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A Jérusalem, juifs, chrétiens et musulmans veulent espérer ensemble leur futur

Cécile Lemoine
11 mai 2023
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Bras-dessus, bras-dessous, les dirigeants religieux se sont inspirés de la marche de Martin Luther King et du rabbin Abraham Joshua Heschel, en 1965 ©Cécile Lemoine/TSM

Environ 200 fidèles des trois monothéismes ont marché ensemble pour la paix, l'égalité et la justice mercredi 10 mai à Jérusalem, dans un contexte de regain de tensions entre Israël et la bande de Gaza.


La scène laisse les passants bouche-bée. Imams, prêtres, pasteurs et rabbins (au masculin et au féminin pour les deux derniers), bras-dessus, bras-dessous dans la rue de Jaffa. Les badauds de cette artère vivante et commerçante de Jérusalem-Ouest ne peuvent s’empêcher de dégainer leur smartphone. Les Israéliens n’ont pas l’habitude des évènements inter-religieux. Surtout qu’ils se déroulent rarement dans l’espace public.

L’initiative s’inscrit dans le cadre d’une conférence annuelle organisée par l’organisation « Rabbins pour les droits de l’homme » sous le titre « Leadership juif en temps de crise », qui a eu lieu plus tôt dans la journée. Les rabbins se sont réunis pour tenter formuler une alternative juive forte au discours qui domine l’agenda politique actuel en Israël. 

 

Fixée au mercredi 10 mai, la marche marque le cinquantième anniversaire de la mort du rabbin Abraham Joshua Heschel et s’inspire directement de celle à laquelle il a participé avec Martin Luther King aux Etats-Unis en 1965.

Leur marche commune est un exemple de leadership religieux courageux, expose Avi Dabush, directeur exécutif de Rabbins pour les droits de l’homme. Leur idée trouve un écho dans cette société israélienne profondément divisée, où les espaces publics sont devenus des terrains propices au fanatisme religieux et à la violence.”

« Montrer qu’on est ensemble »

Quelques centaines de personnes ont répondu à l’appel, en cette fin d’après-midi qui commence à sentir l’été. Beaucoup de juifs israéliens. Quelques chrétiens (tous étrangers). Quelques musulmans, dont des courants improbables, comme cet imam Ahmadi, une branche de l’Islam qui estime que le Messie est arrivé (et ce n’est pas Jésus) et très investie dans l’inter-religieux. La Terre Sainte dans toute sa diversité religieuse.

Des chants, en hébreu, montent du petit groupe qui avance tranquillement dans une douce lumière dorée. Ils parlent de paix. “Dans l’obscurité actuelle, il est important de rester du côté de la lumière, du dialogue et de la solidarité. C’est vrai aujourd’hui plus que jamais”, lance la rabbin Tamar Elad-Appelbaum, en référence aux échanges de roquettes entre la bande de Gaza et Israël, ces deux derniers jours.

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Prévu depuis plus d’une semaine, les organisateurs ont pensé annuler l’évènement, du fait d’une situation politique et sécuritaire de plus en plus tendue. “Ils ne voulaient pas politiser l’événement, qui était avant tout spirituel. Mais c’est important de montrer qu’on est ensemble, juifs, chrétiens et musulmans. C’est la première étape pour amorcer un changement dans les mentalités”, souligne Gabriel Abensour, un jeune rabbin d’origine française proche des organisateurs.

 

Le rassemblement sera malgré tout perturbé par un groupe de jeunes juifs radicaux. “Mort aux terroristes”, hurlent-ils pour tenter de couvrir les différentes prises de parole. Une référence aux Palestiniens de Gaza, auteurs des tirs qui ont survolé Tel Aviv ce mercredi 10 mai.

« Ils sont jeunes. On leur a lavé le cerveau. Pour eux, tous les arabes et tous les musulmans sont des terroristes, soupire Ora, professeure de biologie israélienne, après avoir tenté d’expliquer aux garçons la teneur du rassemblement. Ils nous ont pris pour des gauchistes. »

Une autre voix que celle de la droite religieuse

La marche interreligieuse précède d’une semaine une autre marche, celle des drapeaux, organisée tous les ans par l’ultra-droite sioniste et religieuse à travers le quartier musulman de la vieille ville de Jérusalem, à l’occasion du Jour de Jérusalem. “Cette voix, c’est celle de la droite religieuse. C’est la seule qu’on entend aujourd’hui, souffle Zevi.

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Kippa tricotée, tsit-tsit aux coins du pantalon et longue barbe frisée, ce jeune blogueur est issu d’une communauté juive hassidique. Ses vidéos parlent de dialogue interreligieux. Il poursuit : “Comme partout, ce sont les discours extrémistes qui ont pignon sur rue, parce que les modérés ne lèvent pas la voix. Cette marche, c’est l’occasion de le faire. Elle montre qu’il est possible d’avoir une vision commune et de croire aux droits de l’homme sans quitter la religion.”

Dans un pays où la religion n’est pas séparée de l’Etat, le dialogue entre les différentes communautés doit forcément passer par la religion pour porter du fruit. Mais les organisations qui travaillent dans le dialogue inter-religieux le savent, elles s’adressent souvent déjà aux convaincus, et peinent à intéresser un plus large public.

“Dans l’idéal, nous aimerions parvenir à créer un groupe de dirigeants issus de différentes communautés religieuses et influents dans la sphère publique, espère Avi Dabush. Ils serviraient d’exemple. Les gens pourraient voir que la religion ne fait pas seulement partie de ce qui est mal, mais qu’elle fait aussi partie du tikkun olam, c’est-à-dire qu’elle contribue activement à améliorer le monde.” 

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