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Le succès d’une collecte de fonds israélienne en faveur des Palestiniens de Huwara

Cécile Lemoine
2 mars 2023
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Des colons prient l'office du soir avec en arrière plan des maisons et des voitures de Huwara en flammes (Capture d'écran : Twitter)

Dans la foulée des violences commises par des colons à Huwara, en Cisjordanie le 26 février dernier, une cagnotte a été ouverte par un homme politique israélien pour dédommager les victimes Palestiniennes. Elle a atteint le million de shekels en quelques heures.


Elle a atteint son plafond (1 million de shekels soit 260 000 euros) en l’espace de 12 heures. Ouverte lundi 27 février, la cagnotte avait dépassé le million et demi de shekels (412 000 euros) et les 11 000 donateurs mercredi 1er mars. L’argent collecté sera reversé aux « familles innocentes » du village palestinien de Huwara.

Situé en Cisjordanie occupée, cette bourgade qui fait l’entrée de la ville de Naplouse a été la cible d’un déchaînement de haine inédit dans la soirée du dimanche 26 février : une centaine de colons ont mis le feu à des dizaines de maisons et de voitures. Bilan : un Palestinien tué, une centaine d’autres blessés. Une expédition à caractère punitif pour venger la mort de deux d’entre eux, tués le même jour dans ce même village par un Palestinien.

Restes de voitures incendiées par des colons israéliens le 26 février à Huwara, en Cisjordanie occupée ©Erik Marmor/Flash90

Rapidement qualifiées de « pogrom » par des militants israéliens anti-occupation, les exactions des colons, qui se sont arrêtés un instant devant les flammes pour prier, n’ont pas laissé la société israélienne indifférente. « Ce n’est pas notre judaïsme », est-il écrit dans la description de la collecte en ligne.

« Judaïsme de haine et d’extrémisme »

A l’origine de l’initiative, Yaïr Fink, ou « Yaya » Fink comme il aime se faire appeler. Cet homme politique et militant de gauche, membre du parti travailliste Israélien, est réserviste dans l’armée israélienne et diplômé d’une Yeshiva (une école juive religieuse). S’il évoque « rage » et « douleur » face à la mort des deux colons tués par un « ignoble terroriste » à Huwara, le militant estime que les Israéliens ne doivent pas « perdre leur humanité » : « En tant que religieux, en tant que sioniste, en tant que réserviste, en tant qu’être humain, je ne peux pas rester silencieux lorsque mon peuple, avec le soutien des élus, brûle des villages », écrit-il dans un tweet.

Israélien et « fier d’être juif religieux », Yaya Fink ne se reconnait cependant pas dans le judaïsme qu’il estime promu par le gouvernement le plus radical et religieux qu’ait connu le pays : « Cela me brise le cœur qu’un nouveau judaïsme de haine et d’extrémisme ait été inventé ici », glisse le politicien dans un autre tweet.

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Même désarroi dans les 2 300 commentaires laissés par les contibuteurs de la cagnotte. « Les émeutiers ne me représentent pas. Ils ne peuvent pas se dire Juifs et Israéliens », écrit David Benjamin. « Comment un peuple qui a connu des pogroms peut-il perpétrer des pogroms sur un autre peuple, n’avons-nous rien appris de notre histoire ?! », s’interroge Inbal Bar-sur. « Huwara 2023 = Nuit de cristal 1938. Impossible de rester indifférent !« , écrivent Amos et Dorit Harpaz un peu plus bas.

Interviewé par le quotidien Haaretz, grand journal de gauche, l’historien israélien Daniel Blatman, professeur à l’Université hébraïque de Jérusalem et spécialiste du nazisme et du génocide, alertait à la mi-février sur les similitudes entre la crise démocratique actuelle en Israël, et l’Allemagne nazie des années 1930 :« Ce que nous observons ici c’est un régime qui commence à exécuter une révolution judiciaire, politique et morale rapide – comme en Allemagne. A partir de janvier 1933, tout était fini. En moins de six mois, le pays est devenu méconnaissable. On a institutionnalisé une dictature qui a duré jusqu’en 1945. »

« Un peu de lumière repousse beaucoup d’obscurité »

Le gouvernement israélien mène actuellement un blitz législatif qui vise à politiser la Cour Suprême et affaiblir son rôle de contre-pouvoir. Un mouvement qui pourait ébranler les fondations de la démocratie israélienne. Tous les samedis depuis le début de l’année, près de 300 000 personnes se rassemblent dans les rues israéliennes pour protester contre ce projet de réforme judiciaire. A l’échelle d’un petit pays comme Israël (9 millions d’habitants), c’est l’équivalent de 3,3% de la population qui descend toutes les semaines dans la rue. Les manifestations les plus importantes du pays à ce jour.

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Alors qu’Israël vit une crise interne, l’intensité de la violence continue de grimper dans les territoires palestiniens. Les raids de l’armée israélienne dans les villes palestiniennes sont toujours plus nombreux et meurtriers, tout commes les revanches individuelles menées aussi bien par des Palestiniens que des Israéliens. Depuis le début de l’année, 64 Palestiniens et 14 Israéliens ont été tués.

De nombreux autre messages laissés sur le site de la collecte témoignent de la gratitude d’avoir un espace pour montrer son soutien : « Une initiative bénie qui exprime l’esprit du Judaïsme et la Déclaration d’Indépendance ! », écrit un contributeur. « La mort d’Elan Ganeles (un Israélo-américain tué par un Palestinien près de la mer morte le 27 février, ndlr) a été une horrible tragédie pour beaucoup de gens autour de moi. Ce don est fait dans l’espoir que moins de familles aient à vivre cela et qu’il soit mis un terme à cette envolée de meurtres », explique une certaine Aria Fodness.

Si l’initative a connu un franc succès, son auteur a également reçu des centaines de messages de menaces, l’accusant de traîtrise, de financer les terroristes, de ne pas être digne de porter la kippa… Un harcèlement qui attriste Yaya Fink et contre lequel il a prévu de porter plainte. Sa demande reste la même : « Faîtes un don. Un peu de lumière repousse beaucoup d’obscurité. » Reste à savoir si les Palestiniens de Huwara accepteront cet argent israélien.

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