pétersbourg, est entièrement complet, mais date d’environ 1008.
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Ces Codex sont précieux car ils aident à comprendre la manière dont le texte biblique s’est fixé, puis s’est transmis sous la forme que nous connaissons auourd’hui. Les premiers manuscrits bibliques hébreux connus sont les rouleaux de la mer Morte, qui remontent au IIIe siècle av. J.-C – Ier siècle ap. J.-C. Ensuite, 700 ans de « silence ». Au cours de cette période, la Bible hébraïque se transmet oralement.
Si les chrétiens commencent à utiliser le codex dès le IIe siècle ap. J.-C., les versions complètes de la Bible hébraïque n’apparaissent qu’au IXe siècle. Les Codex sont un pont entre les premiers manuscrits retrouvés le long de la mer Morte, et la Bible d’aujourd’hui. « C’était comme passer de zéro à 100 », explique Sharon Mintz, spécialiste des livres et manuscrits judaïques à Sotheby’s, au New York Time. Vous avez sept siècles de rien, puis vous avez tout ce texte standardisé et précis de la Bible hébraïque qui fait aujourd’hui autorité et qui est encore celui lu et étudié dans le monde. »
Bientôt visible à Tel-Aviv
Le texte conservé dans ces Bibles est connu sous le nom de texte massorétique. Les Massorètes étaient ces scribes qui ont vécu en Palestine et en Babylonie du VIe au IXe siècle environ, et qui ont développé un système d’annotation fait de points et d’accents pour s’assurer que la parole divine serait lue et transmise correctement.
Bien que les chercheurs soient conscients de son importance depuis la fin des années 1960, le Codex Sassoon est resté largement ignoré du public : sa dernière apparition remonte à 40 ans. Une tournée mondiale doit le faire revenir sur le devant de la scène, avec une exposition chez Sotheby’s à Londres du 22 au 28 février, et d’un arrêt à Tel Aviv (Musée ANU du peuple juif), entre autres.
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La vente de ce document d’exception se déroulera le 16 mai prochain, avec des estimations records allant de 30 à 50 millions d’euros. Jusqu’en 2021, le record du livre le plus cher jamais vendu était détenu par le Codex de Leicester, un manuscrit de Léonard de Vinci acheté par Bill Gates en 1994 pour 30,8 millions de dollars. Il a été détroné par la première impression de la Constitution Américaine, acquise pour 43,2 millions de dollars par l’investisseur Ken Griffin.