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Réforme de la justice: le processus s’accélère, la mobilisation grandit

Cécile Lemoine
13 février 2023
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Près de 100 000 personnes ont manifesté devant la Knesset le 13 février 2023. Soit l'équivalent de 1% de la population israélienne ©Cécile Lemoine/TSM

Près de 100 000 personnes se sont rassemblées lundi à Jérusalem pour protester contre la réforme de la justice. Les premiers textes, visant à affaiblir le pouvoir de la Cour Suprême, seront débattus mercredi à la Knesset.


La presse israélienne avait prédit un « lundi noir ». La foule n’a pas manquée. Dès le matin, des images ont montré des rames de train et des gares bondées. Près de 80 000 Israéliens (100 000 selon les organisateurs) venus de tout le pays se sont rassemblés devant le Parlement, à Jérusalem, ce 13 février pour manifester contre une réforme de la justice largement controversée, dont les deux premiers textes étaient finalisés ce jour-là, lors d’une session du comité pour la Constitution, la loi et la justice.

Omer est venu de Tel-Aviv. Salarié du très privilégié secteur de la haute-technologie, il a posé, comme la majorité de ses collègues, un jour de congé pour venir manifester. « C’est notre dernière chance de faire monter la pression, de faire en sorte que ces lois ne passent pas. On ne veut pas d’une nouvelle Hongrie ici, d’une Pologne, ou d’une Turquie… », expose ce quarantenaire habitué à battre le pavé.

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A l’intérieur de la Knesset, dans la petite salle où se déroulent les discussions du Comité des lois, l’ambiance est électrique. Des députés de l’opposition se lèvent et chantent : « Je n’ai pas d’autre pays », avant de prendre à partie le président du Comité, Simcha Rothman, issu du parti Sionisme religieux : « Honte ! Honte à vous ! », et de finalement se faire sortir par le service de sécurité.

En milieu de matinée, deux textes sont votés par le Comité. Ils seront débattus en séance plénière lors de la lecture préliminaire prévue mercredi prochain. Le premier, rédigé par le président du Comité, Simcha Rothman, empêche la Cour Suprême de bloquer les amendements aux lois fondamentales du pays. Le deuxième modifie la composition du panel de sélection des juges, déplaçant l’équilibre en faveur du gouvernement. En Israël, un projet de loi doit passer par trois lectures pour avoir force de loi.

« Ces manifestations, c’est comme de l’eau »

Parmi les 64 députés qui forment la majorité, aucun ne s’est pour l’instant opposé au projet. Et ce alors que plus de 60% des israéliens souhaitent que le gouvernement arrête cette réforme. Cela fait 6 semaines que, tous les samedis, les rues israéliennes se remplissent de manifestants. La dernière, celle du 11 février a vu près de 230 000 personnes défiler à travers tous le pays (2,6% de la population). Des chiffres jamais égalés depuis les manifestations contre la vie chère de 2011.

Omer, Tubi, et leurs deux filles, venus de Tel-Aviv pour manifester « pour la démocratie » à Jérusalem, 13 février 2023 ©Cécile Lemoine/TSM

« Au début, j’étais dubitative. Mais une fois qu’on est dans la foule, on réalise qu’on n’est pas tout seul, que des milliers d’autres personnes partagent nos convictions libérales et démocratiques. C’est addictif », sourit Tubi, la femme d’Omer. Leurs deux filles sont venues aussi. Elles ratent l’école, mais c’est pour la bonne cause. « Ces manifestations, c’est comme de l’eau : ça s’infiltre dans la pierre, et si ça persiste, ça la casse », souffle Tubi, qui, comme son mari, travaille dans la high-tech. Elle veut croire au pouvoir de la rue, de l’opinion publique.

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Juges de la Cour suprême, présidents européens… Les critiques à l’encontre de ce projet de loi qualifié de « menace » pour la démocratie et le mode de vie israéliens, viennent de toutes parts. Le président israélien, Isaac Herzog, est même sorti de son devoir de réserve, en appelant, lors d’une allocuation télévisée dimanche 12 février, à geler la réforme en attendant de trouver un « consensus large ». « Nous sommes proche d’une collision, qui pourrait être violente, s’est-il inquiété. Les deux parties doivent comprendre que, quel que soit le camp qui l’emporte à la fin, nous serons tous perdants. »

Lundi soir, le ministre de la Justice Yariv Levin et le président du Comité des lois, Simcha Rothman, ont lancé une « proposition de dialogue », aux chefs de l’opposition Yaïr Lapid et Benny Gantz, en refusant toutefois d’arrêter le processus législatif.
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