Actualité et archéologie du Moyen-Orient et du monde de la Bible

La diversité : ce trésor des Églises en Orient

Par Cécile Leca
30 juillet 2023
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Les temps de rencontres informelles ont fait partie des moments importants du symposium de Chypre.

Quelques participants du symposium “Enracinés dans l’espérance” témoignent de ce qu’ils ont vécu, entre encouragement et désir de voir les décisions se concrétiser. Par Cécile Leca


Si l’on y regarde de près, cette rencontre aura souligné la force de nos Églises : l’amitié et l’unité de la foi catholique dans toute sa pluralité, l’ouverture à l’autre quels que soient son rite ou ses croyances… Mais elle nous aura aussi rappelé qu’il nous reste un long chemin à parcourir.” D’origine libanaise, naturalisé français, Mgr Élie Warde est évêque syriaque-catholique pour l’éparchie du Caire. “Cet évènement m’aura permis de prendre conscience des failles et des points faibles de l’Église, mais dans le bon sens du terme, c’est-à-dire de façon à m’encourager, à m’armer de courage et à aller de l’avant. Nous vivons dans un monde déchiré par la souffrance et la guerre, dans des Églises parfois loin d’être en conformité avec les exigences de la foi. Devant nous semble se dresser une multitude sans fin de défis à relever, qui peuvent parfois nous laisser désabusés. Pourtant, ce que je retiens de ces quatre jours, c’est qu’ils auront illustré le désir de dialogue, d’ouverture à l’autre, de fraternité et de liberté responsable des membres de l’Église.”

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Voir en l’autre une richesse

“Ce dont on a besoin aujourd’hui, poursuit-il, ce n’est pas d’une Église autocratique ou impérialiste, ce n’est pas d’une Église de prêtres et d’évêques, mais c’est d’une Église de croyants, une Église synodale, une Église qui accueille et qui écoute tout le monde, qui accepte ses erreurs pour mieux les comprendre, qui n’a pas peur d’entendre des discours opposés au sien, mais qui au contraire est prête à les écouter et à y réfléchir, déclare-t-il ; ainsi, grâce à l’autre, nous prendrons mieux conscience de nous-mêmes, ce qui ne pourra qu’approfondir notre cheminement. Nous ne serons jamais parfaits, mais il nous faut continuellement tenter de nous améliorer.”
Si son discours reflète celui de nombreux participants, d’autres sont plus dubitatifs quant au véritable impact de ce symposium, soulignant notamment sa redondance avec l’Assemblée Synodale Continentale au Liban peu de temps auparavant. “On a un peu l’impression de faire un pas en arrière” estime l’une des participantes, de rite melkite. “Parler, c’est bien, mais désormais, il est temps d’agir. J’espère que ce symposium permettra la mise en place de mesures concrètes afin de mettre en œuvre ce qui a été dit”, conclut-elle.
Toutefois, l’aspect théorique du symposium aura aussi été l’occasion, soulignée par beaucoup, de se rencontrer et d’apprendre à se connaître. Après quatre jours passés ensemble, des liens se sont tissés entre les participants, et nombreux sont ceux qui espèrent les voir perdurer. Pour une participante laïque, égyptienne, ce sont de tels liens qui permettront de “renforcer l’unicité de l’Église à l’avenir” et de faciliter la “collaboration” en ce qui concerne “les projets et les initiatives”. Un point souligné à de nombreuses reprises par de multiples intervenants, qui déploraient les cas d’absence ou de manque de collaboration entre Églises et même parfois au sein d’une même Église. Pour l’abbé Nicodemus Schnabel, osb, présent comme vicaire patriarcal pour les migrants et demandeurs d’asile au sein du patriarcat latin de Jérusalem, et depuis, élu abbé de la Dormition, cette “richesse liturgique de l’Église catholique, qui englobe sept rites différents”, vécue pleinement pendant ce symposium, est aussi une occasion de ne pas “s’enfermer dans son propre rite” mais au contraire de “profiter” de cette diversité et de “dépasser son propre milieu, que ce soit en tant que travailleur migrant chrétien, chrétien local ou chrétien religieux. Cette richesse nous offre de nombreuses occasions d’apprendre, non seulement au sein de l’Église catholique, mais aussi au-delà, en dialoguant avec l’islam, le judaïsme et le monde laïc” explique-t-il.

Faire connaissance en petits groupes sera toujours le meilleur moyen pour que les points de vue et les objectifs soient partagés.

Pour ce moine bénédictin en Terre Sainte depuis des années, ce symposium est synonyme d’espoir ; l’espoir de vaincre la peur. “Les voix que l’on a entendues étaient unanimes : n’ayez pas peur de l’altérité, ne voyez pas seulement les problèmes, mais constatez la richesse et les couleurs de nos traditions, de nos compétences et de nos connaissances. Après ces quatre jours, j’ai le sentiment que nous sommes prêts à aller plus loin. Nous sommes prêts à établir et à offrir un dialogue avec tous ceux qui nous entourent. Mon plus grand souhait est que les conséquences de ce symposium se traduisent par un développement, une interrogation, un désir de ne pas s’enfermer dans une cage, de cesser de privilégier la sécurité à l’ouverture.”

Place au concret

Plus concrètement, pour sa communauté chrétienne, le P. Nicodemus voit dans ce symposium une chance pour eux de devenir plus visibles, plus présents, plus au centre en tant que chrétiens faisant partie intégrante de ces territoires – eux qui étaient souvent les oubliés des chrétiens du Moyen-Orient. “Désormais, on les mentionne dans les discours, on fait référence à eux dans les interventions. C’est un signe très positif” se réjouit le vicaire.
Il mentionne aussi sa communauté en tant qu’abbé, exprimant le désir qu’elle “fasse partie intégrante de ce développement qui, je l’espère, aura lieu, sans crainte. D’après ce que j’ai entendu, il y a également un désir de lieux spirituels, de lieux monastiques. Nous avons des institutions, des écoles, des hôpitaux, comme une entreprise qui tourne, pour le bien de tous bien sûr, mais je vois aussi désormais l’importance d’avoir des oasis spirituelles. Des lieux où l’on n’est pas constamment sollicité par le monde extérieur, des lieux de prière et d’accompagnement” conclut-il, réaffirmant son désir de voir ces idées se concrétiser dans un avenir proche.
Désormais, le plus difficile reste à faire. Car si mettre des mots sur les problèmes et leurs éventuelles solutions est une étape essentielle à leur résolution, elle ne suffit pas. Comme l’a très bien résumé Mgr Claudio Gugerotti, préfet du dicastère pour les Églises orientales, dans son discours de clôture, les mots ne peuvent en aucun cas marquer la fin de cette rencontre, qui ne fait que commencer – et qui ne s’achèvera que, lorsque ce qui a été souligné, sera mis en œuvre dans les diocèses de chacun.♦

Dernière mise à jour: 21/05/2024 11:55