Cécile, qui est à mes côtés depuis bientôt deux ans, m’a demandé comment je faisais dans ces moments. Est-ce que je ne me laissais pas atteindre, toucher, affecter par toute cette noirceur ? Comment ne le serai-je pas ? Bien sûr que j’ai le cœur brisé au point qu’il puisse faire physiquement mal à force d’être serré. (Merci à Pierre-Antoine B. d’avoir compris et de prier pour nous).
Les belles choses
Alors je lui expliquais que lorsque je me sens « attaquée » par la nuit, j’allume de petits contrefeux : je me souviens des belles choses. Ce rayon de soleil qui me fait de l’œil. La tendresse qui émane du visage de géant de frère Sandro. André et Garineh qui se sont mis en quatre depuis Alep pour nous fournir des photos. Le fou rire du père Yves P. de Suisse. Les amis juifs qui m’ont témoigné leur soutien. Les manifestations en faveur de la démocratie en Israël. La généreuse amitié d’Ahmad. L’assemblée synodale continentale des Églises catholiques du Moyen-Orient…
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J’en étais là. Et la journée d’hier a apporté son lot de morts. Onze. Et sous le soleil éclatant d’un ciel d’azur sans nuage, il n’y avait plus que du noir. Les belles choses ne suffisaient plus à vaincre l’obscurité.
C’était mercredi des Cendres, le premier jour du carême. Je me suis souvenue de cet article qu’un abonné de la revue a écrit et m’a envoyé : « L’homme du Linceul était-il consentant ? » L’auteur, le professeur Jacques Jaume, spécialiste de la douleur, en reprenant les études médicales faites sur le linceul de Turin, a étudié les lésions du corps et la douleur qu’elles ont occasionnées.
La lumière poindra
L’article est bouleversant. Les conclusions sont déjà dans le titre : Jésus a consenti à la douleur physique, pas par masochisme, mais pour ne rien opposer de lui-même au Salut qui doit rejoindre tout homme, même le méchant.
Tout croyants en la Résurrection que nous sommes, et quelle que soit l’espérance qu’elle met en nous, nous ne pouvons faire l’économie des heures de la Passion. 40 jours, je vais me tenir là sur ce banc de marbre à la chapelle latine du Calvaire, où la mosaïque dessine cette parole d’Isaïe : Vere languores nostros ipse tulit, et dolores nostros ipse portavi. « En fait, c’étaient nos souffrances qu’il portait, nos douleurs dont il était chargé. » Après 3 jours la lumière poindra.
Dernière mise à jour: 06/05/2024 13:15